Le renard | Page 8

Johann Wolfgang von Goethe
et se laissa emporter par le courant jusque sur l'autre rive. Là, il s'étendit, malade et désespéré; et, se plaignant tout haut, il se disait: ?Que ne suis-je mort! Je ne puis pas marcher et il me faut retourner à la cour, et me voilà retenu ici de la fa?on la plus ignominieuse par la perfidie de Reineke. Si je m'en tire jamais la vie sauve, je l'en ferai certainement repentir.? Pourtant il se releva, se tra?na avec d'atroces douleurs pendant quatre jours et arriva enfin à la cour.
Lorsque le roi aper?ut l'ours en si piteux état: ?Grand Dieu! s'écria-t-il, est-ce Brun que je vois? Qui l'a maltraité ainsi?? Et Brun répondit: ?Ce que vous voyez est lamentable, en effet; voilà dans quel état m'a mis l'infame trahison de Reineke!? Alors le roi, tout en colère, dit: ?Je tirerai une vengeance impitoyable de cet attentat. Un seigneur comme Brun serait ainsi joué par Reineke? Oui, je le jure, par mon honneur et par ma couronne, Reineke sera puni comme Brun a le droit de l'exiger. Si je ne tiens pas ma parole, je ne porte plus d'épée, j'en fais le serment!?
Le roi ordonne au conseil de se rassembler; il eut à discuter et à fixer sur le champ le chatiment de tant de crimes. Tous furent d'avis, en tant qu'il plairait au roi, qu'il fallait encore enjoindre à Reineke de compara?tre pour se défendre contre ses accusateurs et que Hinzé le chat porterait sur-le-champ ce message à Reineke, à cause de sa souplesse et de sa prudence. Tel fut l'avis général.
Et le roi, entouré de ses pairs, dit à Hinzé: ?Fais bien attention {REPLACEMENT CHARACTER} l'avis de ces seigneurs! Si Reineke se fait citer une troisième fois, lui et toute sa race s'en repentiront éternellement; s'il est sage, il viendra à temps. Pénètre-le bien de cette idée; il mépriserait tout autre messager; mais de toi il acceptera ce conseil.?
Hinzé répliqua: ?Que cela tourne en bien ou en mal, une fois que je serai arrivé près de lui, comment dois-je m'y prendre? Ma foi, vous ferez ce que vous voudrez, mais je crois qu'il vaudrait mieux envoyer tout autre à ma place; je suis si petit! Brun l'ours, qui est si grand et si fort, n'a pas pu en venir à bout. Comment m'en tirerai-je? Oh! veuillez m'excuser.--Tu ne me persuades pas, répliqua le roi. Les petits hommes ont une ruse et une sagesse qu'on ne trouve souvent pas dans les plus grands. Si tu n'es pas un péril par la taille, tu as, en revanche, de la prudence et de l'esprit.?
Le chat obéit en disant: ?Que votre volonté soit faite! Le voyage réussira si je vois un présage à main droite sur ma route.?

TROISIèME CHANT.
Hinzé le chat avait déjà fait un bout de chemin, quand il aper?ut de loin un merle: ?Noble oiseau, lui cria-t-il, je te salue. Oh! dirige tes ailes vers moi et viens voler à ma droite!? L'oiseau vola et vint chanter sur un arbre à la gauche du chat. Hinzé en fut tout contrit; il y voyait un présage du malheur. Mais il se donna du courage comme on fait d'ordinaire. Il continua son chemin vers Malpertuis, où il trouva Reineke assis devant la maison; il le salua et lui dit: ?Que Dieu vous accorde une heureuse soirée! Le roi vous menace de la peine capitale si vous refusez de m'accompagner à la cour; de plus, il vous fait dire de répondre à vos accusateurs, sous peine de voir toute votre famille en patir.? Reineke lui dit: ?Soyez le bienvenu ici, mon très-cher neveu! Que le Seigneur vous bénisse selon mes souhaits!? Mais le tra?tre n'en pensait pas un mot dans son coeur; il tramait de nouvelles ruses et songeait à renvoyer encore ce messager honteusement bafoué à la cour. Il appelait le chat toujours son neveu et lui disait: ?Mon neveu, quelle nourriture préférez-vous? On dort mieux après d?ner, je suis l'h?te aujourd'hui; demain matin, nous irons {REPLACEMENT CHARACTER} la cour tous les deux, cela s'arrange bien ainsi. Je ne connais aucun de mes pareils en qui j'aie plus de confiance que vous. Car ce glouton d'ours est venu à moi avec un air plein de morgue; il est fort et irritable, et pour beaucoup je n'aurais pas risqué le voyage avec lui. Mais maintenant, cela va sans dire, je suis heureux d'aller avec vous. Demain matin, nous partirons de bonne heure; je crois que c'est ce qu'il y a de mieux à faire.?
Hinzé repartit: ?Il vaudrait mieux partir tout de suite pendant que nous y sommes. La lune brille sur la bruyère et les chemins sont secs. Reineke dit: ?Il est dangereux de voyager de nuit. Il y a des gens qui vous saluent amicalement de jour, et, si l'on venait à les rencontrer
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