en marche... dit en souriant aimablement le reporter...
en marche vers le château du Glandier... Belle affaire, monsieur De Marquet, belle
affaire! ...
-- Obscure affaire! Incroyable, insondable, inexplicable affaire... et je ne crains qu’une
chose, monsieur Rouletabille... c’est que les journalistes se mêlent de la vouloir
expliquer...»
Mon ami sentit le coup droit.
«Oui, fit-il simplement, il faut le craindre... Ils se mêlent de tout... Quant à moi, je ne
vous parle que parce que le hasard, monsieur le juge d’instruction, le pur hasard, m’a mis
sur votre chemin et presque dans votre compartiment.
-- Où allez-vous donc, demanda M. de Marquet.
-- Au château du Glandier», fit sans broncher Rouletabille.
M. de Marquet sursauta.
«Vous n’y entrerez pas, monsieur Rouletabille! ...
-- Vous vous y opposerez? fit mon ami, déjà prêt à la bataille.
-- Que non pas! J’aime trop la presse et les journalistes pour leur être désagréable en quoi
que ce soit, mais M. Stangerson a consigné sa porte à tout le monde. Et elle est bien
gardée. Pas un journaliste, hier, n’a pu franchir la grille du Glandier.
-- Tant mieux, répliqua Rouletabille, j’arrive bien.»
M. de Marquet se pinça les lèvres et parut prêt à conserver un obstiné silence. Il ne se
détendit un peu que lorsque Rouletabille ne lui eut pas laissé ignorer plus longtemps que
nous nous rendions au Glandier pour y serrer la main «d’un vieil ami intime», déclara-t-il,
en parlant de M. Robert Darzac, qu’il avait peut-être vu une fois dans sa vie.
«Ce pauvre Robert! continua le jeune reporter... Ce pauvre Robert! il est capable d’en
mourir... Il aimait tant Mlle Stangerson...
-- La douleur de M. Robert Darzac fait, il est vrai, peine à voir ... laissa échapper comme
à regret M. de Marquet...
-- Mais il faut espérer que Mlle Stangerson sera sauvée...
-- Espérons-le... son père me disait hier que, si elle devait succomber, il ne tarderait point,
quant à lui, à l’aller rejoindre dans la tombe... Quelle perte incalculable pour la science!
-- La blessure à la tempe est grave, n’est-ce pas? ...
-- Evidemment! Mais c’est une chance inouïe qu’elle n’ait pas été mortelle... Le coup a
été donné avec une force! ...
-- Ce n’est donc pas le revolver qui a blessé Mlle Stangerson», fit Rouletabille... en me
jetant un regard de triomphe...
M. de Marquet parut fort embarrassé.
«Je n’ai rien dit, je ne veux rien dire, et je ne dirai rien!»
Et il se tourna vers son greffier, comme s’il ne nous connaissait plus...
Mais on ne se débarrassait pas ainsi de Rouletabille. Celui-ci s’approcha du juge
d’instruction, et, montrant le Matin, qu’il tira de sa poche, il lui dit:
«Il y a une chose, monsieur le juge d’instruction, que je puis vous demander sans
commettre d’indiscrétion. Vous avez lu le récit du _Matin_? Il est absurde, n’est-ce pas?
-- Pas le moins du monde, monsieur...
-- Eh quoi! La «Chambre Jaune» n’a qu’une fenêtre grillée «dont les barreaux n’ont pas
été descellés, et une porte que l’on défonce...» et l’on n’y trouve pas l’assassin!
-- C’est ainsi, monsieur! C’est ainsi! ... C’est ainsi que la question se pose! ...»
Rouletabille ne dit plus rien et partit pour des pensers inconnus... Un quart d’heure ainsi
s’écoula.
Quant il revint à nous, il dit, s’adressant encore au juge d’instruction:
-- Comment était, ce soir-là, la coiffure de Mlle Stangerson?
-- Je ne saisis pas, fit M. de Marquet.
-- Ceci est de la dernière importance, répliqua Rouletabille. _Les cheveux en bandeaux,
n’est-ce pas? Je suis sûr qu’elle portait ce soir-là, le soir du drame, les cheveux en
bandeaux!_
-- Eh bien, monsieur Rouletabille, vous êtes dans l’erreur, répondit le juge d’instruction;
Mlle Stangerson était coiffée, ce soir-là, les cheveux relevés entièrement en torsade sur la
tête... Ce doit être sa coiffure habituelle... Le front entièrement découvert..., je puis vous
l’affirmer, car nous avons examiné longuement la blessure. Il n’y avait pas de sang aux
cheveux... et l’on n’avait pas touché à la coiffure depuis l’attentat.
-- Vous êtes sûr! Vous êtes sûr que Mlle Stangerson, la nuit de l’attentat, n’avait pas «la
coiffure en bandeaux»? ...
-- Tout à fait certain, continua le juge en souriant... car, justement, j’entends encore le
docteur me dire pendant que j’examinais la blessure: «C’est grand dommage que Mlle
Stangerson ait l’habitude de se coiffer les cheveux relevés sur le front. Si elle avait porté
la coiffure en bandeaux, le coup qu’elle a reçu à la tempe aurait été amorti.» Maintenant,
je vous dirai qu’il est étrange que vous attachiez de l’importance...
-- Oh! Si elle n’avait pas les cheveux en bandeaux! gémit Rouletabille, où allons-nous?
où allons-nous? Il faudra que je me renseigne.
Et il eut un geste désolé.
«Et la blessure à la tempe est terrible?
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