de son arme, qui pouvait nous être si utile, et celle
que nous allions probablement éprouver de ces deux animaux, nos gardiens. Fritz comprit
mes reproches, et me demanda humblement pardon.
Cependant le jour avait commencé à baisser; notre volaille se rassemblait autour de nous,
et ma femme se mit à lui distribuer des graines tirées du sac que je lui avais vu emporter.
Je la louai de sa prévoyance; mais je lui fis observer qu'il serait peut-être mieux de
conserver ces graines pour notre consommation ou pour les semer, et je lui promis de lui
rapporter du biscuit pour ses poules si j'allais au navire.
Nos pigeons s'étaient cachés dans le creux des rochers; nos poules, les coqs à leur tête, se
perchèrent sur le sommet de notre tente; les oies et les canards se glissèrent dans les
buissons qui bordaient la rive du ruisseau. Nous fîmes nous-mêmes nos dispositions pour
la nuit, et nous chargeâmes nos fusils et nos pistolets. À peine avions-nous terminé la
prière du soir, que la nuit vint tout à coup nous envelopper sans crépuscule. J'expliquai à
mes enfants ce phénomène, et j'en conclus que nous devions être dans le voisinage de
l'équateur.
La nuit était fraîche; nous nous serrâmes l'un contre l'autre sur nos lits de mousse. Pour
moi, j'attendis que toutes les têtes se fussent inclinées sur l'oreiller, que toutes les
paupières fussent bien closes, et je me levai doucement pour jeter encore un coup d'oeil
autour de moi. Je sortis de la tente à pas de loup; l'air était pur et calme, le feu jetait
quelques lueurs incertaines et vacillantes, et menaçait de s'éteindre; je le rallumai en y
jetant des branches sèches. La lune se leva bientôt, et, au moment où j'allais rentrer, le
coq, réveillé par son éclat, me salua d'un cri d'adieu. Je me couchai plus tranquille, et je
finis par me laisser aller au sommeil. Cette première nuit fut paisible, et notre repos ne fut
pas interrompu.
CHAPITRE III
Voyage de découverte.--Les noix de coco.--Les calebassiers.--La canne à sucre.--Les
singes.
Au point du jour, les chants de nos coqs nous réveillèrent, et notre première pensée, à ma
femme et à moi, fut d'entreprendre un voyage dans l'île pour tâcher de découvrir
quelques-uns de nos infortunés compagnons. Ma femme comprit sur-le-champ que cette
excursion ne pouvait s'effectuer en famille, et il fut résolu qu'Ernest et ses deux plus
jeunes frères resteraient près de leur mère, tandis que Fritz, comme le plus prudent,
viendrait avec moi. Mes fils furent alors réveillés à leur tour, et tous, sans en excepter le
paresseux Ernest, quittèrent joyeusement leur lit de mousse.
Tandis que ma femme préparait le déjeuner, je demandai à Jack ce qu'il avait fait de son
homard; il courut le chercher dans un creux de rocher où il l'avait caché pour le dérober
aux chiens. Je le louai de sa prudence, et lui demandai s'il consentirait à m'en abandonner
une patte pour le voyage que j'allais entreprendre.
«Un voyage! un voyage! s'écrièrent alors tous mes enfants en sautant autour de moi, et
pour où aller?»
J'interrompis cette joie en leur déclarant que Fritz seul m'accompagnerait, et qu'ils
resteraient au rivage avec leur mère, sous la garde de Bill, tandis que nous emmènerions
Turc avec nous. Ernest nous recommanda de lui cueillir des noix de coco si nous en
trouvions.
Je me préparai à partir, et commandai à Fritz d'aller chercher son fusil; mais le pauvre
garçon demeura tout honteux, et me demanda la permission d'en prendre un autre, car le
sien était encore tout tordu et faussé de la veille. Après quelques remontrances, je le lui
permis; puis nous nous mîmes en marche, munis chacun d'une gibecière et d'une hache,
ainsi que d'une paire de pistolets, sans oublier non plus une provision de biscuit et une
bouteille d'eau.
Cependant, avant de partir, nous nous mîmes à genoux et nous priâmes tous en commun;
puis je recommandai à Jack et à Ernest d'obéir à tout ce que leur mère leur ordonnerait
pendant mon absence. Je leur répétai de ne pas s'écarter du rivage; car je regardais le
bateau de cuves comme le plus sûr asile en cas d'événement. Quand j'eus donné toutes
mes instructions, nous nous embrassâmes, et je partis avez Fritz. Ma femme et mes fils se
mirent à pleurer amèrement; mais le bruit du vent qui soufflait à nos oreilles, et celui de
l'eau qui coulait à nos pieds, nous empêchèrent bientôt d'entendre leurs adieux et leurs
sanglots.
La rive du ruisseau était si montueuse et si escarpée, et les rocs tellement rapprochés de
l'eau, qu'il ne nous restait souvent que juste de quoi poser le pied; nous suivîmes cette
rive jusqu'à ce qu'une muraille de rochers nous barrât tout à fait le passage. Là, par
bonheur, le lit du

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