Le renard | Page 5

Johann Wolfgang von Goethe
la vie; car, si vous ne bougez pas, vous ��tes menac�� de la roue et de la potence. C'est pourquoi prenez le meilleur parti, venez et suivez-moi; autrement, il pourrait vous en repentir.?
Reineke entendit tout ce beau discours du commencement jusqu'�� la fin sans broncher ni donner signe de vie. Il se disait: ?N'y aurait-il pas moyen de faire payer cher �� ce lourdaud son orgueilleuse ��loquence? Songeons-y un peu.? Il descendit dans les caves du chateau, dont les fondements avaient ��t�� batis avec beaucoup d'art. Il s'y trouvait des trous et des cavernes avec des corridors longs et ��troits et quantit�� de portes qu'on ouvrait et fermait suivant les n��cessit��s du moment. Apprenait-il qu'on le recherchat pour quelque m��fait, il trouvait l�� le meilleur asile. Souvent aussi de pauvres animaux s'��taient laiss�� prendre dans ces m��andres, et ��taient devenus la proie du brigand. Reineke avait bien entendu le discours de l'ours; mais, avec sa prudence habituelle, il craignit qu'il n'y e?t quelque embuscade derri��re le messager. Mais, quand il se fut assur�� que l'ours ��tait bien venu tout seul, il sortit et dit: ?Soyez le bienvenu, mon tr��s-digne oncle! Pardonnez-moi si je vous ai fait attendre; je lisais mon br��viaire. Je vous remercie d'avoir pris la peine de venir. Car certainement cela ne me sera pas inutile �� la cour; je l'esp��re du moins. Mon cher oncle, soyez le bienvenu �� toute heure! En attendant, que le blame retombe sur ceux qui vous ont command�� ce voyage; car il est long et p��rilleux! ? ciel! comme vous ��tes ��chauff��! vos poils sont couverts de sueur, et vous respirez �� peine. Est-ce que le roi n'avait pas d'autre messager que le plus noble de ses seigneurs, celui dont il fait le plus de cas? Mais il devait sans doute en ��tre ainsi pour mon plus grand bien; je vous en prie, prot��gez-moi �� la cour, o�� l'on m'a tant calomni��. Mon intention ��tait de m'y rendre librement demain, malgr�� le mauvais ��tat de ma sant��, et c'est encore mon projet; aujourd'hui, je suis trop mal pour me mettre en voyage. J'ai eu le malheur de trop manger d'un aliment qui ne convient gu��re; car il me donne de terribles coliques.--Qu'est-ce donc? lui demanda Brun. L'autre reprit: ?�� quoi bon vous le raconter? La vie n'est pas facile ici; mais je prends mon mal en patience; ce n'est pas tous les jours f��te! et, quand il n'y a rien de mieux pour moi et les miens, ma foi, nous mangeons des rayons de miel, il y en a toujours tant qu'on en veut. Mais je n'en mange que par n��cessit��; me voil�� maintenant tout enfl��, et ce n'est pas ��tonnant! j'ai aval�� cette drogue-l�� �� contre-coeur. Si je puis jamais m'en passer, du diable si j'en mange encore!--Eh! qu'ai-je entendu, mon neveu? reprit l'ours; faites-vous donc ainsi fi du miel que tant d'autres recherchent? Le miel, faut-il vous le dire? est le meilleur des aliments, du moins pour moi. Vous n'avez qu'�� m'en donner, vous ne vous en repentirez pas! je serai encore plus �� votre service.--Vous plaisantez, dit l'autre.--Non, vraiment, r��pond l'ours, je parle tr��s-s��rieusement.--S'il en est ainsi, reprend le renard, il m'est facile de vous ��tre agr��able; car le paysan Rustevyl demeure au bas de la montagne, c'est chez lui qu'il y a du miel! Certes, vous et toute votre famille n'en avez jamais vu autant �� la fois.? Brun se sentait d��vor�� d'une ardente convoitise pour ce mets ch��ri. ?Oh! conduisez-moi bien vite l��, mon cher neveu! s'��cria-t-il, je ne l'oublierai jamais. Procurez-moi du miel, quand m��me je n'en mangerais pas tout mon so?l.--Allons, dit le renard, ce n'est pas le miel qui manquera. J'ai peine �� marcher aujourd'hui, il est vrai; mais l'amour que j'ai toujours eu pour vous m'adoucira le chemin. Car je ne connais personne de tous mes parents pour qui j'aie eu de tout temps autant de v��n��ration! Mais venez! en revanche, vous m'aiderez �� la cour �� confondre mes puissants ennemis et mes accusateurs. Quant �� aujourd'hui, je m'en vais vous rassasier de miel autant que vous en pourrez porter.? Le rus�� coquin faisait allusion aux coups que l'ours allait recevoir des paysans furieux.
Reineke prit les devants et Brun suivit aveugl��ment. ?Si je r��ussis, pensait le renard, je te vois mener aujourd'hui m��me �� la foire, o�� tu mangeras un miel un peu amer.? Ils arriv��rent �� la cour de Rustevyl; l'ours se r��jouit, mais bien �� tort, comme tous les fous qui se laissent duper par l'esp��rance.
Le soir ��tait arriv�� et Reineke savait qu'ordinairement �� cette heure Rustevyl ��tait couch�� dans sa chambre; il ��tait charpentier de son ��tat et fort habile homme. Il y avait dans sa cour un tronc de ch��ne ��tendu par terre; pour le fendre, il avait d��j��
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