Le positivisme anglais | Page 3

Hippolyte A. Taine
allez vous en charger.--Mais je vais tomber dans les abstractions.--Il n'y a pas de mal.--Mais tout ce raisonnement serr�� sera comme une haie d'��pines.--Nous nous piquerons les doigts.--Mais les trois quarts des gens jetteraient l�� ces sp��culations comme oiseuses.--Tant pis pour eux. Pourquoi vit une nation ou un si��cle, sinon pour les former? On n'est compl��tement homme que par l��. Si quelque habitant d'une autre plan��te descendait ici pour nous demander o�� en est notre esp��ce, il faudrait lui montrer les cinq ou six grandes id��es que nous avons sur l'esprit et le monde. Cela seul lui donnerait la mesure de notre intelligence. Exposez-moi votre th��orie; je m'en retournerai plus instruit qu'apr��s avoir vu les las de briques que vous appelez Londres et Manchester.
* * * * *
�� I. L'EXP��RIENCE
I
Alors, nous allons prendre les choses en logiciens, par le commencement. Stuart Mill a ��crit une logique. Qu'est-ce que la logique? C'est une science. Quel est son objet? Ce sont les sciences: car supposez que vous ayez parcouru l'univers et que vous le connaissiez tout entier, astres, terre, soleil, chaleur, pesanteur, affinit��s, esp��ces min��rales, r��volutions g��ologiques, plantes, animaux, ��v��nements humains, et tout ce qu'expliquent ou embrassent les classifications et les th��ories; il vous restera encore �� conna?tre ces classifications et ces th��ories. Non-seulement il y a l'ordre des ��tres, mais il y a encore l'ordre des pens��es qui les repr��sentent; non-seulement il y a des plantes et des animaux, mais encore il y a une botanique et une zoologie; non-seulement il y a des lignes, des surfaces, des volumes et des nombres, mais encore il y a une g��om��trie et une arithm��tique. Les sciences sont donc des choses r��elles comme les faits eux-m��mes: elles peuvent donc ��tre, comme les faits, un sujet d'��tude. On peut les analyser comme on analyse les faits, rechercher leurs ��l��ments, leur composition, leur ordre, leurs rapports et leur fin. Il y a donc une science des sciences: c'est cette science qu'on appelle logique, et qui est l'objet du livre de Stuart Mill. Ou n'y d��compose point les op��rations de l'esprit en elles-m��mes, la m��moire, l'association des id��es, la perception ext��rieure: ceci est une affaire de psychologie. On n'y discute pas la valeur de ces op��rations, la v��racit�� de notre intelligence, la certitude absolue de nos connaissances ��l��mentaires; ceci est une affaire de m��taphysique. On y suppose nos facult��s en exercice, et l'on y admet leurs d��couvertes originelles. On prend l'instrument tel que la nature nous le fournit, et l'on se fie �� son exactitude. On laisse �� d'autres le soin de d��monter son m��canisme et la curiosit�� de contr?ler ses r��sultats. On part de ses op��rations primitives; on recherche comment elles s'ajoutent les unes aux autres, comment elles se combinent les unes avec les autres, comment elles se transforment les unes les autres; comment, �� force d'additions, de combinaisons et de transformations, elles finissent par composer un syst��me de v��rit��s li��es et croissantes. On fait la th��orie de la science comme d'autres font la th��orie de la v��g��tation, de l'esprit, des nombres. Voil�� l'id��e de la logique, et il est clair qu'elle a, au m��me titre que les autres sciences, sa mati��re r��elle, son domaine distinct, son importance visible, sa m��thode propre et son avenir certain.

II
Ceci pos��, remarquez que toutes ces sciences, objet de la logique, ne sont que des amas de propositions, et que toute proposition ne fait que lier ou s��parer un sujet et un attribut, c'est-��-dire un nom et un autre nom, une qualit�� et une substance, c'est-��-dire une chose et une autre chose. Cherchons donc ce que nous entendons par une chose, ce que nous d��signons par un nom; en d'autres termes, ce que nous connaissons dans les objets, ce que nous lions et s��parons, ce qui est la mati��re de toutes nos propositions et de toutes nos sciences. Il y a un point par lequel se ressemblent toutes nos connaissances. Il y a un ��l��ment commun qui, perp��tuellement r��p��t��, compose toutes nos id��es. Il y a un petit cristal primitif qui, ind��finiment et diversement ajout�� �� lui-m��me, engendre la masse totale, et qui, une fois connu, nous enseigne d'avance les lois et la composition des corps complexes qu'il a form��s.
Or, quand nous regardons attentivement l'id��e que nous nous faisons d'une chose, qu'y trouvons-nous? Prenez d'abord les substances, c'est-��-dire les corps et les esprits[1]. Cette table est brune, longue, large et haute de trois pieds �� l'oeil: cela signifie qu'elle fait une petite tache dans le champ de la vision, en d'autres termes qu'elle produit une certaine sensation dans le nerf optique. Elle p��se dix livres: cela signifie qu'il faudra pour la soulever un effort moindre que pour un poids de onze livres, et plus grand que pour un poids de neuf livres, en d'autres termes qu'elle produit une certaine sensation musculaire.
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 34
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.