ne me sera jamais expliqu��.
Au retour du service religieux, un dimanche, ce rayon m'apparut; il entrait dans un escalier de la maison, par une fen��tre entre-baill��e, et s'allongeait d'une certaine mani��re bizarre sur la blancheur d'un mur.
J'��tais revenu du temple seul avec ma m��re, et je montais l'escalier en lui donnant la main; la maison pleine de silence avait cette sonorit�� particuli��re aux midis tr��s chauds de l'��t��; ce devait ��tre en ao?t ou en septembre et, suivant l'usage de nos pays, les contrevents �� demi ferm��s entretenaient une esp��ce de nuit pendant l'ardeur du soleil.
D��s l'entr��e, il me vint une conception d��j�� m��lancolique de ce repos du dimanche qui, dans les campagnes et dans les recoins paisibles des petites villes, est comme un arr��t de la vie. Mais quand j'aper?us ce rayon de soleil plongeant obliquement dans cet escalier par cette fen��tre, ce fut une impression bien autrement poignante de tristesse; quelque chose de tout �� fait incompr��hensible et de tout �� fait nouveau, o�� entrait peut-��tre la notion infuse de la bri��vet�� des ��t��s de la vie, de leur fuite rapide, et de l'impassible ��ternit�� des soleils... Mais d'autres ��l��ments plus myst��rieux s'y m��laient aussi, qu'il me serait impossible d'indiquer m��me vaguement.
Je veux seulement ajouter �� l'histoire de ce rayon une suite qui pour moi y est intimement li��e. Des ann��es et des ann��es pass��rent; devenu homme, ayant vu les deux bouts du monde et couru toutes les aventures, il m'arriva d'habiter, pendant un automne et un hiver, une maison isol��e au fond d'un faubourg de Stamboul. L��, sur le mur de mon escalier, chaque soir �� la m��me heure, un rayon de soleil, arriv�� par une fen��tre, glissait en biais; il ��clairait une sorte de niche qui ��tait creus��e dans la pierre et o�� j'avais pos�� une amphore d'Ath��nes. Eh bien, jamais je n'ai pu voir descendre ce rayon sans repenser �� l'autre, celui de ce dimanche d'autrefois, et sans ��prouver la m��me, pr��cis��ment, la m��me impression triste, �� peine att��nu��e par le temps et toujours aussi pleine de myst��re. Puis, quand le moment vint o�� il me fallut quitter la Turquie, quitter ce petit logis dangereux de Stamboul que j'avais ador��, �� tous les d��chirements du d��part se m��la par instants cet ��trange regret: jamais plus je ne reverrai le soleil oblique de l'escalier descendre sur la niche du mur et sur l'amphore grecque...
��videmment, dans les dessous de tout cela il doit y avoir, sinon des ressouvenirs de pr��existences personnelles, au moins des reflets incoh��rents de pens��es d'anc��tres, toutes choses que je suis incapable de d��gager mieux de leur nuit et de leur poussi��re... D'ailleurs je ne sais plus, je ne vois plus; me voici de nouveau entr�� dans le domaine du r��ve qui s'efface, de la fum��e qui fuit, de l'insaisissable rien...
Et tout ce chapitre, presque inintelligible, n'a d'autre excuse que d'avoir ��t�� ��crit avec un grand effort de sinc��rit��, d'��tre absolument vrai.
VII
Au printemps, �� la toute fra?che splendeur de mai, sur un chemin solitaire appel��: la route des Fontaines...
(J'ai cherch�� �� mettre �� peu pr��s par ordre de date ces souvenirs; je pense que je pouvais avoir cinq ans lorsque ceci se passait.)
Donc, assez grand d��j�� pour me promener avec mon p��re et ma soeur, j'��tais l��, un matin de ros��e, extasi�� de voir tout devenu si vert, de voir si promptement les feuilles ��largies, les buissons touffus; sur les bords du chemin, les herbes mont��es toutes ensemble, comme un immense bouquet sorti en m��me temps de toute la terre, ��taient fleuries d'un d��licieux m��lange de g��raniums roses et de v��roniques bleues; et j'en ramassais, j'en ramassais de ces fleurs, ne sachant auxquelles courir, pi��tinant dessus, me mouillant les jambes de ros��e, ��merveill�� de tant de richesses �� ma discr��tion, voulant prendre �� pleines mains et tout emporter. Ma soeur, qui d��j�� tenait une gerbe d'aub��pines, d'iris, de longues gramin��es comme des aigrettes, se penchait vers moi, me tirant par la main, disant: ?Allons, c'est assez, �� pr��sent; nous ne pourrons jamais tout cueillir, tu vois bien.? Mais je n'��coutais pas, absolument gris�� par la magnificence de tout cela, ne me rappelant pas avoir jamais vu rien de pareil.
C'��tait le commencement de ces promenades avec mon p��re et ma soeur qui, pendant longtemps (jusqu'�� l'��poque maussade des cahiers, des le?ons, des devoirs) se firent presque chaque jour, tellement que je connus de tr��s bonne heure les chemins des environs et les vari��t��s des fleurs qu'on y pouvait moissonner.
Pauvres campagnes de mon pays, monotones mais que j'aime quand m��me; monotones, unies, pareilles; prairies de foins et de marguerites o��, en ces temps-l��, je disparaissais, enfoui sous les tiges vertes; champs de bl��, avec des sentiers bord��s d'aub��pines.... Du c?t�� de l'Ouest, au bout des lointains, je cherchais des yeux la mer qui, parfois, quand on
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