Le loup blanc | Page 5

Paul H. C. Féval
pensif.
--C'est un pauvre insens��, se disait-il.
Mais son coeur se serrait de plus en plus, et lorsque la voix de Jean Blanc, se faisant de nouveau entendre, lui jeta, par-dessus les t��tes touffues de grands ch��nes, les notes lugubres de la complainte d'Arthur de Bretagne, le vieux gentilhomme eut froid �� l'ame et pronon?a en fr��missant le nom de son petit-fils.

II Le coffret de fer
Quand Nicolas Treml de La Tremlays franchit la grand'porte de son beau chateau, il faisait nuit noire. Il jeta la bride �� ses valets sans mot dire, monta le perron d'un air distrait et se rendit tout droit �� la chambre de son petit-fils.
Georges dormait. C'��tait un joli enfant blanc et rose, dont les cheveux blonds bouclaient gracieusement sur les broderies de l'oreiller. Sans doute un doux songe visitait en ce moment son sommeil, car sa bouche s'entr'ouvrait en un charmant sourire, pendant que ses petites mains s'agitaient et semblaient soutenir une lutte de caresses.
Quand les enfants s'��battent ainsi en de joyeux r��ves, les bonnes gens de Rennes disent qu'ils _rient aux anges_; pens��e charmante et po��tique, �� coup s?r.
Mais en Bretagne tout ce qui est po��tique et charmant tourne bien vite �� la m��lancolie: on regarde cette joie du sommeil comme un pr��sage de mort. L'enfant rit aux anges, parce que les anges de Dieu sont l�� autour de son chevet, pour emporter son ame au ciel.
Nicolas Treml se pencha sur la couche de son petit-fils. Sa l��vre barbue toucha la joue de l'enfant qui ne s'��veilla point.
--Arthur de Bretagne! murmura le vieux gentilhomme qui ne pouvait oublier les paroles de Jean Blanc; si le dernier rejeton de ma race allait ��tre sacrifi��!... Mais non cet homme est un fou, et mon cousin de Vaunoy ne ressemble pas plus �� l'Anglais Jean sans Terre qu'un chien fid��le ne ressemble �� un loup!
Il s'assit aupr��s du chevet de Georges et rendit son esprit �� l'id��e fixe qu'il poursuivait.
M. de La Tremlays, puissamment riche et noble, comme nous l'avons dit, avait perdu son fils unique deux ans auparavant. Ce fils, qui avait nom Jacques Treml et qui ��tait p��re de Georges, avait ��t�� de son vivant un homme fort et brave; Nicolas Treml lui avait inculqu�� de bonne heure sa haine contre la France, son amour pour la Bretagne, deux sentiments qui, chez lui, affectaient tous les caract��res de la passion.
La mort de Jacques fut pour le vieux gentilhomme un coup cruel. Ce n'��tait pas seulement un fils, c'��tait l'h��ritier de ses croyances qui descendait dans la tombe.
Il se sentait vieillir. Aurait-il le temps d'inoculer �� Georges sa haine et son amour?
Les vieux souverains, �� qui Dieu retire le fils qui devait continuer leur oeuvre politique laborieusement commenc��e, regardent avec d��sespoir le berceau du fils de leur fils.
Cet enfant mettra vingt ans �� se faire homme, et il ne faut qu'un jour pour voir crouler une dynastie.
Nicolas Treml n'��tait pas roi, mais il se regardait comme le dernier repr��sentant d'une pens��e vaincue qui pouvait �� son tour remporter la victoire. Jacques ��tait son bras droit, son successeur, un autre lui-m��me; Georges n'��tait qu'un enfant.
Au lieu d'une arme �� l'��preuve, Nicolas Treml n'avait plus qu'un faible roseau dans la main.
Il y avait de par la province de Bretagne une famille pauvre et de noblesse douteuse qui se pr��tendait branche de Treml et ajoutait ce nom au sien propre. Avant la mort de Jacques, M. de La Tremlays avait intent�� �� cette famille de Vaunoy un proc��s, pour la contraindre �� se d��sister de toute pr��tention au nom de Treml.
Le proc��s ��tait pendant, et, suivant toute apparence, le parlement de Rennes allait condamner les Vaunoy lorsque Jacques mourut. Ce fatal ��v��nement sembla changer subitement les desseins de M. de La Tremlays. Il arr��ta l'action pendante au parlement de Rennes et invita Herv�� de Vaunoy, l'a?n�� de la famille, �� se rendre aussit?t pr��s de lui. Celui-ci n'eut garde de refuser l'invitation.
Il traversa la for��t mont�� sur un pi��tre cheval de labour. Arriv�� sur la lisi��re qui touchait le domaine de Treml et les futaies de Bou?xis, il ?ta respectueusement son feutre et salua toutes ces richesses, pendant qu'un sourire relevait les coins de ses l��vres sous les crocs fauves de sa moustache.
Herv�� de Vaunoy pouvait avoir alors quarante ans. C'��tait un petit homme replet, �� chevelure roussatre, dont les exub��rants anneaux encadraient un visage souriant et d'expression d��bonnaire. Ses yeux disparaissaient presque sous les longs poils de ses sourcils; mais ce qu'on en voyait ��tait fort avenant et cadrait au mieux avec la fra?cheur vermeille de ses joues.
En somme, il avait l'air du meilleur vivant qui f?t au monde, et il ��tait impossible de le voir une seule fois sans se dire: voil�� un excellent petit homme!
La seconde fois, on ne disait rien du tout.
La troisi��me, on pensait �� part
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