peuvent-ils rien.
--Oui, Marguerite, reprit-il en jetant un regard d��sesp��r�� sur ses enfants en guenilles; oui, mais pourquoi n'y peuvent-ils rien? Pourquoi? reprit-il en tenant les yeux attach��s sur sa fille a?n��e. Quelle est la raison de toute cette mis��re? Si le Seigneur avait fait de ce pays un d��sert st��rile, improductif; s'il ne l'avait pas combl�� de ses bienfaits, alors nous n'aurions pas le droit de nous plaindre. Et ce n'est pas, vois-tu, Marguerite, qu'il n'y ait pas d'ouvrage dans le pays! On ne peut faire un pas dehors sans voir o�� les, ��trangers nous ont enlev�� le pain de la bouche. Ah! il y en a �� faire de l'ouvrage dans le pays! Nous le pourrions faire aussi bien que les ��trangers, et �� meilleur march��, mais on nous plante l��, pieds et poings li��s pour ainsi dire, tandis que les ��trangers enl��vent tout ce que nous pourrions gagner, et m��me notre argent pour enrichir leur patrie et embellir leurs habitations. Nous, nous mourons de faim ou mendions ce pain que nous voudrions pouvoir gagner! Est-ce de la justice? est-ce que ?a ressemble �� de la justice? s'��cria le pauvre homme excit�� par la r��voltante absurdit�� du tableau qu'il venait de tracer.
Tu as raison, Mordaunt! c'est l�� une ��trange justice, ou la justice est aveugle! Il faut que ta modeste simplicit�� creuse plus profond��ment que la science de ceux qui d��clament dans les parlements, sans quoi cette na?ve plainte n'aura point d'��cho. Tu as bien raison de t'��tonner. Une candeur et une sagesse plus grandes que les tiennes peuvent ��tre surprises de cette ��trange politique qui nourrit, v��tit et enrichit l'��tranger, alors que les enfants du Canada manquent de pain. Mais d��barrassez-vous de l'Angleterre, de sa tyrannie; annexez-vous aux ��tats-Unis, et l'abondance, la f��licit�� deviendront votre partage comme le leur.
--Oh! papa, dit l'a?n��e des filles, pourquoi n'avez-vous pas fait de nous des servantes? Pourquoi ne nous mettrions-nous pas en service?
Un instant le p��re la consid��ra avec une morne tristesse, puis il s'��cria:
--Non, mon enfant; non, vous n'avez pas ��t�� ��lev��es pour ?a. Pourquoi ferais-je de vous des servantes? Pourquoi, continua-t-il en arpentant rapidement la chambre, vous enverrais-je remplir un m��tier avilissant sous le toit d'un autre? Je ne suis pas un vieillard affaibli qui a besoin que ses enfants le nourrissent. J'aurais pu rompre ma famille, envoyer l'un d'un c?t��, l'autre de l'autre pour ��tre esclaves chez les riches; j'aurais pu faire ?a, sans venir sur la terre ��trang��re. Non, mon enfant, ?a ne nous rapporterait rien, et il serait maintenant trop tard pour le faire. Ensemble nous quitterons cette contr��e, je ne puis vous laisser derri��re moi. Sans ?a je partirais seul. Non, non, je ne puis et ne veux pas vous laisser seules. Nous partirons tous, Marguerite. Comme ?a, je vous aurai toujours sous ma protection et nous mendierons ensemble, s'il le faut.
Madeleine, qui, depuis l'arriv��e de son p��re, s'��tait assise en un coin et avait tenu ses regards baiss��s vers le sol, les releva vers lui au moment o�� il pronon?a ces mots.
Remarquant la vive anxi��t�� qui se peignait dans les traits de sa fille, Mordaunt s'avan?a vers elle et dit, en lui posant affectueusement la main sur la t��te:
--Madeleine, ma fille, il ne faut pas te laisser ainsi abattre. Guillaume viendra avec nous; Madeleine, je l'ai vu, ainsi que ton fr��re Mark, pauvre gar?on! nous partirons ensemble. Allons, mon enfant, du courage, tu auras une nouvelle robe avant No?l.
--Non, non, mon p��re, s'��cria-t-elle, les larmes aux yeux et en s'attachant passionn��ment �� son bras. Nous ne pouvons partir! Ma pauvre m��re ne pourrait jamais marcher dans la neige si ��paisse; ?a la tuerait, ?a nous tuerait tous, je le sais. Il vaut mieux rester o�� nous sommes. Maman, ch��re maman! ajouta-t-elle en tombant aux pieds de sa m��re, vous ne partirez point, n'est-ce pas? Je sais ce qui arriverait et j'aimerais mieux mourir que de vous laisser partir, oui, maman!
La m��re regarda sa fille. Leurs yeux se rencontr��rent, et elles se comprirent. Le coeur de l'ardente jeune fille se gla?a, sa langue resta attach��e �� son palais. Elle se releva silencieusement, retourna s'asseoir dans son coin, et s'enveloppa encore dans la m��lancolie de ses pens��es.
D'��tranges pens��es sont aussi en vous, Mordaunt, et votre oeil se trouble en s'arr��tant sur la belle jeune fille. Elle vous aime, Mordaunt; oui, elle vous aime. Mais l'amour n'est pas toujours sage, et l'humanit�� est tr��s-faible. Elle est votre fille, Mordaunt, et sa mis��re l'a aveugl��e: prenez garde, car vous l'aimez bien aussi, vous!
Le soir est venu. Le vent a cess�� de gronder et de se briser contre la cabane, la lune filtre les rayons de sa lumi��re souffreteuse dans le pauvre logement, et, rassembl��s autour des derni��res braises mourantes du bois vol��, les habitants parlent de leur prochain d��part,
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