Le meunier d'Angibault
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Title: Le meunier d'Angibault
Author: George Sand
Release Date: October 29, 2004 [EBook #13892]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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MEUNIER D'ANGIBAULT ***
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George Sand
[Illustration]
LE MEUNIER D'ANGIBAULT
NOTICE
Ce roman est, comme tant d'autres, le résultat d'une promenade, d'une
rencontre, d'un jour de loisir, d'une heure de far niente. Tous ceux qui
ont écrit, bien ou mal, des ouvrages d'imagination ou même de science,
savent que la vision des choses intellectuelles part souvent de celle des
choses matérielles. La pomme qui tombe de l'arbre fait découvrir à
Newton une des grandes lois de l'univers. A plus forte raison le plan
d'un roman peut-il naître de la rencontre d'un fait ou d'un objet
quelconque. Dans les oeuvres du génie scientifique, c'est la réflexion
qui tire du fait même la raison des choses. Dans les plus humbles
fantaisies de l'art, c'est la rêverie qui habille et complète ce fait isolé. La
richesse ou la pauvreté de l'oeuvre n'y fait rien. Le procédé de l'esprit
est le même pour tous.
Or, il y a dans notre vallée un joli moulin qu'on appelle Angibault, dont
je ne connais pas le meunier, mais dont j'ai connu le propriétaire. C'était
un vieux monsieur, qui, depuis sa liaison à Paris avec _M. de
Robespierre_ (il l'appelait toujours ainsi), avait laissé croître autour de
ses écluses tout ce qui avait voulu pousser: l'aune et la ronce, le chêne
et le roseau. La rivière, abandonnée à son caprice, s'était creusé, dans le
sable et dans l'herbe, un réseau de petits torrents qu'aux jours d'été,
dans les eaux basses, les plantes fontinales couvraient de leurs touffes
vigoureuses. Mais le vieux monsieur est mort; la cognée a fait sa
besogne; il y avait bien des fagots à tailler, bien des planches à scier
dans cette forêt vierge en miniature. Il y reste encore quelques beaux
arbres, des eaux courantes, un petit bassin assez frais, et quelques
buissons de ces ronces gigantesques qui sont les lianes de nos climats.
Mais ce coin de paradis sauvage que mes enfants et moi avions
découvert en 1844, avec des cris de surprise et de joie, n'est plus qu'un
joli endroit comme tant d'autres.
Le château de Blanchemont avec son paysage, sa garenne et sa ferme,
existe tel que je l'ai fidèlement dépeint; seulement il s'appelle autrement,
et les Bricolin sont des types fictifs. La folle qui joue un rôle dans cette
histoire, m'est apparue ailleurs: c'était aussi une folle par amour. Elle fit
une si pénible impression sur mes compagnons de voyage et sur moi,
que malgré vingt lieues de pays que nous avions faites pour explorer les
ruines d'une magnifique abbaye de la renaissance, nous ne pûmes y
rester plus d'une heure. Cette malheureuse avait adopté ce lieu
mélancolique pour sa promenade machinale, constante, éternelle. La
fièvre avait brûlé l'herbe sous ses pieds obstinés, la fièvre du désespoir!
GEORGE SAND.
Nohant, 5 septembre 1852.
A SOLANGE ***.
Mon enfant, cherchons ensemble.
PREMIERE JOURNÉE.
I.
INTRODUCTION.
Une heure du matin sonnait à Saint-Thomas-d'Aquin, lorsqu'une forme
noire, petite et rapide, se glissa le long du grand mur ombragé d'un de
ces beaux jardins qu'on trouve encore à Paris sur la rive gauche de la
Seine, et qui ont tant de prix au milieu d'une capitale. La nuit était
chaude et sereine. Les daturas en fleurs exhalaient de suaves parfums,
et se dressaient comme de grands spectres blancs sous le regard brillant
de la pleine lune. Le style du large perron de l'hôtel de Blanchemont
avait encore un vieux air de splendeur, et le jardin vaste et bien
entretenu rehaussait l'opulence apparente de cette demeure silencieuse,
où pas une lumière ne brillait aux fenêtres.
Cette circonstance d'un superbe clair de lune, donnait bien quelque
inquiétude à la jeune femme en deuil qui se dirigeait, en suivant l'allée
la plus sombre, vers une petite porte située à l'extrémité du mur. Mais
elle n'y allait pas moins avec résolution, car ce n'était pas la première
fois qu'elle risquait sa réputation pour un amour pur et désormais
légitime; elle était veuve depuis un mois.
Elle profita du rempart que lui faisait un massif d'acacias pour arriver
sans bruit jusqu'à la petite porte de dégagement qui donnait sur une rue
étroite
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