avait de se taire ont disparu aujourd’hui. Bien mieux, mon ami doit parler. Vous allez
donc tout savoir; et, sans plus ample préambule, je vais poser devant vos yeux le
problème de la «Chambre Jaune», tel qu’il le fut aux yeux du monde entier, au lendemain
du drame du château du Glandier.
Le 25 octobre 1892, la note suivante paraissait en dernière heure du _Temps_: «Un crime
affreux vient d’être commis au Glandier, sur la lisière de la forêt de Sainte-Geneviève,
au-dessus d’Épinay-sur-Orge, chez le professeur Stangerson. Cette nuit, pendant que le
maître travaillait dans son laboratoire, on a tenté d’assassiner Mlle Stangerson, qui
reposait dans une chambre attenante à ce laboratoire. Les médecins ne répondent pas de
la vie de Mlle Stangerson.» Vous imaginez l’émotion qui s’empara de Paris. Déjà, à cette
époque, le monde savant était extrêmement intéressé par les travaux du professeur
Stangerson et de sa fille. Ces travaux, les premiers qui furent tentés sur la radiographie,
devaient conduire plus tard M. et MmeCurie à la découverte du radium.
On était, du reste, dans l’attente d’un mémoire sensationnel que le professeur Stangerson
allait lire, à l’académie des sciences, sur sa nouvelle théorie: _La Dissociation__ de la
Matière. Théorie destinée à ébranler sur sa base toute la science officielle qui repose
depuis si longtemps sur le principe: rien ne se perd, rien ne se crée._
Le lendemain, les journaux du matin étaient pleins de ce drame. Le matin, entre autres,
publiait l’article suivant, intitulé: «Un crime surnaturel»:
«Voici les seuls détails -- écrit le rédacteur anonyme du matin -- que nous ayons pu
obtenir sur le crime du château du Glandier. L’état de désespoir dans lequel se trouve le
professeur Stangerson, l’impossibilité où l’on est de recueillir un renseignement
quelconque de la bouche de la victime ont rendu nos investigations et celles de la justice
tellement difficiles qu’on ne saurait, à cette heure, se faire la moindre idée de ce qui s’est
passé dans la «Chambre Jaune», où l’on a trouvé Mlle Stangerson, en toilette de nuit,
râlant sur le plancher. Nous avons pu, du moins, interviewer le père Jacques -- comme on
l’appelle dans le pays -- un vieux serviteur de la famille Stangerson. Le père Jacques est
entré dans la «Chambre Jaune» en même temps que le professeur. Cette chambre est
attenante au laboratoire. Laboratoire et «Chambre Jaune» se trouvent dans un pavillon, au
fond du parc, à trois cents mètres environ du château.
«-- il était minuit et demi, nous a raconté ce brave homme (?), et je me trouvais dans le
laboratoire où travaillait encore M. Stangerson quand l’affaire est arrivée. J’avais rangé,
nettoyé des instruments toute la soirée, et j’attendais le départ de M. Stangerson pour
aller me coucher. Mlle Mathilde avait travaillé avec son père jusqu’à minuit; les douze
coups de minuit sonnés au coucou du laboratoire, elle s’était levée, avait embrassé M.
Stangerson, lui souhaitant une bonne nuit. Elle m’avait dit: «Bonsoir, père Jacques!» et
avait poussé la porte de la «Chambre Jaune». Nous l’avions entendue qui fermait la porte
à clef et poussait le verrou, si bien que je n’avais pu m’empêcher d’en rire et que j’avais
dit à monsieur: «Voilà mademoiselle qui s’enferme àdouble tour. Bien sûr qu’elle a peur
de la ‘‘Bête du Bon Dieu’’!» Monsieur ne m’avait même pas entendu tant il était absorbé.
Mais un miaulement abominable me répondit au dehors et je reconnus justement le cri de
la «Bête du Bon Dieu»! ... que ça vous en donnait le frisson...«Est-ce qu’elle va encore
nous empêcher de dormir, cette nuit?» pensai-je, car il faut que je vous dise, monsieur,
que, jusqu’à fin octobre, j’habite dans le grenier du pavillon, au-dessus de la «Chambre
Jaune», à seule fin que mademoiselle ne reste pas seule toute la nuit au fond du parc.
C’est une idée de mademoiselle de passer la bonne saison dans le pavillon; elle le trouve
sans doute plus gai que le château et, depuis quatre ans qu’il est construit, elle ne manque
jamais de s’y installer dès le printemps. Quand revient l’hiver, mademoiselle retourne au
château, car dans la «Chambre Jaune», il n’y a point de cheminée.
«Nous étions donc restés, M. Stangerson et moi, dans le pavillon. Nous ne faisions aucun
bruit. Il était, lui, à son bureau. Quant à moi, assis sur une chaise, ayant terminé ma
besogne, je le regardais et je me disais: «Quel homme! Quelle intelligence!Quel savoir!»
J’attache de l’importance à ceci que nous ne faisions aucun bruit, car «à cause de cela,
l’assassin a cru certainement que nous étions partis». Et tout à coup, pendant que le
coucou faisait entendre la demie passé minuit, une clameur désespérée partit de la
«Chambre Jaune». C’était la voix de mademoiselle qui criait: « À l’assassin! À l’assassin!
Au secours!» Aussitôt des coups de
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