jardin des ballades et des contes. Les chansons populaires ont laissé dans sa mémoire des refrains qu'il mêle à de petits poèmes qui en sont le commentaire ou le rêve:
Où est la Marguerite,
O gué, ? gué,
Où est la Marguerite?
Elle est dans son chateau, coeur las et fatigué,?Elle est dans son hameau, coeur enfantile et gai,?Elle est dans son tombeau, semons-y du muguet,
O gué, la Marguerite.
Et cela est presque aussi pur que les Cydalises de Gérard de Nerval,
Où sont nos amoureuses??Elles sont au tombeau;?Elles sont plus heureuses?Dans un séjour plus beau....
Et presque aussi innocemment cruel que cette ronde que chantent--et que dansent--les petites filles.
La beauté, à quoi sert-elle??Elle sert à aller en terre,?être mangée par les vers,?être mangée par les vers....
M. Vielé-Griffin n'a usé que discrètement de la poésie populaire--cette poésie de si peu d'art qu'elle semble incréée--mais il e?t été moins discret qu'il n'en e?t pas mésusé, car il en a le sentiment et le respect. D'autres poètes ont malheureusement été moins prudents et ils ont cueilli la rose-qui-parle avec de si maladroites ou de si grossières mains qu'on souhaiterait qu'un éternel silence e?t été conjuré autour d'un trésor maintenant souillé et vilipendé.
Comme la forêt, la mer enchante et enivre M. Vielé-Griffin; il l'a dite toute en ses premiers vers, cette déjà lointaine Cueille d'Avril, la mer dévoratrice, insatiable, gouffre et tombe, la mer sauvage à la houle orgueilleuse et triomphale, la mer lascive aux voluptueuses vagues, la mer furieuse, la mer insoucieuse, la mer tenace et muette, la mer envieuse et qui se farde d'étoiles ou de soleils, d'aurores ou de minuits,--et le poète lui reproche sa gloire volée:
Ne sens-tu pas en toi l'opulence de n'être?Que pour toi seule belle, ? Mer, et d'être toi?
puis il proclame sa fierté de n'avoir pas suivi l'exemple de la mer, de n'avoir pas demandé la gloire à d'heureuses réminiscences, à de hardis plagiats. Il faut reconna?tre que M. Vielé-Griffin, qui ne mentait déjà pas, s'est tenu parole depuis; il est bien demeuré lui-même, vraiment libre, vraiment fier et vraiment farouche. Sa forêt n'est pas illimitée, mais ce n'est pas une forêt banale, c'est un domaine.
Je ne parle pas de la part très importante qu'il a eue dans la difficile conquête du vers libre;--mon impression est plus générale et plus profonde, et doit s'entendre non seulement de la forme, mais de l'essence de son art: il y a, par Francis Vielé-Griffin, quelque chose de nouveau dans la poésie fran?aise.
STéPHANE MALLARMé
Avec Verlaine, M. Stéphane Mallarmé est le poète qui a eu l'influence la plus directe sur les poètes d'aujourd'hui. Tous deux furent parnassiens et d'abord baudelairiens.
Per me si va tra la perduta gente.
Par eux on descend le long de la montagne triste jusqu'en la cité dolente des Fleurs du Mal. Toute la littérature actuelle et surtout celle que l'on appelle symboliste, est baudelairienne, non sans doute par la technique extérieure, mais par la technique interne et spirituelle, par le sens du mystère; par le souci d'écouter ce que disent les choses, par le désir de correspondre, d'ame à ame, avec l'obscure pensée répandue dans la nuit du monde, selon ces vers si souvent dits et redits:
La nature est un temple où de vivants piliers?Laissent parfois sortir de confuses paroles;?L'homme y passe à travers des forêts de symboles?Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent?Dans une ténébreuse et profonde unité,?Vaste comme la nuit et comme la clarté,?Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Avant de mourir, Baudelaire avait lu les premiers vers de Mallarmé; il s'en inquiéta; les poètes n'aiment pas à laisser derrière eux un frère ou un fils; ils se voudraient seuls et que leur génie pér?t avec leur cerveau. Mais M. Mallarmé ne fut baudelairien que par filiation; son originalité si précieuse s'affirma vite; ses Proses, son Après-midi d'un Faune, ses Sonnets vinrent dire, à de trop loins intervalles, la merveilleuse subtilité de son génie patient, dédaigneux, impérieusement doux. Ayant tué volontairement en lui la spontanéité de l'être impressionnable, les dons de l'artiste remplacèrent peu à peu en lui les dons du poète; il aima les mots pour leur sens possible plus que pour leur sens vrai et il les combina en des mosa?ques d'une simplicité raffinée. On a bien dit de lui qu'il était un auteur difficile, comme Perse ou Martial. Oui, et pareil à l'homme d'Andersen qui tissait d'invisibles fils, M. Mallarmé assemble des gemmes colorées par son rêve et dont notre soin n'arrive pas toujours à deviner l'éclat. Mais il serait absurde de
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