coeur se frayer un chemin.
? Comme un tout jeune oiseau qui tremble et qui palpite,?J'arracherai ce coeur tout rouge de son sein,?Et, pour rassasier ma bête favorite,?Je le lui jetterai par terre avec dédain! ?
Vers le Ciel, où son oeil voit un tr?ne splendide,?Le Poète serein lève ses bras pieux,?Et les vastes éclairs de son esprit lucide?Lui dérobent l'aspect des peuples furieux:
? Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance?Comme un divin remède à nos impuretés,?Et comme la meilleure et la plus pure essence?Qui prépare les forts aux saintes voluptés!
? Je sais que vous gardez une place au Poète?Dans les rangs bienheureux des saintes Légions,?Et que vous l'invitez à l'éternelle fête?Des Tr?nes, des Vertus, des Dominations.
? Je sais que la douleur est la noblesse unique?Où ne mordront jamais la terre et les enfers,?Et qu'il faut pour tresser ma couronne mystique?Imposer tous les temps et tous les univers.
? Mais les bijoux perdus de l'antique Palmyre,?Les métaux inconnus, les perles de la mer,?Par votre main montés, ne pourraient pas suffire?A ce beau diadème éblouissant et clair;
? Car il ne sera fait que de pure lumière,?Puisée au foyer saint des rayons primitifs,?Et dont les yeux mortels, dans leur splendeur entière,?Ne sont que des miroirs obscurcis et plaintifs! ?
L'ALBATROS
Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage?Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,?Qui suivent, indolents compagnons de voyage,?Le navire glissant sur les gouffres amers.
A peine les ont-ils déposés sur les planches,?Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,?Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches?Comme des avirons tra?ner à c?té d'eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!?Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid!?L'un agace son bec avec un br?le-gueule,?L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait!
Le Poète est semblable au prince des nuées?Qui hante la tempête et se rit de l'archer;?Exilé sur le sol au milieu des huées,?Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.
ELEVATION
Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,?Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,?Par delà le soleil, par delà les éthers,?Par delà les confins des sphères étoilées,
Mon esprit, tu te meus avec agilité,?Et, comme un bon nageur qui se pame dans l'onde,?Tu sillonnes ga?ment l'immensité profonde?Avec une indicible et male volupté.
Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides,?Va te purifier dans l'air supérieur,?Et bois, comme une pure et divine liqueur,?Le feu clair qui remplit les espaces limpides.
Derrière les ennuis et les vastes chagrins?Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,?Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse?S'élancer vers les champs lumineux et sereins!
Celui dont les pensers, comme des alouettes,?Vers les cieux le matin prennent un libre essor,?--Qui plane sur la vie et comprend sans effort?Le langage des fleurs et des choses muettes!
LES PHARES
Rubens, fleuve d'oubli, jardin de la paresse,?Oreiller de chair fra?che où l'on ne peut aimer,?Mais où la vie afflue et s'agite sans cesse,?Comme l'air dans le ciel et la mer dans la mer;
Léonard de Vinci, miroir profond et sombre,?Où des anges charmants, avec un doux souris?Tout chargé de mystère, apparaissent à l'ombre?Des glaciers et des pins qui ferment leur pays;
Rembrandt, triste h?pital tout rempli de murmures,?Et d'un grand crucifix décoré seulement,?Où la prière en pleurs s'exhale des ordures,?Et d'un rayon d'hiver traversé brusquement;
Michel-Ange, lieu vague où l'on voit des Hercules?Se mêler à des Christ, et se lever tout droits?Des fant?mes puissants, qui dans les crépuscules?Déchirent leur suaire en étirant leurs doigts;
Colères de boxeur, impudences de faune,?Toi qui sus ramasser la beauté des goujats,?Grand coeur gonflé d'orgueil, homme débile et jaune,?Puget, mélancolique empereur des for?ats;
Watteau, ce carnaval où bien des coeurs illustres,?Comme des papillons, errent en flamboyant,?Décors frais et légers éclairés par des lustres?Qui versent la folie à ce bal tournoyant;
Goya, cauchemar plein de choses inconnues,?De foetus qu'on fait cuire au milieu des sabbats,?De vieilles au miroir et d'enfants toutes nues,?Pour tenter les Démons ajustant bien leurs bas;
Delacroix, lac de sang hanté des mauvais anges,?Ombragé par un bois de sapin toujours vert,?Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges?Passent, comme un soupir étouffé de Weber;
Ces malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes,?Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum,?Sont un écho redit par mille labyrinthes;?C'est pour les coeurs mortels un divin opium.
C'est un cri répété par mille sentinelles,?Un ordre renvoyé par mille porte-voix;?C'est un phare allumé sur mille citadelles,?Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois!
Car c'est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage?Que nous puissions donner de notre dignité?Que cet ardent sanglot qui roule d'age en age?Et vient mourir au bord de votre éternité!
LA MUSE VENALE
O Muse de mon coeur, amante des palais,?Auras-tu, quand Janvier lachera ses Borées,?Durant les noirs ennuis des neigeuses soirées,?Un tison pour chauffer tes deux pieds violets?
Ranimeras-tu donc tes épaules marbrées?Aux nocturnes rayons qui percent les volets??Sentant ta bourse à sec autant que ton palais,?Récolteras-tu l'or des vo?tes azurées?
Il te faut, pour gagner ton pain de chaque soir,?Comme un enfant de choeur, jouer de l'encensoir,?Chantes des Te Deum auxquels tu ne crois guère,
Ou,
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