démolition -- car
je suis décidé, et M. Stangerson est décidé à aller jusqu’à la démolition du pavillon -- ne
viennent révéler aucun passage praticable, _non seulement pour un être humain, mais_
_encore pour un être quel qu’il soit_, si le plafond n’a pas de trou, si le plancher ne cache
pas de souterrain, «il faudra bien croire au diable», comme dit le père Jacques!»
Et le rédacteur anonyme fait remarquer, dans cet article --article que j’ai choisi comme
étant le plus intéressant de tous ceux qui furent publiés ce jour-là sur la même affaire --
que le juge d’instruction semblait mettre une certaine intention dans cette dernière phrase:
il faudra bien croire au diable, comme dit le père Jacques.
L’article se termine sur ces lignes: «nous avons voulu savoir ce que le père Jacques
entendait par: «le cri de la Bête du Bon Dieu». On appelle ainsi le cri particulièrement
sinistre, nous a expliqué le propriétaire de l’auberge du Donjon, que pousse, quelquefois,
la nuit, le chat d’une vieille femme, la mère «Agenoux», comme on l’appelle dans le pays.
La mère «Agenoux «est une sorte de sainte qui habite une cabane, au coeur de la forêt,
non loin de la «grotte de Sainte-Geneviève».
«La «Chambre Jaune», la «Bête du Bon Dieu», la mère Agenoux, le diable, sainte
Geneviève, le père Jacques, voilà un crime bien embrouillé, qu’un coup de pioche dans
les murs nous débrouillera demain; espérons-le, du moins, pour la raison humaine,
comme dit le juge d’instruction. En attendant, on croit que Mlle Stangerson, qui n’a cessé
de délirer et qui ne prononce distinctement que ce mot: «Assassin! Assassin!
Assassin! ...» ne passera pas la nuit...»
Enfin, en dernière heure, le même journal annonçait que le chef de la Sûreté avait
télégraphié au fameux inspecteur Frédéric Larsan, qui avait été envoyé à Londres pour
une affaire de titres volés, de revenir immédiatement à Paris.
II Où apparaît pour la première fois Joseph Rouletabille
Je me souviens, comme si la chose s’était passée hier, de l’entrée du jeune Rouletabille,
dans ma chambre, ce matin-là. Il était environ huit heures, et j’étais encore au lit, lisant
l’article du matin, relatif au crime du Glandier.
Mais, avant toute autre chose, le moment est venu de vous présenter mon ami.
J’ai connu Joseph Rouletabille quand il était petit reporter. À cette époque, je débutais au
barreau et j’avais souvent l’occasion de le rencontrer dans les couloirs des juges
d’instruction, quand j’allais demander un «permis de communiquer»pour Mazas ou pour
Saint-Lazare. Il avait, comme on dit, «une bonne balle». Sa tête était ronde comme un
boulet, et c’est à cause de cela, pensai-je, que ses camarades de la presse lui avaient
donné ce surnom qui devait lui rester et qu’il devait illustrer.«Rouletabille!» _ As- tu vu
Rouletabille? -- Tiens! Voilà ce «sacré»Rouletabille!» Il était toujours rouge comme une
tomate, tantôt gai comme un pinson, et tantôt sérieux comme un pape. Comment, si jeune
-- il avait, quand je le vis pour la première fois, seize ans et demi -- gagnait-il déjà sa vie
dans la presse? Voilà ce qu’on eût pu se demander si tous ceux qui l’approchaient
n’avaient été au courant de ses débuts. Lors de l’affaire de la femme coupée en morceaux
de la rue Oberkampf -- encore une histoire bien oubliée -- il avait apporté au rédacteur en
chef de _l’Èpoque_, journal qui était alors en rivalité d’informations avec Le Matin, le
pied gauche qui manquait dans le panier où furent découverts les lugubres débris. Ce pied
gauche, la police le cherchait en vain depuis huit jours, et le jeune Rouletabille l’avait
trouvé dans un égout où personne n’avait eu l’idée de l’y aller chercher. Il lui avait fallu,
pour cela, s’engager dans une équipe d’égoutiers d’occasion que l’administration de la
ville de Paris avait réquisitionnée à la suite des dégâts causés par une exceptionnelle crue
de la Seine.
Quand le rédacteur en chef fut en possession du précieux pied et qu’il eut compris par
quelle suite d’intelligentes déductions un enfant avait été amené à le découvrir, il fut
partagé entre l’admiration que lui causait tant d’astuce policière dans un cerveau de seize
ans, et l’allégresse de pouvoir exhiber, à la «morgue-vitrine»du journal, «le pied gauche
de la rue Oberkampf».
«Avec ce pied, s’écria-t-il, je ferai un article de tête.»
Puis, quand il eut confié le sinistre colis au médecin légiste attaché à la rédaction de
_L’Époque_, il demanda à celui qui allait être bientôt Rouletabille ce qu’il voulait gagner
pour faire partie, en qualité de petit reporter, du service des «faits divers».
«Deux cents francs par mois», fit modestement le jeune homme, surpris jusqu’à la
suffocation d’une pareille proposition.
«Vous en aurez deux cent cinquante, repartit le rédacteur en chef; seulement vous
déclarerez à tout le monde que vous
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