car nous n'avons pas besoin de voir effectivement et avec nos yeux deux lignes droites pour savoir qu'elles ne peuvent enclore un espace; il nous suffit de consulter la conception int��rieure que nous en avons: le t��moignage de nos sens �� cet ��gard est inutile; notre croyance na?t tout enti��re, et avec toute sa force, de la simple comparaison de nos id��es. De plus, l'exp��rience ne suit ces deux lignes que jusqu'�� une distance born��e, dix, cent, mille pieds, et l'axiome est vrai pour mille, cent mille, un million de lieues, et �� l'infini; donc, �� partir de l'endroit o�� l'exp��rience cesse, ce n'est plus elle qui ��tablit l'axiome. Enfin l'axiome est n��cessaire, c'est-��-dire que le contraire est inconcevable. Nous ne pouvons imaginer un espace enclos par deux lignes droites; sit?t que nous imaginons l'espace comme enclos, les deux lignes cessent d'��tre droites; sit?t que nous imaginons les deux lignes comme droites, l'espace cesse d'��tre enclos. Dans l'affirmation des axiomes, les id��es constitutives s'attirent invinciblement. Dans la n��gation des axiomes, les id��es constitutives se repoussent invinciblement. Or cela n'a pas lieu dans ces propositions d'exp��rience; elles constatent un rapport accidentel, et non un rapport n��cessaire; elles posent que deux faits sont li��s, et non que les deux faits doivent ��tre li��s; elles ��tablissent que les corps sont pesants, et non que les corps doivent ��tre pesants. Ainsi les axiomes ne sont pas et ne peuvent pas ��tre les produits de l'exp��rience. Ils ne le sont pas, puis-qu'on peut les former de t��te et sans exp��rience. Ils ne peuvent pas l'��tre puisqu'ils d��passent, par la nature et la port��e de leurs v��rit��s, les v��rit��s de l'exp��rience. Ils ont une autre source et une source plus profonde. Ils vont plus loin et ils viennent d'ailleurs.
Point du tout, r��pond Mill. Ici, comme tout �� l'heure, vous raisonnez en scolastique; vous oubliez les faits cach��s derri��re les conceptions: car regardez d'abord votre premier argument. Sans doute vous pouvez d��couvrir, sans employer vos yeux et par une pure contemplation mentale, que deux lignes ne sauraient enclore un espace; mais cette contemplation n'est que l'exp��rience d��plac��e. Les lignes imaginaires remplacent ici les lignes r��elles; vous reportez les figures en vous-m��me, au lieu de les reporter sur le papier: votre imagination fait le m��me office qu'un tableau; vous vous fiez �� l'une comme vous vous fiez �� l'autre, et une substitution vaut l'autre, car en fait de figures et de lignes l'imagination reproduit exactement la sensation. Ce que vous avez vu les yeux ouverts, vous le voyez exactement de m��me une minute apr��s, les yeux ferm��s, et vous ��tudiez les propri��t��s g��om��triques transplant��es dans le champ de la vision int��rieure aussi s?rement que vous les ��tudieriez maintenues dans le champ de la vision ext��rieure. Il y a donc une exp��rience de t��te comme il y en a une des yeux, et c'est justement d'apr��s une exp��rience pareille que vous refusez aux deux lignes droites, m��me prolong��es �� l'infini, le pouvoir d'enclore un espace. Vous n'avez pas besoin pour cela de les suivre �� l'infini, vous n'avez qu'�� vous transporter par l'imagination �� l'endroit o�� elles convergent, et vous avez �� cet endroit l'impression d'une ligne qui se courbe, c'est-��-dire qui cesse d'��tre droite[13]. Cette pr��sence imaginaire tient lieu d'une pr��sence r��elle; vous affirmez par l'une ce que vous affirmeriez par l'autre, et du m��me droit. La premi��re n'est que la seconde plus maniable, ayant plus de mobilit�� et de port��e. C'est un t��lescope au lieu d'un oeil. Or les t��moignages du t��lescope sont des propositions d'exp��rience, donc les t��moignages de l'imagination en sont aussi. Quant �� l'argument qui distingue les axiomes et les propositions d'exp��rience, sous pr��texte que le contraire des unes est concevable et le contraire des autres inconcevable, il est nul, car cette distinction n'existe pas. Rien n'emp��che que le contraire de certaines propositions d'exp��rience soit concevable, et le contraire de certaines autres inconcevable. Cela d��pend de la structure de notre esprit. Il se peut qu'en certains cas il puisse d��mentir son exp��rience, et qu'en certains autres il ne le puisse pas. Il se peut qu'en certains cas la conception diff��re de la perception, et qu'en certains autres elle n'en diff��re pas. Il se peut qu'en certains cas la vue ext��rieure s'oppose �� la vue int��rieure, et qu'en certains autres elle ne s'y oppose pas. Or on a d��j�� vu qu'en mati��re de figures, la vue int��rieure reproduit exactement la vue ext��rieure. Donc, dans les axiomes de figure, la vue int��rieure ne pourra s'opposer �� la vue ext��rieure; l'imagination ne pourra contredire la sensation. En d'autres termes, le contraire des axiomes sera inconcevable. Ainsi les axiomes, quoique leur contraire soit inconcevable, sont des exp��riences d'une certaine classe, et c'est parce qu'ils sont des exp��riences d'une certaine classe que leur contraire est inconcevable. De toutes parts
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