Les Chants de Maldoror

Comte de Lautreamont
Les Chants de Maldoror

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Title: Les Chants de Maldoror
Author: Comte de Lautreamont
Release Date: April 9, 2004 [EBook #12005]
Language: French
Character set encoding: ISO Latin-1
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LES CHANTS DE MALDOROR
par
LE COMTE DE LAUTRéAMONT

CHANTS I, II, III, IV, V, VI

[Illustration: ...; il trainait, à travers les dalles de la chambre, sa peau retourné]
[Illustration: manuscrit d'une lettre.]

A mon ami ALBERT LACROIX.
L'édition actuelle des Chants de Maldoror est la réimpression, revue et corrigée d'après le manuscrit original, d'un ouvrage qui n'a jamais paru en librairie. Dans le courant de 1869, M. le comte de Lautréamont venait de délivrer les derniers bons à tirer de son livre, et celui-ci allait être broché, lorsque l'éditeur--continuellement en butte aux persécutions de l'Empire--en suspendit la mise en vente à cause de certaines violences de style qui en rendaient la publication périlleuse. ?J'ai fait publier un ouvrage de poésies chez M. Lacroix. Mais, une fois qu'il fut imprimé, il a refusé de le faire para?tre, parce que la vie y était peinte sous des couleurs trop amères, et qu'il craignait le procureur général.?
Ainsi s'exprime l'auteur dans la lettre reproduite en _fac-simile_ en tête de ce volume. L'ouvrage de poésies dont il est question et qui, ainsi présenté, atteste la visée lyrique qu'y attachait l'auteur, est bien celui-ci. M. le comte de Lautréamont se refusait à amender les violences de son texte. Ce n'est qu'après s'en être longtemps défendu qu'il consentit aux modifications qui lui étaient demandées. Des cartons destinés à remplacer les passages réputés dangereux devaient être tirés. Mais en 1870, la guerre éclatait. On ne pensa plus aux Chants de Maldoror. Et brusquement, l'auteur mourut, n'ayant exécuté qu'une partie des revisions auxquelles il avait consenti.
Le texte de la présente édition est donc conforme à celui de l'édition originale dont le tirage alla s'égarer dans les caves d'un libraire belge qui, timidement, au bout de quatre années, fit brocher des exemplaires avec un titre et une couverture anonymes[1]. Quelques lettrés seulement connaissent ces exemplaires.
Nous avons cru que la réédition d'une oeuvre aussi intéressante serait bien accueillie. Ses véhémences de style ne peuvent effrayer une époque aussi littéraire que la n?tre. Si outrées qu'elles soient, elles gardent une beauté profonde et ne revêtent aucun caractère pornographique.
La Critique appréciera, comme il convient, les Chants de Maldoror, po?me étrange et inégal où, dans un désordre furieux, se heurtent des épisodes admirables et d'autres souvent confus. En écrivant cette notice, nous voulons simplement détruire une légende formée, on ne sait trop pourquoi, à l'endroit de la personnalité du comte de Lautréamont. Dernièrement encore, M. Léon Bloy, dont la mission, ici-bas, consiste décidément à démolir tout le monde, les morts comme les vivants, tentait d'accréditer cette légende dans une longue étude consacrée au volume[2]: il y répète à satiété que l'auteur était fou et qu'il est mort fou. --?C'est un aliéné qui parle, le plus déplorable, le plus déchirant des aliénés.?--?La catastrophe qui fit de cet inconnu un aliéné ...? --?... Car c'est un vrai fou, hélas! Un vrai fou qui sent sa folie.? Et plus loin: ?_L'auteur est mort dans un cabanon, et c'est tout ce qu'on sait de lui_.? En écrivant cela, M. Léon Bloy a sciemment fait de très mauvaise besogne; en effet, il résulte de l'enquête très approfondie que nous avons faite, il résulte de documents authentiques que nous avons recueillis, que l'auteur des Chants de Maldoror n'est pas mort fou. Le comte de Lautréamont s'est éteint à l'age de vingt ans, emporté en deux jours par une fièvre maligne. Si M. Léon Bloy avait lu les aliénistes, et si la science physiologique l'avait un peu allaité, il e?t apporté plus de réserve dans l'invention d'une fable, intéressante seulement au point de vue de l'effet littéraire qu'il désirait produire. La Science, en effet, nous apprend que les cas de vraie folie sont extrêmement rares au-dessous de vingt ans. Or, l'auteur naquit à Montevideo le 4 avril 1850; son manuscrit fut remis à l'imprimerie en 1868; on peut sans témérité présumer son complet achèvement en 1867; les Chants de Maldoror sortirent donc de l'imagination et du labeur cérébral d'un jeune homme de dix-sept ans. Au surplus, l'extrait des minutes des actes de décès du neuvième arrondissement de Paris porte que Isidore-Lucien Ducasse--tel est son véritable nom--est décédé le jeudi 24 novembre 1870, à huit heures du matin, en son domicile, Faubourg-Montmartre, no 7. Le numéro 7 du Faubourg-Montmartre n'a jamais été ni un cabanon, ni
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