joie, et pour rendre cette joie encore plus complète, j'ai pris l'engagement d'être le parrain de l'une des jumelles. J'ai promis également, milord duc, que vous assisteriez au banquet que le roi des arquebusiers donnera dans huit jours pour célébrer cette solennité.
--Je tiendrai la promesse que vous avez faite en mon nom, répondit Buckingham.
Puis faisant signe à Covelay d'avancer, il lui pla?a sur la poitrine une riche cha?ne d'or qu'il détacha de son propre cou.
--Merci! Covelay: tu as soutenu dignement l'honneur de la vieille Angleterre, lui dit-il.
CHAPITRE III.
SIMON.
Il fallait des nouvelles moins importantes pour jeter une grande émotion et une profonde joie dans la famille Borrekens, et surtout dans le coeur du roi du Serment des Arquebusiers.
Ce dernier n'était point insensible aux jouissances de l'amour-propre: sans compter la reconnaissance que lui inspirait la résolution affectueuse de Rubens, il ne se sentait pas médiocrement fier, à la pensée de pouvoir appeler le chevalier Rubens son compère, et de recevoir chez lui les amis du grand peintre, surtout le duc de Buckingham.
Lors donc que, le lendemain, Simon van Maast vint pour complimenter Borrekens sur la naissance de ses petits-enfants, et s'informer de l'état où se trouvait l'accouchée, il vit le digne bourgeois qui, les manches retroussées jusqu'aux coudes, prenait des mesures et comptait avec soin combien de convives il pourrait placer dans la grande salle de la maison.
Borrekens raconta chaleureusement et en peu de mots à Simon toutes les joies, tous les honneurs qui lui étaient arrivés depuis la veille, et conclut en le priant de l'aider de son intelligence pour résoudre le problème qui le préoccupait, et qui consistait à placer à l'aise quarante personnes, là où l'on n'en pouvait mettre que trente.
Simon, inquiet de l'accouchée, ne parlait que de Thrée, et demandait avec instance à voir les deux enfants; mynheer Borrekens répondait par les quarante convives qu'il devait faire tenir dans sa salle.
Dame Pétronille, la garde-couche, rien que cela! daigna venir en aide au pauvre Simon: elle lui fit un petit signe mystérieux, et tandis que Borrekens continuait à chercher ses combinaisons, elle conduisit le jeune homme dans une pièce voisine, et l'amena devant le berceau où se trouvaient couchées les deux jumelles.
Simon, ému jusqu'à l'attendrissement, essuya une larme et glissa dans la main de dame Pétronille deux florins qu'elle fit à son tour glisser dans l'une des deux poches de sa jupe.
--Ainsi, dit Simon, pour mieux dérober son émotion à la vieille femme, ainsi, c'est le chevalier Rubens qui sera le parrain de ces enfants?
--De l'une seulement, ma?tre Simon! L'autre doit être tenue sur les fonds par mynheer Borghest, le doyen du Serment des Arquebusiers, et qui a rempli deux fois les fonctions de Roi de ce Serment.
--Rien d'ordinaire ne doit avoir lieu dans la destinée de ces enfants, répliqua van Maast, le vieux Borghest est décédé ce matin, subitement, au sortir de la messe.
--Est-il Dieu possible? s'écria la garde-couche en se signant. Mourir ainsi tout-à-coup! Un beau vieillard bien vert et qui ne comptait pas plus de quatre-vingts ans! Ce que c'est que de nous!... Voilà un nouvel embarras pour mynheer Borrekens! Je ne sais pas trop comment il va pouvoir en sortir, attendu que le chevalier Rubens part prochainement pour Londres avec le mylord anglais, et a demandé que le baptême e?t lieu après-demain lundi. Il faut que j'aille prévenir le pauvre homme.
Et avec l'empressement que jamais une commère de cette espèce ne manque de mettre à annoncer une mauvaise nouvelle, elle courut conter à Borrekens ce nouveau surcro?t d'incident, ce nouveau problème à résoudre.
Borrekens en fut d'abord assez étourdi pour laisser échapper de ses mains l'aune avec laquelle, depuis une heure, il mesurait sa salle; mais il s'en remit bient?t.
--Dieu veuille avoir l'ame du bon et respectable Borghest! dit-il, en soulevant son chaperon; mais si je perds pour parrain un vieil ami, j'en ai là un jeune pour le remplacer, n'est-ce pas, Simon?
A cette question, une joie vive illumina le visage du jeune homme, et il s'écria en joignant les mains:
--Moi le compère de dame Thrée? Moi tenir sur les fonts une de ses enfants? Oh! c'est trop de bonheur!
--Eh bien! occupe-toi donc des dragées, mon gar?on, et va faire une visite à ta commère, ma vieille tante Godecharles! Ah! si je pouvais trouver aussi facilement qu'un parrain la place de mes quarante convives! soupira-t-il, en mesurant pour la vingtième fois la salle en tous sens.
Apparemment il finit par trouver les quarante places qu'il désirait tant, car, le lundi suivant, quarante convives, réunis dans cette salle décorée avec beaucoup de go?t, ne se trouvaient pas trop étroitement assis autour d'une table servie avec le luxe et le savoir culinaire que l'on retrouve encore aujourd'hui chez les Anversois.
A la place d'honneur se trouvaient les deux parrains et les deux marraines. Pierre-Paul Rubens avait choisi, pour tenir avec
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