Le socialisme en danger | Page 5

Ferdinand Domela Nieuwenhuis
dans mon discours: «L'action
que j'ai recommandée a déjà été appliquée, depuis la suppression de la
loi d'exception, dans beaucoup de cas, tant dans le Reichstag qu'au
dehors. Je ne l'ai donc pas inventée, mais je me suis identifié avec elle;
du reste elle a été suivie depuis Halle. À présent on peut moins que
jamais s'éloigner de cette manière de voir. Ceci prouve clairement que
j'ai en vue la tactique existante, celle qui doit être suivie d'après le
règlement du parti».
Un autre délégué, Schulze, de Magdebourg, dit: «Moi aussi, je
désapprouve la politique de Vollmar, mais celui-ci n'a pourtant rien dit
d'autre, à mon avis, que ce qui a été fait par toute la fraction». Et
Auerbach, de Berlin, ajoute: «La façon d'agir des membres du
Reichstag conduit nécessairement à la tactique de Vollmar».
Et le docteur Schonlank s'écrie: «Les discours de Vollmar à Munich
eussent été mieux à leur place dans la bouche d'un membre de la
«Volkspartei» que dans celle d'un démocrate-socialiste... À la suite d'un
événement imprévu, la chute de Bismarck, Vollmar désire une
transformation complète de tendance dans notre mouvement, et non
seulement un changement de tactique: il veut remplacer la conception

révolutionnaire, suivant laquelle l'oppression actuelle de la classe
ouvrière ne pourra être supprimée qu'après une transformation radicale
de la production, par un parti ouvrier à l'eau de rose, petit-bourgeois, et
il veut que nous nous contentions de ces faibles concessions!»
Auer est du même avis, lorsqu'il dit: «Vollmar s'est incontestablement
prononcé, dans son discours comme dans sa brochure, pour la nécessité
d'un changement de la tactique suivie jusqu'ici!» Et après le second
discours de Vollmar, Bebel déclare fort justement «qu'il n'est pas
possible d'admettre ce que Vollmar prétend aujourd'hui, c'est-à-dire
qu'il n'ait jamais eu l'idée de proposer une nouvelle ligne de conduite.
S'il s'agissait de maintenir l'ancienne, tous ces discours eussent été
superflus». Il voit que Vollmar veut justement le contraire, car «la
réalisation complète de notre programme c'est la chose principale et le
reste n'a qu'une importance secondaire». Il nous importe peu de savoir
où nous en sommes au sujet de certaines concessions au moment où
nous croyons pouvoir obtenir le tout. Vollmar au contraire déclare le
but final comme n'ayant pour l'instant qu'une importance secondaire et
comme but principal les revendications directes et immédiatement
praticables. _Ceci constitue une telle antithèse de principes, qu'il n'est
guère possible d'en concevoir une plus catégorique, et c'est du devoir
du Congrès de la résoudre..._»
Avec des discours comme ceux de Vollmar, jamais une démocratie
socialiste ne serait née. De semblables idées mènent au socialisme
national-libéral, c'est-à-dire à l'introduction de la tactique
nationale-libérale dans le parti démocratique socialiste. Bebel donne
même une explication de l'évolution de Vollmar en l'attribuant à ses
«conditions de vie personnelle radicalement changées et à la position
sociale qu'il a acquise dans les dernières années. Au moment où
l'homme qui occupe une place prépondérante dans un mouvement ne se
trouve plus en contact ininterrompu avec la foule, parce qu'il est arrivé
à une autre situation sociale, le danger naît qu'il abandonne la voie
commune et qu'il perde le sentiment de cohésion avec la masse.
Vollmar est, depuis quelques années déjà, plus ou moins isolé, d'un
côté par son état physique et plus encore par des habitudes matérielles
plus avantageuses. Il n'arrive que trop souvent, lorsqu'on se trouve dans
une position qu'on peut considérer soi-même comme satisfaisante, de
supposer chez la masse affamée les mêmes sentiments de satisfaction et

de penser: Les réformes ne sont pas si urgentes; soyons prudents et
essayons d'arriver, sans précipitation, peu à peu, à nos fins. Nous avons
le temps».
Cette remarque est sans doute fort judicieuse et pratique, mais il y a une
chose qui nous étonne, c'est qu'aucun des soi-disant Jeunes gens ne se
soit levé pour dire à Bebel: «Est-ce que cette explication de la façon
d'agir de Vollmar n'est pas également applicable à vous et aux vôtres?
Est-ce que le reproche que nous vous adressons d'avoir abandonné les
idées révolutionnaires, jadis défendues par vous et suivies par nous
sous votre direction, n'a pas les mêmes motifs que ceux que vous
attribuez si justement à Vollmar?»
Combien Bebel est révolutionnaire lorsqu'il se trouve en face de
Vollmar! Et comme son discours peut servir aux Jeunes, contre
lui-même, avec la légende: De re fabula narratur. C'est de toi qu'il
s'agit. «Si nous faisions ce que désire Vollmar, nous deviendrions
fatalement un parti opportuniste dans le plus mauvais sens du mot. Une
pareille transformation serait pour le parti la même chose que si l'on
brisait la colonne vertébrale à un être organique quelconque, auquel on
demanderait ensuite les mêmes efforts qu'auparavant. Voilà pourquoi je
m'oppose à ce que l'on brise l'épine dorsale à la démocratie socialiste,
c'est-à-dire à ce que l'on refoule au second plan son principe essentiel:
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