fait entrer deux coins solides dans le bois, et l'arbre entam�� baillait �� une de ses extr��mit��s presque la longueur d'une aune. Reineke l'avait bien remarqu��; il dit �� l'ours: ?Mon oncle, il y a dans cet arbre bien plus de miel que vous ne supposez; fourrez-y votre museau aussi profond��ment que vous pourrez. Je vous conseille seulement de ne pas y mettre trop de voracit��, vous pourriez vous en trouver mal.--Croyez-vous, dit l'ours, que je sois un glouton? Fi donc! il faut de la mod��ration en toute chose.? C'est ainsi que l'ours se laissa enj?ler; il fourra dans la fente sa t��te jusqu'aux oreilles et m��me les pattes de devant.
Reineke se mit aussit?t �� l'oeuvre, et, �� force de tirer et de pousser, il fit sortir les coins, et voil�� Brun pris, la t��te et les pieds comme dans un ��tau, malgr�� ses cris et ses pri��res. Quelles que fussent sa force et sa hardiesse, Brun fut �� une rude ��preuve et c'est ainsi que le neveu emprisonna son oncle par ses ruses. L'ours hurlait, beuglait, et avec ses pattes de derri��re grattait la terre en fureur et fit en somme un tel tapage, que Rustevyl se releva. Le ma?tre charpentier prit sa hache �� tout hasard afin d'��tre arm�� dans le cas o�� l'on chercherait �� lui nuire.
Cependant Brun se trouvait dans de terribles angoisses; le ch��ne l'��treignait plus fortement. Il avait beau s'agiter en hurlant de douleur, il n'y gagnait rien; il croyait n'en sortir jamais; c'est ce que pensait aussi Reineke et il s'en r��jouissait. Lorsqu'il vit de loin s'avancer Rustevyl, il se mit �� crier: ?Brun, comment cela va-t-il? Mod��rez-vous �� l'endroit du miel; dites-moi, le trouvez-vous bon? Voil�� Rustevyl qui arrive et qui va vous offrir l'hospitalit��; vous venez de d?ner, il vous apporte le dessert: bon app��tit!? Et Reineke s'en retourna �� son chateau de Malpertuis. Lorsque Rustevyl arriva et vit l'ours, il courut bien vite appeler les paysans qui ��taient encore r��unis au cabaret. ?Venez! leur cria-t-il; il y a un ours de pris dans ma cour, c'est la pure v��rit��!? Ils suivirent en courant; chacun fit diligence autant qu'il put. L'un prit une fourche, l'autre un rateau, le troisi��me une broche, le quatri��me une pioche, et le cinqui��me ��tait arm�� d'un pieu. Jusqu'au cur�� et au sacristain qui arriv��rent avec leur batterie de cuisine. La cuisini��re du cur�� (elle s'appelait madame Yutt et savait pr��parer le gruau mieux que personne) ne resta pas en arri��re, elle vint avec sa quenouille pour faire un mauvais parti au malheureux ours. Brun entendait, dans une d��tresse affreuse, le bruit croissant de ses ennemis qui approchaient. D'un effort d��sesp��r��, il arracha sa t��te de la fente; mais il y laissa sa peau et ses poils jusqu'aux oreilles. Non, jamais, on n'a vu un animal plus �� plaindre! le sang lui jaillit des oreilles. �� quoi cela lui sert-il d'avoir d��livr�� sa t��te? ses pattes restent encore dans l'arbre; il les arrache vivement d'une secousse; il tombe sans connaissance: les griffes et la peau des pattes ��taient rest��es dans l'��tau de ch��ne. H��las! cela ne ressemblait gu��re au doux miel dont Reineke lui avait donn�� l'espoir; le voyage ne lui avait gu��re r��ussi; c'��tait une triste exp��dition! Pour comble de malheur, sa barbe et ses pieds sont couverts de sang; il ne peut ni marcher, ni courir; et Rustevyl approche! Tous ceux qui sont venus avec lui tombent sur l'ours; ils ne songent qu'�� le tuer. Le cur�� le frappe de loin avec un baton tr��s-long. La pauvre b��te a beau se tourner �� droite ou �� gauche, ses ennemis le pressent, les uns avec des ��pieux, les autres avec des haches; le forgeron a apport�� des marteaux et des tenailles; d'autres viennent avec des b��ches et des boyaux; ils frappent, ils crient, ils frappent jusqu'�� ce que l'ours roule de frayeur et de d��tresse dans sa propre ordure. Ils tomb��rent tous dessus; nul ne resta en arri��re. Le bancal Schloppe et Ludolf le canard furent les plus enrag��s; G��rold maniait le fl��au avec ses doigts crochus; �� ses c?t��s se tenait le gros Kuckelrei. Ce furent les deux qui frapp��rent le plus. Abel Quack et madame Yutt aussi s'en donn��rent �� coeur joie; Talk�� frappa l'ours avec sa botte. Il n'y eut pas que ceux que nous venons de nommer; car, hommes et femmes, tous y coururent: chacun en voulait �� la vie de Brun. Kuckelrei poussait les plus hauts cris, il faisait l'important; car madame Villig��trude, qui demeure pr��s de la porte, ��tait sa m��re (on le savait); quant �� son p��re, il ��tait inconnu. Pourtant les paysans croyaient que ce pouvait bien ��tre Sander le Noir, le moissonneur, un fier compagnon (quand il ��tait seul). Il y eut aussi maintes pierres jet��es qui
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