jurent men?onges et fables?A ceus qu'il truevent décevables,?Tant qu'il ont lor délit éu;?Mais cil sunt li mains décéu:?Car ades vient-il miex, biau mestre,?Décevoir, que décéus estre[9].?De l'autre Amor dirai la cure?Selonc la devine Escripture;?Méismement en ceste guerre?Où nus ne scet le moien querre;
[p. 25]
Veuillez au moins le définir 4623?Pour qu'il m'en puisse souvenir,?Car ne l'ou?s définir oncques.
Raison.
Volontiers; or écoute doncques.?Entre deux êtres s'attirant,?Libres, de sexe différent,?Amour, si je suis bien sensée,?Est un grand mal de la pensée?Qui leur vient d'une folle ardeur.?Ils n'ont plus qu'un désir au coeur,?Baiser, caresse mutuelle,?Jouissance, en un mot, charnelle.?Amour n'a point d'autre désir,?Mais br?le et cherche le plaisir;?Procréer n'est point son attente,?Seule la volupté le tente.?Pourtant j'en connais en retour?Qui n'aiment pas de cet amour,?Et pourtant fins amants se feignent,?Mais par amour aimer ne daignent,?Et vont des dames se moquant,?Corps et ame leur promettant,?Et jurent mensonges et fables?Aux coeurs qu'ils trouvent décevables,?Tant qu'enfin soient comblés leurs voeux.?En amour ce sont les heureux;?Oui, car toujours mieux vaut-il être?Trompeur que trompé, mon beau ma?tre[9].?L'autre amour dirai maintenant?La sainte écriture suivant.?Malgré que nul en cette guerre?Mon amour ne recherche guère,
[p. 26]
Mès ge sai bien, pas nel' devin, 4641?Continuer l'estre devin.?A son pooir voloir déust?Quiconques à fame géust,?Et soi garder en son semblable,?Por ce que tuit sunt corrumpable,?Si que jà par succession?Ne fausist généracion;?Car puis que pere et mere faillent,?Vuet Nature que les fils saillent[10]?Por recontinuer ceste ovre,?Si que par l'ung l'autre recovre.?Por ce i mist Nature délit,?Por ce vuet que l'en s'i délit,?Que cil ovrier ne s'en fo?ssent,?Et que ceste ovre ne ha?ssent;?Car maint n'i trairoient jà trait,?Se n'iert délit qui les atrait.?Ainsinc Nature i soutiva:?Sachiés que nul a droit n'i va,?Ne n'a pas entencion droite,?Qui sans plus délit y convoite;?Car cil qui va délit querant,?Sés-tu qu'il se fait? il se rent?Comme sers et chétis et nices,?Au prince de tretous les vices;?Car c'est de tous maus la racine,?Si cum Tulles le détermine?Où livre qu'il fist de Viellesce,?Qu'il loe et vant plus que Jonesce.?Car Jonesce boute homme et fame?En tous péris de cors et d'ame.?Et trop est fort chose à passer?Sans mort, ou sans membre casser,
[p. 27]
Je sais bien, sans le deviner, 4655?L'être divin continuer.?Voilà le but que doit poursuivre?Tout homme à qui femme se livre:?Il faut que par succession?S'opère génération;?Chacun, car tout est corrompable,?Doit se garder en son semblable;?Car puisque meurent les parents,?Nature veut que les enfants?S'aiment et l'oeuvre continuent[10],?L'un par l'autre se perpétuent.?Aussi Nature y mit plaisir,?Pour que séduits par le désir?Les amants entre eux ne se fuissent?Et l'oeuvre d'Amour ne ha?ssent,?Car plus d'un la négligerait?Si le plaisir ne l'attirait.?Ainsi le décida Nature.?Sachez qu'en amour la droiture?Cherche plus noble intention?Que charnelle séduction;?N'y voir que telle jouissance,?C'est se rendre sans répugnance,?Comme un sot, comme un lache, au roi?De tretous les vices! Crois-moi,?De tous nos maux c'est la racine,?Comme Tulle le détermine;?La vieillesse pour lui vaut mieux?Que la jeunesse et tous ses feux;?Car Jeunesse pousse homme et femme?En tous périls de corps et d'ame.?C'est chose trop dure à passer?Sans mourir ou membre casser,
[p. 28]
Ou sans faire honte ou damage, 4675?Ou à soi, ou à son linage.?Par Jonesce s'en va li hons?En toutes dissolucions,?Et siut les males compaignies,?Et les désordenées vies,?Et mu? son propos sovent,?Ou se rent en aucun covent[11],?Qu'il ne scet garder la franchise[12]?Que Nature avoit en li mise,?Et cuide prendre où ciel la gru?,?Quant il se met ilec en mu?;?Et remaint tant qu'il soit profès;?Ou s'il resent trop grief li fès,?Si s'en repent et puis s'en ist,?Ou sa vie espoir i fenist,?Qu'il ne s'en ose revenir?Por Honte qui l'i fait tenir,?Et contre son cuer i demore;?Là vit à grant mesese et plore?La franchise qu'il a perdu?,?Qui ne li puet estre rendu?,?Se n'est que Diex grace li face,?Qui sa mesese li efface,?Et le tiengne en obédience?Par la vertu de pacience.?Jonesce met homme ès folies,?ès boules et ès ribaudies,?ès luxures et ès outrages,?ès mutacions de corages,?Et fait commencier tex mellées?Qui puis sont envis desmellées:?En tex péris les met Jonesce,?Qui les cuers à Délit adresce.
[p. 29]
Sans faire honte ou grand dommage 4689?A soi-même, à tout son lignage.?Par Jeunesse et ses passions,?En toutes dissolutions,?En méprisable compagnie?L'homme s'égare et male vie,?Et ses projets change souvent,?Ou se rend en quelque couvent[11],?Ne sachant garder la franchise[12]?Que Nature avait en lui mise,?Et se figure, une fois là,?Que la grue au ciel il prendra,?Et des voeux un beau jour se lie.?Ou bien, si sous le faix il plie,?Il s'en repent et veut sortir,?Ou s'il n'ose s'en revenir,?Si la honte l'y tient encore,?Malgré son coeur qui le déplore,?Il restera pour y mourir,?Ou vivant pleurer et gémir?Dessus sa franchise perdue?Qui ne lui peut être rendue,?En pitié si Dieu ne le prend?Et pour apaiser son tourment,?Ne le tient en obédience?Par la vertu de patience.?Jeunesse pousse jeunes gens?Aux danses, aux déportements,?A tous excès, à la luxure,?Lachetés de toute nature,?Et tels combats livre en vos coeurs?Qu'à grand'peine ils restent vainqueurs.?Voilà les périls
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