innocents!... Vous êtes vraiment doué, jeune homme.?
Sur quoi, il fuma avec énergie, et reprit:
?On ne trouvera aucune trappe, et le mystère de la ?Chambre Jaune? deviendra de plus, plus en plus mystérieux. Voilà pourquoi il m’intéresse. Le juge d’instruction a raison: on n’aura jamais vu quelque chose de plus étrange que ce crime-là...
-- Avez-vous quelque idée du chemin que l’assassin a pu prendre pour s’enfuir? demandai-je.
-- Aucune, me répondit Rouletabille, aucune pour le moment... Mais j’ai déjà mon idée faite sur le revolver, par exemple... Le revolver n’a pas servi à l’assassin...
-- Et à qui donc a-t-il servi, mon Dieu? ...
-- Eh bien, mais... ?à Mlle Stangerson...?
-- Je ne comprends plus, fis-je... Ou mieux je n’ai jamais compris...?
Rouletabille haussa les épaules:
?Rien ne vous a particulièrement frappé dans l’article du _Matin_?
-- Ma foi non... j’ai trouvé tout ce qu’il raconte également bizarre...
-- Eh bien, mais... et la porte fermée à clef?
-- C’est la seule chose naturelle du récit...
-- Vraiment! ... Et le verrou? ...
-- Le verrou?
-- Le verrou poussé à l’intérieur? ... Voilà bien des précautions prises par Mlle Stangerson... ?Mlle Stangerson, quant à moi, savait qu’elle avait à craindre quelqu’un; elle avait pris ses précautions; ?elle avait même pris le revolver du père Jacques?, sans lui en parler. Sans doute, elle ne voulait effrayer personne; elle ne voulait surtout pas effrayer son père... ?Ce que Mlle Stangerson redoutait est arrivé...? et elle s’est défendue, et il y a eu bataille et elle s’est servie assez adroitement de son revolver pour blesser l’assassin à la main -- ainsi s’explique l’impression de la large main d’homme ensanglantée sur le mur et sur la porte, de l’homme qui cherchait presque à tatons une issue pour fuir -- mais elle n’a pas tiré assez vite pour échapper au coup terrible qui venait la frapper à la tempe droite.
-- Ce n’est donc point le revolver qui a blessé Mlle Stangerson à la tempe?
-- Le journal ne le dit pas, et, quant à moi, je ne le pense pas; toujours parce qu’il m’appara?t logique que le revolver a servi à Mlle Stangerson contre l’assassin. Maintenant, quelle était l’arme de l’assassin? Ce coup à la tempe semblerait attester que l’assassin a voulu assommer Mlle Stangerson... Après avoir vainement essayé de l’étrangler... L’assassin devait savoir que le grenier était habité par le père Jacques, et c’est une des raisons pour lesquelles, je pense, il a voulu opérer avec une ?arme de silence?, une matraque peut-être, ou un marteau...
-- Tout cela ne nous explique pas, fis-je, comment notre assassin est sorti de la ?Chambre Jaune?!
-- èvidemment, répondit Rouletabille en se levant, et, comme il faut l’expliquer, je vais au chateau du Glandier, et je viens vous chercher pour que vous y veniez avec moi...
-- Moi!
-- Oui, cher ami, j’ai besoin de vous. _L’èpoque_ m’a chargé définitivement de cette affaire, et il faut que je l’éclaircisse au plus vite.
-- Mais en quoi puis-je vous servir?
-- M. Robert Darzac est au chateau du Glandier.
-- C’est vrai... son désespoir doit être sans bornes!
-- Il faut que je lui parle...?
Rouletabille pronon?a cette phrase sur un ton qui me surprit:
?Est-ce que... Est-ce que vous croyez à quelque chose d’intéressant de ce c?té? ... demandai-je.
-- Oui.?
Et il ne voulut pas en dire davantage. Il passa dans mon salon en me priant de hater ma toilette.
Je connaissais M. Robert Darzac pour lui avoir rendu un très gros service judiciaire dans un procès civil, alors que j’étais secrétaire de ma?tre Barbet-Delatour. M. Robert Darzac, qui avait, à cette époque, une quarantaine d’années, était professeur de physique à la Sorbonne. Il était intimement lié avec les Stangerson, puisque après sept ans d’une cour assidue, il se trouvait enfin sur le point de se marier avec Mlle Stangerson, personne d’un certain age (elle devait avoir dans les trente-cinq ans), mais encore remarquablement jolie.
Pendant que je m’habillais, je criai à Rouletabille qui s’impatientait dans mon salon:
?Est-ce que vous avez une idée sur la condition de l’assassin?
-- Oui, répondit-il, je le crois sinon un homme du monde, du moins d’une classe assez élevée... Ce n’est encore qu’une impression...
-- Et qu’est-ce qui vous la donne, cette impression?
-- Eh bien, mais, répliqua le jeune homme, le béret crasseux, le mouchoir vulgaire et les traces de la chaussure grossière sur le plancher...
-- Je comprends, fis-je; on ne laisse pas tant de traces derrière soi, ?quand elles sont l’expression de la vérité!?
-- On fera quelque chose de vous, mon cher Sainclair!? conclut Rouletabille.
III ?Un homme a passé comme une ombre à travers les volets?
Une demi-heure plus tard, nous étions, Rouletabille et moi, sur le quai de la gare d’Orléans, attendant le départ du train qui allait nous déposer à épinay-sur-Orge. Nous v?mes arriver le parquet de Corbeil, représenté par M. de Marquet et son greffier. M. de Marquet avait passé la nuit à Paris avec
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