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Le sergent Renaud
The Project Gutenberg EBook of Le sergent Renaud, by Pierre Sales This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.net
Title: Le sergent Renaud Aventures parisiennes
Author: Pierre Sales
Release Date: December 8, 2005 [EBook #17252]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE SERGENT RENAUD ***
Produced by Carlo Traverso, Pierre Lacaze and the Online Distributed Proofreading Team of Europe. This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr.
Le Sergent Renaud
AVENTURES PARISIENNES
PARIS
FAYARD FRèRES, éDITEURS
78, BOULEVARD SAINT-MICHEL, 78
[Illustration]
Le Sergent Renaud
I
MARIE RENAUD
Un soir du mois d'avril 1864, deux femmes travaillaient, très silencieusement, dans un petit logement situé sous les combles d'un des plus vieux, des plus majestueux h?tels de la place des Vosges. L'une des deux femmes, assez agée, achevait l'ourlet d'une robe de baptême, tandis que l'autre, toute jeune, posait, dans le haut du corsage, des noeuds de ruban rose. Elles étaient placées de chaque c?té d'une longue table, sur laquelle était étendue la robe, au milieu d'un fouillis de mousselines, de linons, de piqués, d'épingles, d'aiguilles, de ganses, d'entre-deux et de dentelles.
Ainsi que la plupart des anciens logements, celui-ci n'avait pas d'entrée, et c'était cette pièce qui communiquait directement avec le palier. Elle était assez grande, à peine mansardée et assez confortablement meublée: un buffet, une armoire, une seconde table et six chaises; le tout entretenu avec une propreté méticuleuse, ainsi que le parquet de brique, bien rouge, bien ciré, brillant comme un miroir. Dans un coin, sous un voile noir, une belle cage peuplée d'une nombreuse famille de serins, de bengalis et de capucins.--Tout, dans cette pièce, respirait le bonheur pur, le bonheur intime. Et, à voir les deux femmes, le visage à demi éclairé par la lampe, travaillant sans relache, se souriant lorsqu'elles se baissaient un peu, personne n'aurait pu croire que le malheur était entré dans leur maison.
--Et tu dis, petite, demanda la vieille, qu'il faut livrer cette robe de baptême demain à onze heures?
--Oui, grand'mère, répondit la jeune fille, d'une jolie voix douce, musicale. Mme Welher m'a expliqué que c'était pour l'Amérique; il faut qu'elle la livre elle-même à un commissionnaire; la caisse est prête et doit partir le soir même...
--Alors, travaillons, petite. Il ne faut pas faire attendre Mme Welher, qui est si gentille pour toi.
Et elles reprirent courageusement leur travail.
Cette grand'mère avait encore, malgré ses soixante ans, un bel air de jeunesse. Très maigre, elle était vive, alerte, et son visage avait une jolie couleur de vieux rose, un peu passé sous ses bandeaux blancs.
La jeune fille était d'une délicatesse extrême. Une véritable tête de madone sur un corps d'une délicieuse gracilité. Elle avait d'admirables cheveux chatains, très épais; et, lorsqu'elle se baissait, se mettant un peu plus dans la lumière de la lampe, ces cheveux prenaient une nuance plus vive. Son sang, courant à fleur de peau, lui donnait une carnation d'un rose frais, velouté, le rose qui avait d? régner autrefois sur les joues de sa grand'mère; ses yeux étaient grands, rêveurs, d'un bleu de ciel; son nez petit, droit; son front très élevé, très intelligent. Une seule chose gatait un peu ce joli visage: les lèvres étaient trop pales. Un médecin aurait bien vite deviné ce qui manquait à la charmante lingère: le grand air et la liberté. Sa taille, bien formée, était d'une grace exquise, très onduleuse, les pieds très petits et les mains mignonnes, roses, à part le doigt de la main gauche sans cesse transpercé par l'aiguille.
Les deux femmes travaillèrent ainsi, longtemps, n'entendant d'autre bruit que des pas de promeneurs attardés. De temps en temps, à la dérobée, la grand'mère examinait sa petite-fille; puis elle reportait ses yeux sur un portrait d'officier suspendu en face de la fenêtre. Elle avait alors un léger frémissement, puis se remettait au travail avec plus d'acharnement. Quand, par hasard, elles entendaient la porte de la maison s'ouvrir et se refermer, elles ralentissaient un peu leur besogne et écoutaient. Mais celui qu'elles attendaient ne vint pas.--Vers minuit, la grand'mère vit tomber une larme sur la robe de baptême que sa petite-fille tenait dans ses mains. Puis une seconde larme tomba. Et ce fut tout. La jeune fille s'était raidie, avait vaincu sa douleur; et, comme un hoquet allait la secouer, elle le dissimula en disant:
--Ah! maladroite, je me suis piquée!
La grand'mère se leva, embrassa son enfant.
--Assez travaillé pour ce soir, Marie! Demain, nous nous y remettrons de bonne heure; vois, j'ai fini mon ourlet...
La jeune fille essaya de résister. Elle trouvait une consolation dans son travail.
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