Le nabab, tome I, by Alphonse
Daudet
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Title: Le nabab, tome I
Author: Alphonse Daudet
Release Date: June 24, 2004 [EBook #12726]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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TOME I ***
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OEUVRES
DE
Alphonse Daudet
Le Nabab
Tome I
M DCCC LXXXVII
Il y a cent ans, Le Sage écrivait ceci en tête de Gil Blas:
«Comme il y a des personnes qui ne sauraient lire sans faire des
applications des caractères vicieux ou ridicules qu'elles trouvent dans
les ouvrages, je déclare à ces lecteurs malins qu'ils auraient tort
d'appliquer les portraits qui sont dans le présent livre. J'en fais un aveu
publique: je ne me suis proposé que de représenter la vie des hommes
telle qu'elle est...»
Toute distance gardée entre le roman de Le Sage et le mien, c'est une
déclaration du même genre que j'aurais désiré mettre à la première
page du Nabab, dès sa publication. Plusieurs raisons m'en ont empêché.
D'abord, la peur qu'un pareil avertissement n'eût trop l'air d'être jeté
en appât au public et de vouloir forcer son attention. Puis, j'étais loin
de me douter qu'un livre écrit avec des préoccupations purement
littéraires pût acquérir ainsi tout d'un coup cette importance
anecdotique et me valoir une telle nuée bourdonnante de réclamations.
Jamais, en effet, rien de semblable ne s'est vu. Pas une ligne de mon
oeuvre, pas un de ses héros, pas même un personnage en silhouette qui
ne soit devenu motif à allusions, à protestations. L'auteur a beau se
défendre, jurer ses grands dieux que son roman n'a pas de clef, chacun
lui en forge au moins une, à l'aide de laquelle il prétend ouvrir cette
serrure à combinaison. Il faut que tout ces types aient vécu, comment
donc! qu'ils vivent encore, identiques de la tête aux pieds... Monpavon
est un tel, n'est-ce pas?... La ressemblance de Jenkins est frappante...
Celui-ci se fâche d'en être, tel autre de n'en être pas; et cette recherche
du scandale aidant, il n'est pas jusqu'à des rencontres de noms, fatales
dans le roman moderne, des indications de rues, des numéros de
maisons, choisit au hasard, qui n'aient servi à donner une sorte
d'identité à des êtres bâtis de mille pièces et en définitive absolument
imaginaires.
L'auteur a trop de modestie pour prendre tout ce bruit à son compte. Il
sait la part qu'ont eue dans cela les indiscrétions amicales ou perfides
des journaux; et, sans remercier les uns plus qu'il ne convient, sans en
vouloir aux autres outre mesure, il se résigne à sa tapageuse aventure
comme à une chose inévitable et tient seulement à honneur d'affirmer,
sur vingt ans de travail et de probité littéraires, que cette fois, pas plus
que les autres, il n'avait cherché cet élément de succès. En feuilletant
ses souvenirs, ce qui est le droit et le devoir de tout romancier, il s'est
rappelé un singulier épisode du Paris cosmopolite d'il y a quinze ans.
Le romanesque d'une existence éblouissante et rapide, traversant en
météore le ciel parisien, a évidemment servi de cadre au Nabab, à cette
peinture des moeurs de la fin du second empire. Mais autour d'une
situation, d'aventures connues, que chacun était en droit d'étudier et de
rappeler, quelle fantaisie répandue, que d'inventions, que de broderies,
surtout quelle dépense de cette observation continuelle, éparse,
presque inconsciente, sans laquelle il ne saurait y avoir d'écrivains
d'imagination. D'ailleurs, pour se rendre compte du travail
«cristallisant» qui transporte du réel à la fiction, de la vie au roman,
les circonstances les plus simples, il suffirait d'ouvrir le Moniteur
Officiel de février 1864 et de comparer certaine séance du corps
législatif au tableau que j'en donne dans mon livre. Qui aurait pu
supposer qu'après tant d'années écoulées ce Paris à la courte mémoire
saurait reconnaître le modèle primitif dans l'idéalisation que le
romancier en a faite et qu'il s'élèverait des voix pour accuser
d'ingratitude celui qui ne fut point certes «le commensal assidu» de son
héros, mais seulement, dans leurs rares rencontres, un curieux en qui
la vérité se photographie rapidement et qui ne peut jamais effacer de
son souvenir les images une fois fixées?
J'ai connu le «Vrai Nabab» en 1864, j'occupais alors une position
semi-officielle qui m'obligeait à mettre une grande réserve dans mes
visites à ce fastueux
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