Lenfer et le paradis de lautre monde | Page 4

Émile Chevalier
pas vol��? s'��cria la malheureuse m��re, donnant le nourrisson �� sa fille cadette, et s'agenouillant devant le petit gar?on, qu'elle examina avec une anxi��t�� fi��vreuse.
--Jean, mon cher Jean, dis-moi que tu ne l'as pas vol��?
--Eh! ma foi, peut-��tre que oui, dit-il maussadement. Pourquoi aussi ne voulait-on pas me donner du bois? Il vous fallait du feu, maman. Je n'aurais pas fait ?a pour moi. Mais pour vous... D'ailleurs, Tom William le fait, et il dit qu'il n'y a pas de mal �� ?a, si on ne peut avoir d'ouvrage pour acheter du bois. Et comme ?a, c'est bien, n'est-ce pas, maman? dit-il en sautant dans la chambre pour se r��chauffer.
--Non, non, Jean, c'est tr��s-mal; tu vas reporter ?a... et tout de suite. Il ne faut pas voler, m��me pour ta pauvre m��re, Jean. Nous ne pouvons rester sans feu, c'est vrai; mais tu ne dois pas ��tre un voleur, non, non! Prends-moi ce bois et, reporte-le comme un honn��te gar?on, dit-elle, en essayant de lui replacer le fagot dans les bras.
--Non, je ne le reporterai pas, dit-il en rejetant le bois dans le foyer; je ne le reporterai pas, quand vous ��tes tous gel��s et qu'il n'y a pas un brin de bois �� la maison. Prenez-le pour cette fois, maman, et peut-��tre que je n'en chiperai plus jamais.
Ah! jeune enfant, voil�� que tu voles! Et que te dit la justice? Ses ministres voient-ils en toi les semences du crime dont les cachots cueilleront le fruit? voient-ils en toi le germe de ce qui constitue les coupables? Leur main va-t-elle s'��tendre vers toi pour t'administrer l'antidote au poison qui d��j�� circule en tes veines, ou n'ont-ils rien que le chatiment pour le cultiver et le d��velopper, pour que les prisons ne soient pas vides et que les cours de police ne ch?ment pas?
--Ce n'est pas tout, continua le petit Jean, tirant de sa poche une pi��ce de monnaie et un billet tout froiss��; tenez, regardez, maman, ce que m'a donn�� un homme, pour porter cette lettre �� Madeleine.
Les joues de la jeune fille palirent affreusement.
D'une main tremblante elle arracha la lettre �� son fr��re et la cacha dans les plis de son corsage; mais ce fut sans mot dire, et sa confusion n'en fut que plus apparente.
Un horrible soup?on avait jailli dans le sein de la m��re; des larmes br?laient les paupi��res de la pauvre femme.
--Oh! Madeleine, Madeleine! s'��cria-t-elle apr��s un instant de p��nible silence, de qui vient cette lettre? Est-ce de Guillaume, Jean?
--Non, ce n'est pas de Guillaume, maman; c'est d'un monsieur.
--Madeleine, ?a para?t bien dr?le, dit la m��re ��perdue; confie-moi ce que c'est. Tiens voici ton p��re qui rentre, je vais tout lui dire.
--Non, ma m��re, non, je vous en prie! s'��cria la jeune fille en apercevant un homme qui passait pr��s de la fen��tre et se dirigeait vers la porte; non, ne le lui dites pas, je vous avouerai tout, mais ne le lui dites pas!
--Madeleine, ma pauvre Madeleine! fit la malheureuse femme tombant �� genoux et saisissant sa fille dans ses bras, cette atroce mis��re nous tuera tous! Madeleine, ma pauvre Madeleine!
Venez, vous les heureux du monde et contemplez ce tableau.
C'est le temps de f��ter, de danser, de vous r��jouir; c'est le temps de vanter les charmes de la vie; mais avant que vous ne vous soyez plong��s trop avant dans l'ivresse de vos plaisirs, d��tournez-vous un instant du sentier jonch�� de fleurs o�� vous passez l'existence et jetez les yeux de ce c?t��.
Si c'est une fable que nous ��crivons, s'il n'y a point de v��rit�� dans les portraits, ah! soyez aveugles si vous le voulez; mais s'il est vrai qu'�� votre porte m��me la mis��re grelotte de froid et de faim; s'il est vrai que telles sont les tristes r��alit��s du jour, qui se multiplient et grossissent dans les grandes villes canadiennes �� mesure que s'��coulent les ann��es, alors il est bon, pour vous qui ��tes riches, contents et prosp��res, que vos oreilles soient ouvertes, que votre main s'��tende aux malheureux; car, si vous ne pouvez leur donner un abri et du pain en ��change du dur travail qu'ils feraient volontiers pour vous, il vaut mieux les traiter en mendiants, leur jeter une froide aum?ne, ou les chasser ��pouvant��s de vos rivages, que de les abandonner aux serres du besoin. Ils ne veulent ni ��tre des qu��teux ni fuir la terre qui leur donnera du pain. Ils ne demandent qu'�� travailler pour vivre; �� travailler pour que leurs enfants aient du pain! Pourquoi donc n'entend-on pas leur pri��re dans cette vaste contr��e? Pourquoi ne profite-t-on pas au Canada de sources de richesses qui feraient de ce beau pays un immense empire? Pourquoi, l�� o�� la nature a ��t�� prodigue de ses bienfaits et o�� elle a donn�� des tr��sors qui satisferaient largement vingt millions d'habitants;
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