appui.
--Je lui en servirai.
--D'un père...
--Ne vous dois-je pas la reconnaissance d'un fils? déclama pathétiquement Vaunoy.
--Vous l'aimez bien, n'est-ce pas, Hervé, ce pauvre enfant que je vous lègue? Vous lui apprendrez à aimer la Bretagne, à détester l'étranger. Vous me remplacerez.
Vaunoy fit le geste d'essuyer une larme.
--Oui, reprit le vieillard en refoulant son émotion au-dedans de lui-même, vous êtes bon et loyal, j'ai confiance en vous et ma dernière heure sera tranquille.
Il se leva, traversa la salle d'un pas ferme et ouvrit un meuble scellé à ses armes.
--Voici un acte olographe, continua-t-il, que j'ai rédigé cette nuit, et qui vous confère la pleine propriété de tous les domaines de Treml.
Vaunoy sauta sur son siège. Ses yeux éblouis virent des millions d'étincelles. Tout son sang se précipita vers sa joue. M. de La Tremlays, occupé à déplier le parchemin, ne prit point garde à ce mouvement de trop franche allégresse.
Il continua.
--Sans vous mettre dans mon secret, qui appartient à la Bretagne, je puis vous dire que mon entreprise m'expose à une accusation de lèse-majesté. Ce crime, car ils nomment cela un crime! entra?ne non seulement la mort, mais la confiscation de tous les biens de l'accusé. Il faut que l'héritage de Georges Treml soit à l'abri de cette chance, et je vous ai choisi pour dépositaire de la fortune de mon petit-fils.
Vaunoy n'eut point la force de répondre, tant sa cervelle était bouleversée par cet événement inattendu. Il mit seulement la main sur son coeur et darda au plafond son regard hypocrite.
--Acceptez-vous? demanda Nicolas Treml.
--Si j'accepte! s'écria Vaunoy retrouvant à propos la parole. Ah! mon cousin, voici donc venue l'occasion de vous témoigner ma gratitude. Si j'accepte! Saint-Dieu! vous me le demandez!
Il prit à deux mains celles du vieillard.
--Merci, merci, mon noble cousin! continua-t-il avec effusion; je prends le ciel à témoin que votre confiance est bien placée!
Loup, le chien favori de M. de La Tremlays, interrompit à ce moment Vaunoy par un grognement sourd et prolongé. Ensuite il quitta le coussin où il avait passé la nuit et vint se placer entre son ma?tre et Hervé, sur lequel il fixa ses yeux fauves.
Vaunoy recula instinctivement.
--Loup et Jean Blanc! pensa le vieillard qui n'était pas pour rien breton de bonne race et gardait au fond de son coeur cette corde qui vibre si aisément dans les poitrines armoricaines, la superstition. C'est singulier! le chien et l'innocent se rencontrent pour détester monsieur mon cousin!
Il hésita un instant, et fut tenté peut-être de serrer le parchemin, mais la voix de ce qu'il appelait son devoir le poussait en avant. Il écarta du pied Loup avec rudesse et remit l'acte entre les mains de Vaunoy.
--Dieu vous voit, dit-il, et Dieu punit les tra?tres. Vous voici souverain ma?tre de la destinée de Treml.
Le chien, comme s'il e?t compris ce que ces paroles avaient de solennel, s'affaissa sur son coussin en hurlant plaintivement.
--Et maintenant, monsieur de Vaunoy, reprit Nicolas Treml, non par défiance de vous, mais parce que tout homme est mortel et que vous pourriez quitter ce monde sans avoir le temps de vous reconna?tre, je vous demande une garantie.
--Tout ce que vous voudrez mon cousin.
--écrivez donc, dit le vieillard en lui désignant la table où l'attendaient encore plume et parchemins.
Vaunoy s'assit, Treml dicta:
?Moi, Hervé de Vaunoy, je m'engage à remettre le domaine de La Tremlays, celui de Bou?xis-en-Forêt et leurs dépendances à tout descendant direct de Nicolas Treml qui me présentera cet écrit...?
--Monsieur mon cousin, interrompit Vaunoy, ceci pourrait donner des armes au fisc. Si vous êtes condamné coupable de lèse-majesté, cet acte sera naturellement suspect.
--écrivez toujours, ordonna Nicolas Treml.
Et il continua à dicter.
?... Cet écrit, accompagné de la somme de cent mille livres, prix de la vente desdits domaines et dépendances.?
--Comme cela, monsieur, reprit le vieillard, le fisc n'aura rien à reprendre. Cent mille livres forment un prix sérieux quoique bien au-dessous de la valeur des domaines.
Vaunoy demeura pensif. Au bout de quelques secondes, il déplia le parchemin que lui avait remis d'abord M. de La Tremlays. C'était un acte de vente en due forme. La ligne de ses sourcils, qui s'était légèrement plissée, se détendit tout à coup à cette vue.
--Allons, dit-il, tout est pour le mieux, puisque telle est votre volonté. Dieu m'est témoin que je souhaite du fond du coeur que ces paperasses deviennent bient?t inutiles par votre heureux retour.
--Souhaitez-le, mon cousin, dit le vieillard en hochant la tête, mais ne l'espérez pas. Veuillez signer et parapher votre engagement.
Vaunoy signa et parapha. Puis chacun des deux cousins mit son parchemin dans sa poche.
--Je pense, reprit Vaunoy après un long silence pendant lequel Nicolas Treml s'était replongé dans sa rêverie, je pense que ces préparatifs n'annoncent point un départ subit?
Il pensait tout le contraire et ne se trompait point.
Sa voix éveilla en sursaut M. de La Tremlays qui se leva, repoussa violemment
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