leurs dames toutes seules; les dames savez-vous, ?a fait des bêtises si facilement ...
Quels messieurs? Quelle saison? Quelles dames? L'h?tesse continue:
-- On va vous apporter votre malle de la gare. Vous pouvez être tranquille, savez-vous; on ne l'ouvrira pas. C'est mon mari qui a été la chercher lui-même; et avec lui, savez-vous, jamais de visite; il s'est arrangé avec les douaniers pour ?a. ?a nous co?te ce que ?a nous co?te; mais au moins, les bagages de nos clients c'est sacré. Sans ?a, avec les droits d'entrée sur les toilettes, ces dames auraient quelque chose à payer, savez-vous. Et puis, vos instruments à vous, ils auraient du mal à échapper à l'oeil, hein? Je sais bien qu'il vous en faut des solides et que vous ne pouvez pas toujours les mettre dans vos poches; mais enfin, on voit bien que ce n'est pas fait pour arracher les dents. Vaut mieux que tout ?a passe franco.
-- C'est bien certain. Mais,...
-- Ah! j'oubliais. La valise qui est dans le coin, là, c'est la valise de M. Randal; il n'a pas voulu l'emporter, hier. Si elle ne vous gêne pas, je la laisserai dans la chambre; elle est plus en s?reté qu'ailleurs; car je sais bien qu'entre vous ... à moins qu'elle ne vous embarrasse?
-- Pas le moins du monde.
-- J'espère que Monsieur sera satisfait, dit l'h?tesse en se retirant. Et pour le tarif, c'est toujours comme ces messieurs ont d? le dire à Monsieur.
J'esquisse un sourire.
J'ai été très satisfait. Et le soir, retiré dans ma chambre, fort ennuyé -- car j'avais appris que le roi Léopold était enrhumé et qu'il ne sortirait pas de quelque temps -- il m'est venu à l'idée, pour tromper mon chagrin, de regarder ce que contenait la valise de M. Randal. Curiosité malsaine, je l'accorde. Mais, pourquoi avait-on laissé ce portemanteau dans ma chambre? Pourquoi étais-je morose et désoeuvré? Pourquoi le roi Léopold était-il enrhumé? Autant de questions auxquelles il faudrait répondre avant de me juger trop sévèrement.
Bref, j'ouvris la valise; elle n'était point fermée à clé.; les courroies seules la bouclaient. Je n'aurai pas, Dieu merci, une effraction sur la conscience. Dedans, pas grand'chose d'intéressant: des ferrailles, des instruments d'acier de différentes formes et de différentes grandeurs, dont, j'ignore l'usage. à quoi ?a peut-il servir? Mystère. Une petite bouteille étiquetée: Chloroforme. Ne l'ouvrons pas! Une bo?te en fer avec des boulettes dedans. Qu'est-ce que c'est que ?a? N'y touchons pas, c'est plus prudent. Un gros rouleau de papiers. Je dénoue la ficelle qui l'attache. Qu'est-ce que cela peut être? Je me mets à lire...
J'ai lu toute la nuit. Avec intérêt? Vous en jugerez; ce que j'ai lu cette nuit-là, vous allez le lire tout à l'heure. Et le matin, quand il m'a fallu sortir, je n'ai pas voulu laisser tra?ner sur une table le manuscrit dont je n'avais pas achevé la lecture, ni même le remettre dans la valise. On aurait pu l'enlever, pendant mon absence. Je l'ai enfermé dans ma malle.
Dans la journée, j'ai appris une chose très ennuyante, l'h?tel où j'habite est un h?tel interlope -- des plus interlopes. -Il n'est fréquenté que par des voleurs; pas toujours célibataires. Quel malheur d'être tombé, du premier coup, dans une maison pareille -- une maison où l'on était si bien, pourtant ... -- Enfin! Je n'ai fait ni une ni deux. J'ai envoyé un commissionnaire chercher mes bagages et régler ma note, et je me suis installé ailleurs.
Et maintenant, maintenant que j'ai terminé la lecture des mémoires de M. Randal -- l'appellerai-je Monsieur? -- maintenant que j'ai en ma possession ce manuscrit que je n'aurais jamais d? lire, jamais d? toucher, qu'en dois-je faire, de ce manuscrit?
-- Le restituer! me crie une voix intérieure, mais impérieuse.
Naturellement. Mais comment faire? Le renvoyer par la poste? Impossible, mon départ précipité a d? déjà sembler louche. On saura d'où il vient, ce rouleau de papiers que rapportera le facteur; je passerai pour un mouchard narquois qui n'a pas le courage de sa fonction, et un de ces soirs ?ces messieurs? me casseront le nez dans un coin. Bien grand merci.
Le rapporter moi-même, avec quelques plaisanteries en guise d'excuses? Ce serait le mieux, à tous les points de vue. Malheureusement, c'est impraticable. Je suis entré une fois dans cet h?tel interlope et, j'aime au moins à l'espérer, personne ne m'a vu. Mais si j'y retourne et qu'on m'observe, si l'on vient à remarquer ma présence dans ce repaire de bandits cosmopolites, si l'on s'aper?oit que je fréquente des endroits suspects -- que n'ira-t-on pas supposer? Quels jugements téméraires ne portera-t- on pas sur ma vie privée? Que diront mes ennemis?
La situation est embarrassante. Comment en sortir? Eh! bien, le manuscrit lui-même m'en donne le moyen. Lequel? Vous le verrez. Mais je viens de relire les dernières pages -- et je
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