XV] peu près inutile. Il découvrit des centaines de variantes, la plupart insignifiantes, sur chacun des vers de ces vieux poèmes. Quelles le?ons préférer? C'est ce qu'il était impossible de décider. De plus, il reconnut que le texte publié par Méon au début de ce siècle semblait le plus ancien, et préférable (presque partout) aux meilleurs manuscrits que la France possède. ?Le seul travail utile e?t consisté, dit-il, à collationner le texte de Méon avec celui des plus anciens manuscrits, avec l'idée bien arrêtée de donner un texte purement Orléanais. Mais en l'absence de manuscrits et d'éditions orléanaises, l'établissement d'un pareil texte e?t demandé un travail très-minutieux et excessivement long. Il e?t fallu faire avant tout une étude très-exacte de la langue fran?aise dans le pays d'origine de nos deux poètes, et tenir grand compte de ce qu'ils ont d? emprunter au langage de l'Ile-de-France et de Paris en particulier, où ils semblent avoir séjourné de bonne heure et assez longtemps.? A notre grand regret, ce travail reste et restera sans doute encore bien longtemps à faire.
Force fut donc de s'arrêter à l'édition de Méon, la meilleure que nous connaissions et qui est, à peu de chose près, la restitution fidèle de nos vieux romanciers, autant qu'elle est possible après plus de six siècles.
[P. XVII]?NOTICE SUR LES DEUX AUTEURS DU ROMAN DE LA ROSE.
L'Histoire ne nous a rien légué de précis touchant la vie des deux auteurs du _Roman de la Rose._
Malgré les luttes ardentes que l'apparition de cet ouvrage fit na?tre, les innombrables manuscrits d'abord, puis, à l'invention de l'imprimerie, les éditions multipliées de cette oeuvre considérable ne nous apprennent rien, ou presque rien, de Guillaume de Lorris et de Jehan de Meung.
C'est donc dans leurs écrits mêmes et dans la tradition que nous chercherons à préciser la date de leur naissance, celle de la publication du roman, celle de leur mort, et enfin nous discuterons les circonstances les plus saillantes de leur vie, telles que la tradition nous les a transmises.
Lorsque l'histoire ne donne rien d'absolument certain sur un homme célèbre, notre opinion est qu'il faut conserver un grand respect pour la tradition, [P. XVIII] et s'il est dangereux d'accepter sans contr?le toutes les légendes qui sont parvenues jusqu'à nous, il faut bien se garder, par contre, d'éliminer tout ce qui n'est pas prouvé d'une manière incontestable. En un mot, tout ce qui, sans être en contradiction formelle avec l'histoire, c'est-à-dire avec les dates, est fidèle au caractère des auteurs et à leurs opinions, doit être religieusement conservé.
Nous allons donc suivre pas à pas, dans tous les détails qu'ils nous ont transmis, les différents auteurs et éditeurs qui se sont occupés du _Roman de la Rose_, et si, par cette voie, nous n'arrivons pas à la certitude, nous ferons en sorte de rétablir les faits selon la vraisemblance et les probabilités les plus sérieuses.
Guillaume de Lorris e?t d? na?tre, si nous en croyons l'opinion la plus répandue, vers 1235 et mourir vers 1260. Nous allons montrer tout à l'heure que c'est une erreur grave, en ce sens qu'elle a pour conséquence de rejeter l'oeuvre de Jehan de Meung au commencement du XIVe siècle, quand au contraire elle parut dans la deuxième moitié du XIIIe.
Ce qu'il y a de certain, c'est que Guillaume de Lorris naquit à Lorris, petite ville du Gatinais, entre Orléans et Montargis, et qu'il mourut fort jeune, à vingt-six ans. Il était frère d'Eudes de Lorris, chanoine et chévecier de l'église d'Orléans, qui fut conseiller au Parlement en 1258.
Jehan de Meung est plus connu et vécut plus longtemps. On fixe généralement l'époque de sa naissance vers 1260, et celle de sa mort entre 1310 et 1322, ce qui indiquerait qu'il vécut environ cinquante ou soixante ans.
Rien ne prouve qu'il mourut aussi promptement; [p. IXX] nous avons tout lieu de supposer au contraire qu'il s'éteignit dans un age beaucoup plus avancé, en ce sens qu'il serait né de quinze à vingt ans plus t?t. Jehan de Meung était issu d'une ancienne et illustre maison de l'Orléanais, dont il existe, si nous en croyons M. Méon, son avant-dernier éditeur, des titres du commencement du XIIe siècle. Nous citons textuellement:
?D. Jean Verninac, dans son _Histoire d'Orléans_, fait mention de beaucoup d'actes et de donations par les de Meung, seigneurs de la Ferté-Ambremi, depuis l'an 1100. Dans la généalogie de cette famille, faite par M. D'Hozier, on trouve qu'en 1239 Landrecy de Meung, fils de noble et puissant seigneur Monseigneur Théodun, comte de Meung, épousa Agnès, fille de Gourdin de la Ferté, seigneur d'Alosse, etc....
?La Roque, dans son _Traité du Ban_, rapporte qu'en 1236 un Jehan de Meung devait se trouver au ban du roi à Saint-Germain-en-Laye, à trois semaines de la Pentec?te.
?En 1242, le même Jehan de Meung (peut-être le père de notre poète), fut semont à Chinon,
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