Le prince corsaire | Page 7

Paul Scarron
qu'il y regne en aimable vainqueur;?Luy reveler les maux qu'il ignore, & qu'il cause,?Clarice l'as-tu veu! j'ay fait tout autre chose,?Ainsi le criminel de son remors press��,?Se coupe, & ne dit rien de ce qu'il a pens��?Ainsi ce cher vainqueur de mon ame so?mise,?Dont ma foible raison les armes favorise,?Ne s?ait point sa conqueste, & ne la s?aura point,?Tant un destin cruel �� mon amour est joint:?Et quand bien il s?auroit qu'il cause ma souffrance?M'en devrois-je flatter de la moindre esperance??Ce Prince ayme ma soeur, il ne peut donc m'aymer?Et quand il changeroit, le pourrois-je estimer??Pensant gagner mon coeur, il perdroit mon estime,?Et son amour pour moy me paroistroit un crime,?Cependant il se jette en un mortel danger;?Ai-je �� m'en r��jou?r? ai-je �� m'en affliger??Si ce Prince est vaincu, ce Prince perd sa gloire,?Et je doi faire ainsi des voeux pour sa victoire;?Mais sa victoire aussi luy donnera ma soeur,?Et je doi craindre ainsi de le revoir vainqueur,?L'un & l'autre succez favorable ou contraire,?S'oppose ��gallement �� tout ce que j'espere;?Ou plustost je crains tout, & je n'espere rien,?Est-il un desespoir plus juste que le mien?
CLARICE.
Mais Amintas lass�� d'aimer qui le m��prise,?Peut un jour vous offrir ce que refuse Elize.
ALCIONNE.
Apres les sentimens d'une noble fiert��,?O�� mon coeur contre luy s'est tantost emport��,?Apres avoir promis �� ma soeur qui m'est chere,?De resister comme elle aux volontez d'un Pere,?Lasche puis-je trahir la fiert�� de mon coeur,?Et plus lasche manquer de parolle �� ma soeur?
CLARICE.
Il s?auroit mon amour si j'estois Alcionne.
ALCIONNE.
Que pourroit-il penser d'une ame qui se donne??Ha! si de l�� d��pend tout l'heur de mon Destin,?Resoluons nous plustost d'en avancer la fin,?Craignons l'��tat honteux d'une amante qui prie,?Mais �� quoy songe-tu, mon aveugle furie??He n'ayje pas voulu dans ce mesme moment,?Luy d��couvrir ma flame, & mon cruel tourment,?Et d��couvrir sa flame �� celuy qui la cause??Si ce n'est le prier, il s'en faut peu de chose.?O Dieux! quand je reproche �� mon esprit confus,?Que je vien de courir le danger d'un refus;?Qu'il n'est rien de plus bas qu'une inutile plainte,?Qu'aysement je m'engage aux loix de la contrainte,?A ne croire jamais mes desirs trop ardens;?A deffendre �� mon coeur ses so?pirs imprudens.?Mais en vain on le cache; un air triste au visage,?Une langueur aux yeux, sont un muet langage,?Qui trahit le secret d'un so?pir retenu,?Et le feu de l'amour tost ou tard est connu.?Non non, triste Princesse, il faut cesser de vivre,?C'est le meilleur conseil que tu peux jamais suivre.?Choisis, choisis la mort plustost que de rougir;?Laisse �� ton desespoir la libert�� d'agir,?Et soit que ton Amant vainque, ou perde la vie,?Meurs de ton d��plaisir, ou de ta jalousie.
Fin du second Acte.
ACTE III.
SCENE PREMIERE.
NICANOR, CRITON.
NICANOR.
Le Corsaire Orosmane a donc pris terre ainsi?
CRITON.
Et renvoy�� sa barque & ses Soldats aussi,
NICANOR.
Et mon fils?
CRITON.
Et le Prince a de la mesme sorte,?Renvoy�� les Soldats qui luy servoient d'escorte.?Ils se sont all�� battre au pied d'un grand rocher,?O�� sans se faire voir on ne peut approcher:?Mais Seigneur, consentir �� ce combat funeste....
NICANOR.
J'ay fait ce que j'ay d?, les Dieux feront le reste.?La victoire en d��pend, & non pas nostre coeur,?Qui doit estre invincible en cedant au vainqueur,?Mais la flotte Corsaire �� nostre rade ancr��e,?S'est �� l'aube du jour en deux parts separ��e.
CRITON.
Dont l'une, vent en pouppe a pris la haute mer,?Pendant qu'on a veu l'autre en bonne ordre ramer,?Vers l'Occident de l'Isle o�� l'abord est facile,?Et qui n'est deffendu ny de Fort ny de Ville.
NICANOR.
Ils ont quelque dessein qui nous est inconnu,?Mais que veut Licas?
SCENE II.
LICAS, NICANOR.
LICAS.
Le Prince est revenu?Seigneur!
NICANOR.
De son combat il revient plein de gloire?Qu'en est-il?
LICAS.
Il n'a point parl�� de sa victoire.?Le Prince est moder��.
NICANOR.
Le Prince est donc vaincu,?Et s'il l'est avec honte, il n'a que trop vescu.
LICAS.
Le Corsaire, Seigneur, a surpris Amatonte.
NICANOR.
O Dieux! adjoustez-vous cette perte �� ma honte??Et si v?tre secours me veut abandonner,?Quel remede assez prompt y pourray-je donner??Mais s?ait-on le destail d'une telle avanture;
LICAS.
Ce que j'ay p? tirer d'un Peuple qui murmure,?Et vous s?avez, Seigneur, ce qu'on en peut tirer,?C'est ce qu'en peu de mots je vais vous d��clarer.?Les troupes d'Orosmane en terre descendues,?Se sont en divers corps dans l'Isle r��pandu?s,?L'on a pris Amatonte, & le plus fort de tous,?Que les autres suivront, marche, & vient droit �� nous.
NICANOR.
C'est assez.
SCENE III.
NICANOR, ELISE, LICAS.
NICANOR.
S?avez-vous qu'Amatonte est surprise,?Madame, & qu'on s'en prend �� la Princesse Elise;?Qu'on dit qu'elle s'entend avec nos Ennemis,?Puis qu'elle a refus�� de couronner mon fils;?Que par ce fier refus une guerre impreveu?,?Trouve Cypre allarm��e, & de Roy d��pourveu?,?Et qu'�� nous qui pourrions les esprits rasseurer,?Elle ne permet pas seulement d'esperer?
ELISE.
Je permets d'esperer au vainqueur du Corsaire.
NICANOR.
Mais Amintas vaincu, perd l'espoir de vous plaire,?Ce Prince qui vous ayme, & que vous m��prisez,?Pour conserver un bien que vous luy refusez,?Pour deffendre la Cypre �� d'autres destin��e,?Ira-t'il exposer sa vie infortun��e??Ha! puisqu'�� son amour l'espoir est deffendu,?Que Cypre soit perdu? autant qu'il est perdu.
ELISE.
Ce
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