de salubrité publique; l'air
et le soleil ne pénétrant plus dans les rues de Rome bâties en
encorbellement, elles étaient devenues presque inhabitables. C'est égal,
ce n'était pas une raison pour l'incendier, et les forfaits de l'exécrable
Néron, malgré ses apologistes, feront toujours frissonner d'horreur. Il
est certain qu'à Vannes il y a quelques rues où l'on peut se parler à voix
basse du rez-de-chaussée, se prendre la main du premier, et s'embrasser
du second.
La capitale des Venètes s'enorgueillit aussi de deux affreuses têtes
sculptées en bois, à l'angle d'une vieille maison, et qu'on ne manque
jamais de faire remarquer aux étrangers. Ces deux vilaines figures
s'appellent Vannes et sa femme. Y a-t-il une légende, je l'ignore; en
tous cas, je ne vois rien d'intéressant ni dans l'ancienneté de ces bustes
informes, ni dans la cicatrice plus récente qui traverse leur visage
balafré une nuit par le sabre de jeunes officiers en trop belle humeur.
Cela fit grand bruit (on s'en souvient encore), et les bons Vannetais,
habitués à vénérer leurs magots, furent fort scandalisés de ce procédé
trop leste... L'édilité elle-même s'inquiéta de quelques réverbères cassés
par les mêmes sabres oisifs, et les arrêts de rigueur furent la digne
récompense de ces joyeusetés.
On voit encore quelques vieilles portes du temps des fortifications,
entre autres la porte Saint-Vincent, dans le couronnement de laquelle
on a niché le saint. Celui-ci le bras étendu et la main levée comme pour
imposer silence, semble commander aux flots débordés qui menacent
d'engloutir la ville. La mer se retira bientôt, et c'est pour perpétuer le
souvenir de ce miracle que l'on a placé la statue de Ferrier à la grande
porte qui ouvre devant le port même. Sans doute, l'intention était bonne,
le sujet bien choisi, fait pour inspirer, et cependant l'art n'a rien à revoir
ici, car l'artiste étant détestable s'est montré bien au-dessous de son
sujet dans cette grossière sculpture, enluminée et bariolée des couleurs
les plus criardes et du plus mauvais goût.
Revenons aux oeuvres de la belle nature: nous avons traversé la
Garenne, charmante promenade en terrasses, dont chacune est plantée
d'arbres d'essences différentes, et qui domine à gauche les hauts murs
d'autrefois. À leurs pieds serpente un frais ruisseau qui murmure sa
douce chanson et remplace avantageusement l'eau noire des fossés
profonds. Il serait ravissant, s'il n'était le rendez-vous des lavandières
qui, l'émaillant un peu trop de leur parole et de leur linge, lui ôtent tout
charme et toute poésie. De là, nous nous sommes dirigés vers la
préfecture, qu'on nous a autorisés à visiter. C'est un bel édifice qui
coûte cher, les contribuables en savent quelque chose; mais ce qu'on va
admirer, c'est moins le monument en lui-même que le parc qui l'entoure
où l'art et la nature, rivalisent à qui mieux mieux; ou plutôt l'art a trouvé
à son service une nature riche, féconde, pittoresque, qu'il a façonnée
sans peine à tous ses élégants caprices, à toutes ses heureuses
inspirations. Nous avons commencé par la serre, vrai palais de cristal,
temple de fleurs à faire rêver des tropiques, garni de divans, de nattes,
qui permettent aux élus de ce lieu charmant de s'enivrer tout à l'aise de
parfums et de soleil.
Nous avons ensuite circulé dans de vastes allées bordées de grands
arbres, de massifs de fleurs ou d'arbustes, et découpant gracieusement
la croupe vallonnée des pelouses. Une rivière, décrivant mille
arabesques, ici ruisseau qui soupire, là torrent qui gronde, enchâsse
dans son écrin liquide les joyaux de Flore. Des ponts suspendus, des
passerelles légères, brillant de loin comme des rubans d'or, enlacent ces
rives fleuries... Ouf! quel lyrisme, j'en suis tout étonnée; serais-je une
descendante de l'hôtel de Rambouillet? Assurément la belle Julie
d'Angennes n'eût pas mieux dit.
Enfin, un bois majestueux couronne ce beau domaine, comme un
diadème posé sur la tête d'un roi. Le temps change tout ce qu'il ne
détruit pas. Jadis ces vastes jardins dépendaient d'une abbaye, et l'on
découvre encore aujourd'hui, cachés dans l'herbe, à l'ombre des chênes
séculaires, des granits longs et étroits, ayant toute l'apparence de pierres
tombales, des caractères dévorés par les mousses s'y devinent aussi.
Sans doute, de pieux abbés, les supérieurs peut-être, ont voulu
demeurer après la mort dans le saint asile qui les avait abrités pendant
la vie. Ce bois ombreux surplombe une grotte légendaire, un chaos où
l'on voit à cent pieds de haut des rochers s'escaladant les uns les autres
à faire rêver à l'ascension des géants de la Fable. Tous ces blocs sont
revêtus d'arbres, de plantes folles, de lianes flexibles, s'enlaçant de la
base à la cime, dans un fouillis inextricable. Au pied de ce mamelon
désordonné, deux fontaines mystérieuses épandent leurs eaux limpides
qui semblent sortir du rocher même; oui, mystérieuses, car ces quartiers
de granit, qui paraissent à peine dégrossis,
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.