cervelle giclaient hors de la plaie.
?Le corps a été transporté au commissariat et les autorités ont été prévenues. M. Davaine, le chef de la S?reté, vient d'arriver et procède à une première enquête. On attend M. Lépine d'un moment à l'autre....
?Il ne nous appartient pas d'insister sur les bruits qui se répandent: notre discrétion bien connue nous faisant un devoir de ne pas risquer d'entraver les recherches de la justice.
?Cependant, d'après l'examen du cadavre et quelques indices déjà recueillis, voici ce qui semble d'ores et déjà à peu près établi: le mort appartiendrait au monde du sport. Probablement à la suite de quelque querelle, il aurait été assommé, à l'aide d'un marteau, ou peut-être d'une clef anglaise. Son meurtrier, aidé de quelques complices, aurait transporté le moribond sur la place et on aurait tenté de jeter le corps par-dessus la cl?ture. Mais son poids l'aurait retenu sur les piques de la grille où on l'aurait abandonné.
?Des renseignements importants ont été recueillis, qui paraissent devoir promptement mettre la police sur la trace du ou des coupables. Dans notre édition de cinq heures, nous donnerons les détails de cette horrible affaire qui para?t appelée à produire dans le public une profonde sensation et qui provoquera très vraisemblablement des révélations inattendues.?
On comprend facilement l'émotion qui courut dans Paris à l'annonce de ce mystérieux forfait.
Et encore qui aurait pu se douter des étonnantes, des incroyables conséquences que devait décha?ner cet événement.
II
Où NOUS FAISONS LA CONNAISSANCE DE M. BOBBY
Nous nous payons facilement de mots: quand nous avons appris qu'une enquête de police est ouverte, nous poussons un soupir de soulagement et déjà nous éprouvons comme un sentiment de sécurité.
La police bénéficie surtout des inventions des romanciers: depuis le Zadig de Voltaire jusqu'au Dupin d'Edgar Po? et à l'incomparable Sherlock Holmes, nous supposons volontiers que tous ces personnages ont été plus ou moins attachés au service de la S?reté et ont émargé au quai des Orfèvres: et ce nous est toujours une nouvelle surprise quand, les uns après les autres, nous devons classer les crimes les plus sensationnels au nombre des énigmes indéchiffrables.
Il est même gênant de songer au nombre d'assassins inconnus qui courent le monde et que nous sommes exposés à coudoyer tous les jours.
Le crime de l'Obélisque--comme avait été baptisée l'affaire actuelle--allait-il grossir le nombre des dossiers à jamais clos: on commen?ait à se demander s'il était vraiment possible que pareil forfait f?t commis en plein Paris, au point central des quartiers les plus luxueux, sans que la police p?t découvrir le moindre indice.
On avait fouillé tous les bars des environs, interrogé tous les sportsmen de haute et de basse catégorie, questionné l'ambassade d'Angleterre--car ce seul fait était acquis que la victime était anglaise--on n'avait signalé aucune disparition ni dans les établissements spéciaux, ni dans les h?tels.
Un instant on avait cru tenir une piste: des professionnels de la boxe avaient déclaré que l'inconnu devait être un habitué des assauts de cette spécialité, ceci à certaines traces caractéristiques que les poings laissent sur des parties du corps, toujours les mêmes, notamment à une déformation des maxillaires.
Le chef de la S?reté, M. Davaine, que quelques récents insuccès avaient mis en assez facheuse posture, gourmandait ses agents de la belle fa?on.
En vain, à la Morgue, où le corps avait été transporté, les indicateurs se mêlaient à la foule, interrogeant les physionomies des visiteurs, provoquant leurs confidences. Au résumé le résultat était toujours le même: Connais pas!
Un bruit courait, assez singulier.
L'autopsie avait été pratiquée et l'illustre médecin légiste qui avait réalisé l'opération aurait, disait-on, déclaré que l'individu en question n'était mort ni des blessures qu'il portait au crane, ni des horribles plaies, déterminées par cette sorte d'embrochement sur les piques de la grille.
Mais qu'il était mort auparavant.
Ce qui e?t semblé indiquer qu'il avait été assassiné et que c'était à l'état de cadavre qu'il avait été porté à la Concorde.
Mais telle n'était pas la conclusion du praticien: selon lui, l'inconnu était mort de suffocation. L'état de ses poumons ne laissait aucun doute à cet égard... et le cou ne portait aucune trace de violence, aucune marque de strangulation.
Ce qui était acquis, du moins ainsi l'affirmait un reporter du Nouvelliste, c'est que la mort ne pouvait en aucune fa?on être attribuée aux blessures du crane ou du thorax--lesquelles ne s'étaient produites qu'après la mort.
D'autre part, le point où le cadavre avait été trouvé et qui forme le centre d'un énorme espace vide rendait difficile à accepter cette version que des malfaiteurs eussent justement choisi pour déposer le corps de leur victime un endroit aussi découvert, alors que même en pleine nuit il était contraire à toute vraisemblance qu'ils pussent faire sans être vus un aussi long trajet--sous la lune qui justement était dans son plein et dans un ciel très clair.
--Et pourtant, s'écriait le sous-chef de la S?reté, en conférence
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