le duc de Mora qui devait d?ner ici?
--Oui... je m'ennuyais... un jour de spleen... Ces journ��es-l�� sont mauvaises pour moi...
--Est-ce que la duchesse devait venir?
--La duchesse?... Non. Je ne la connais pas.
--Eh bien! �� votre place, je ne recevrais jamais chez moi, �� ma table, un homme mari�� dont je ne verrais pas la femme... Vous vous plaignez d'��tre une abandonn��e; pourquoi vous abandonner vous-m��me?... Quand on est sans reproche, il faut se garder du soup?on... Est-ce que je vous fache?
--Non, non, grondez-moi, Minerve... Je veux bien de votre morale. Elle est droite et franche, celle-l��; elle ne clignote pas comme celle des Jenkins... Je vous l'ai dit, j'ai besoin qu'on me conduise...?
Et jetant devant lui le croquis qu'elle venait de terminer:
?Tenez! voil�� l'amie dont je vous parlais... Une affection profonde et s?re que j'ai eu la folie de laisser perdre comme une gacheuse que je suis... C'est elle que j'invoquais dans les moments difficiles, quand il fallait prendre une d��cision, faire quelque sacrifice... Je me disais: ?Qu'en pensera-t-elle?? comme nous nous arr��tons dans un travail d'artiste pour songer �� quelque grand, �� un de nos ma?tres... Il faut que vous soyez cela pour moi. Voulez-vous??
Paul ne r��pondit pas. Il regardait le portrait d'Aline. C'��tait elle, c'��tait bien elle, son profil pur, sa bouche railleuse et bonne, et la longue boucle en caresse sur le col fin. Ah! tous les ducs de Mora pouvaient venir maintenant. F��licia n'existait plus pour lui.
Pauvre F��licia, dou��e de pouvoirs sup��rieurs, elle ��tait bien comme ces magiciennes qui nouent et d��nouent les destins des hommes sans pouvoir rien pour leur propre bonheur.
?Voulez-vous me donner ce croquis?? dit-il tout bas, la voix ��mue.
--Tr��s-volontiers... Elle est gentille, n'est-ce pas?... Ah! ma foi, celle-l��, si vous la rencontrez, aimez-la, ��pousez-la. Elle vaut mieux que toutes.
Pourtant, �� d��faut d'elle... �� d��faut d'elle...?
Et le beau sphinx apprivois�� levait vers lui ses grands yeux mouill��s et rieurs, dont l'��nigme n'avait plus rien d'ind��chiffrable.
XIV
L'EXPOSITION
?Superbe...
--Un succ��s ��norme. Barye n'a jamais rien fait d'aussi beau.
--Et le buste du Nabab?... Quelle merveille? C'est Constance Crenmitz qui est heureuse. Regardez-la trotter...
--Comment! c'est la Crenmitz cette petite vieille en mantelet d'hermine! Voil�� vingt ans que je la croyais morte.?
Oh! non, bien vivante au contraire. Ravie, rajeunie par le triomphe de sa filleule, qui tient d��cid��ment le succ��s de l'Exposition, elle circule parmi la foule d'artistes, de gens du monde formant aux deux endroits o�� sont expos��s les envois de F��licia, comme deux masses de dos noirs, de toilettes m��l��es, se pressant, s'��touffant pour regarder. Constance, si timide d'ordinaire, se glisse au premier rang, ��coute les discussions, attrape au vol des bouts de phrases, des formules qu'elle retient, approuve de la t��te, sourit, l��ve les ��paules lorsqu'elle entend dire une b��tise, tent��e de foudroyer le premier qui n'admirerait pas.
Que ce soit la bonne Crenmitz ou une autre, vous la verrez �� toutes les ouvertures du salon, cette silhouette furtive r?dant autour des conversations, l'air anxieux, l'oreille tendue; quelquefois un vieux bonhomme de p��re dont le regard vous remercie d'un mot aimable dit en passant, ou prend une expression d��sol��e pour une ��pigramme qu'on lance �� l'oeuvre d'art et qui va frapper un coeur derri��re vous. Une figure �� ne pas oublier, certainement, si jamais quelque peintre ��pris de modernit�� songeait �� fixer sur une toile cette manifestation bien typique de la vie parisienne, une ouverture d'exposition dans cette vaste serre de la sculpture, aux all��es sabl��es de jaune, �� l'immense plafond en vitrage sous lequel se d��tachent �� mi-hauteur les tribunes du premier ��tage garnies de t��tes pench��es qui regardent, de draperies flottantes improvis��es.
Dans une lumi��re un peu froide, palie �� ces tentures vertes du pourtour, o�� les rayons se rar��fient, dirait-on, pour laisser �� la vue des promeneurs une certaine justesse recueillie, la foule lente va et vient, s'arr��te, se disperse sur les bancs, serr��e par groupes, et pourtant m��lant les mondes mieux qu'aucune autre assembl��e, comme la saison mobile et changeante, �� cette ��poque de l'ann��e, confond toutes les parures, fait se fr?ler au passage les dentelles noires, la tra?ne imp��rieuse de la grande dame venue pour voir l'effet de son portrait, et les fourrures sib��riennes de l'actrice retour de Russie et voulant qu'on le sache bien.
Ici, pas de loges, de baignoires, de places r��serv��es, et c'est ce qui donne �� cette premi��re en plein jour un si grand charme de curiosit��. Les vraies mondaines peuvent juger de pr��s ces beaut��s peintes tant applaudies aux lumi��res; le petit chapeau, nouvelle forme, des marquises de Bois-l'H��ry croise la toilette plus que modeste de quelque femme ou fille d'artiste, tandis que le mod��le, qui a pos�� pour cette belle Androm��de de l'entr��e, passe victorieusement, habill��e d'une jupe trop courte, de v��tements mis��rables jet��s sur sa beaut�� avec tous les faux plis de la mode. On s'��tudie, on s'admire,
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