n'est pas la saison de faire des reproches,?Quand de nos ennemis nous craignons les approches,?Ny de laisser ainsi tout un Peuple effray��,?Qui n'espere qu'en vous, qui vous a tout fi��.?Que fait donc en vos mains la regence remise,?Et vous en servez-vous seulement contre Elise;?J'aurois donc bien choisi pour Espoux & pour Roy,?Un Prince qui craindroit de s'exposer pour moy.?Ce n'est qu'en deffendant, en for?ant des murailles,?Marchant vers l'ennemy; luy donnant des batailles,?Quand on n'est pas n�� Roy qu'on se peut couronner.?A de moindres exploits je ne me puis donner.?Quand ce que j'ay jur�� pourroit un jour s'enfraindre,?Et dans mon coeur chang�� la vengeance s'esteindre.?Mais le Prince Amintas, ne s'est-t'il pas battu??Tient-on secret s'il est, ou vainqueur ou vaincu?
LICAS.
Il vous cherche, Madame.
ELISE.
Ha! qu'il vienne m'apprendre?Le succez du combat que je br?le d'entendre.?Je vous demandois, Prince! est-il mort, est-il pris?Le barbare Corsaire, & suis-je vostre prix??Ou vaincu, venez vous en affliger Elise,?Assez triste d��-ja, d'Amatonte surprise?
SCENE IV.
AMINTAS, ELISE, NICANOR.
AMINTAS.
Je suis vaincu, Princesse, & je cede �� mon sort.?Mon bras bless�� n'a fait qu'un inutile effort,?Et les longues rigueurs de v?tre fier courage,?Ont enfin accomply leur malheureux pr��sage.?Je vous perds belle Elise, & je ne cherche plus,?D'o�� venoient vos m��pris, vos froideurs, vos refus:?Qui pour vous acquerir a manqu�� de vaillance,?A bien plus merit�� que vostre indifference.?Dois-je vous l'avo��er? un illustre vainqueur,?Tout ennemy qu'il est, auroit gagn�� mon coeur.?Mon ame auroit est�� de la sienne charm��e,?Dans le temps que sa main la mienne a desarm��e,?Si je pouvois aimer ce que vous n'aimez pas,?Lors que j'ay succomb�� sous l'effort de son bras,?Va Prince, m'a-t'il dit, vis pour aimer Elise;?Un Dieu ne feroit pas de plus belle entreprise;?Qui par de tels desseins fait envier son sort,?En merite un meilleur que mes fers, ou la mort.?De si beaux sentimens si conformes aux n?tres,?N'adouciront-ils point la cruaut�� des v?tres??Quoy que par luy vaincu, que par luy malheureux,?Je dois cette justice �� son coeur genereux,?Que sa vaillante main ne m'a laiss�� la vie,?Qu'�� cause que l'amour vous l'avoit asservie.?Vous souhaittez sa mort; mais j'atteste les Cieux,?Qu'il ne parle de vous que comme on fait des Dieux;?Qu'il n'est point de mortel plus digne de vous plaire,?Et que l'on connoist mal c��t illustre Corsaire.
ELISE.
Adjouste, Amintas, que c��t heureux vainqueur,?Vous oste �� mesme temps la victoire & le coeur.?D'autres guerriers que vous dans l'Asie ou la Grece,?Prendront les interests d'une jeune Princesse,?Combatront Orosmane, & s'ils en sont vaincus,?Ne luy parleront point de ses rares vertus.
AMINTAS.
Vous me blasmez, Madame, �� cause que j'estime,?En mon ennemy mesme, un vainqueur magnanime?Jugez plustost par l��, combien c'est vous aymer,?Que de ha?r pour vous ce qu'on doit estimer:?Oblig�� de la vie �� ce vaillant Corsaire,?Je pr��fere �� l'honneur la gloire de vous plaire;?Car ingrate beaut��, quand mon noble vainqueur,?Me devroit reprocher que je suis sans honneur,?Dans son Camp, dans sa tente, au peril de ma vie,?J'iray par son tr��pas assouvir v?tre envie;?Priv�� mesme d'espoir de vous plus posseder,?Je veux pour vous encore aller tout hazarder.
ELISE.
Un si beau desespoir, Prince, plus qu'autre chose,?Pourroit faire cesser le malheur qui le cause.?Vaincre au milieu des siens mon ennemy cruel,?C'est bien un autre exploit que le vaincre en duel.?Pour les biens de l'amour comme de la fortune,?Ce qu'on manque une fois se doit tenter plus d'une:?On s'expose pour vaincre, on vainc en combattant,?Et la guerre & l'amour, veulent qu'on soit constant.
NICANOR.
Mais la guerre & l'amour couronnent la constance.?Et des plus malheureux font vivre l'esperance.
ELISE.
Mais un coeur genereux, de malheurs combattu,?Pour perdre son espoir ne perd point sa vertu.?Songez songez plustost �� l'Arm��e ennemie,?Qui menace Paphos par la Paix endormie;?Songez �� nos remparts en danger d'estre pris,?Et songez qu'il faut vaincre avant qu'avoir un prix?Tandis que nostre encens br?lera dans nos Temples,?Allez aux Cypriens donner de beaux exemples;?Ils vous tendent les bras, courez les secourir,?Et pour vous mesme enfin, allez vaincre ou mourir.
SCENE V.
NICANOR, AMINTAS.
NICANOR.
Deffions-nous, mon fils, de cette ame cach��e:?Quand du commun danger elle paroist touch��e,?Et nous porte au combat pour le salut de tous,?Elle veut seulement se deffaire de nous.
AMINTAS.
Quelque dessein qu'elle ait, cette belle Princesse,?Sa volont�� tousiours de la mienne Maistresse,?Et de mes actions seule, & fatale Loy,?Dispose absolument de moy-mesme sans moy.?Heureux qu'en ce rencontre elle ne me propose,?Qu'une bonne action, �� quoy rien ne s'oppose,?Et qu'elle ne se sert de son divin pouvoir,?Qu'�� porter mon courage �� faire son devoir.
NICANOR.
Qu'aveuglement tu suis une amour insens��e!
AMINTAS.
Vous m'en avez Seigneur, inspir�� la pens��e.
NICANOR.
On change de dessein selon l'utilit��.
AMINTAS.
On ne suit pas ainsi l'exacte probit��.
NICANOR.
Ha! ne te pique point de ces vertus frivolles,
AMINTAS.
C'est perdre temps, Seigneur, en de vaines parolles,?Tandis que de Paphos tout le peuple estonn��,?Se croit avec raison de nous abandonn��.?Donnons pour son salut les ordres necessaires;?Envoyons des partis observer les Corsaires.?Tandis que vous veillez �� deffendre nos Murs,?Employez ma valeur aux travaux les plus durs.?Rendez-moy digne enfin de ces hautes pens��es,?Que vos conseils hardis dans mon
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