dit Ernest, nous les couperions en deux et nous en ferions des cuillers.
--Si nous avions de magnifiques couverts d'argent, répliquai-je, cela vaudrait bien mieux.
--Mais au moins, reprit-il, nous pourrions nous servir de coquillages.
--Bonne idée! m'écriai-je! mais, ma foi, nos doigts pourraient bien tremper dans la soupe, car nos cuillers n'auront pas de manches. Va donc nous en chercher.?
Jack se leva en même temps et se mit à courir; et il était déjà dans l'eau bien avant que son frère f?t arrivé au rivage. Il détacha une grande quantité d'hu?tres et les jeta à Ernest, qui les enveloppa dans son mouchoir, tout en ramassant un grand coquillage, qu'il mit avec soin dans sa poche. Tandis qu'ils revenaient, nous entend?mes la voix de Fritz dans le lointain. Nous y répond?mes avec de joyeuses acclamations, et je me sentis soulagé d'un grand poids, car son absence nous avait fort inquiétés.
Il s'approcha de nous, une main derrière son dos, et nous dit d'un air triste: ?Rien.
--Rien? dis-je.
--Hélas! non,? reprit-il. Au même instant ses frères, qui tournaient autour de lui, se mirent à crier: ?Un cochon de lait! un cochon de lait! Où l'as-tu trouvé? Laisse-nous voir.? Tout joyeux alors, il montra sa chasse.
Je lui reprochai sérieusement son mensonge, et lui demandai de nous raconter ce qu'il avait vu dans son excursion. Après un moment d'embarras, il nous fit une description pittoresque des beautés de ces lieux, ombragés et verdoyants, dont les bords étaient couverts des débris du vaisseau, et nous demanda pourquoi nous n'irions pas nous établir dans cet endroit, où nous pourrions trouver des paturages pour la vache qui était restée sur le navire.
?Un moment! un moment! m'écriai-je, tant il avait mis de vivacité dans son discours; chaque chose aura son temps; dis-nous d'abord si tu as trouvé quelque trace de nos malheureux compagnons.
--Pas une seule, ni sur terre, ni sur mer; en revanche, j'ai découvert, sautillant à travers les champs, une légion d'animaux semblables à celui-ci; et j'aurais volontiers essayé de les prendre vivants, tant ils paraissaient peu effarouchés, si je n'avais pas craint de perdre une si belle proie.?
Ernest, qui pendant ce temps avait examiné attentivement l'animal, déclara que c'était un agouti, et je confirmai son assertion. ?Cet animal, dis-je, est originaire d'Amérique; il vit dans des terriers et sous les racines des arbres; c'est, dit-on, un excellent manger.? Jack s'occupait à ouvrir une hu?tre à l'aide d'un couteau; mais malgré tous ses efforts il n'y pouvait parvenir; je lui indiquai un moyen bien simple: c'était de mettre les hu?tres sur des charbons ardents. Dès qu'elles eurent senti la chaleur, elles s'ouvrirent, en effet, d'elles-mêmes, et nous e?mes ainsi bient?t chacun une cuiller, quand après bien des fa?ons mes enfants se furent décidés à avaler l'hu?tre, qu'ils trouvèrent du reste détestable.
Ils se hatèrent de tremper leurs écailles dans la soupe; mais tous se br?lèrent les doigts et se mirent à crier. Ernest seul, tirant de sa poche son coquillage, qui était aussi grand qu'une assiette, le remplit en partie sans se br?ler, et se mit à l'écart pour laisser froidir son bouillon.
Je le laissai d'abord faire; mais quand il se disposa à manger: ?Puisque tu n'as pensé qu'à toi, lui dis-je, tu vas donner cette portion à nos fidèles chiens, et tu te contenteras de celle que nous pouvons avoir nous-mêmes.? Le reproche fit effet, et Ernest déposa aussit?t son assiette devant les dogues, qui l'eurent bient?t vidée. Mais ils étaient loin d'être rassasiés, et nous nous en aper??mes en les voyant déchirer à belles dents l'agouti de Fritz. Celui-ci se leva aussit?t furieux, saisit son fusil et en frappa les deux chiens avec une telle rage, qu'il faussa le canon; puis il les poursuivit à coups de pierres jusqu'à ce qu'ils eussent disparu en poussant des hurlements affreux.
Je m'élan?ai après lui, et, lorsque sa colère fut apaisée, je lui représentai le chagrin qu'il m'avait fait, ainsi qu'à sa mère, la perte de son arme, qui pouvait nous être si utile, et celle que nous allions probablement éprouver de ces deux animaux, nos gardiens. Fritz comprit mes reproches, et me demanda humblement pardon.
Cependant le jour avait commencé à baisser; notre volaille se rassemblait autour de nous, et ma femme se mit à lui distribuer des graines tirées du sac que je lui avais vu emporter. Je la louai de sa prévoyance; mais je lui fis observer qu'il serait peut-être mieux de conserver ces graines pour notre consommation ou pour les semer, et je lui promis de lui rapporter du biscuit pour ses poules si j'allais au navire.
Nos pigeons s'étaient cachés dans le creux des rochers; nos poules, les coqs à leur tête, se perchèrent sur le sommet de notre tente; les oies et les canards se glissèrent dans les buissons qui bordaient la rive du ruisseau. Nous f?mes nous-mêmes nos dispositions
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