faut carottes et navets; que les carottes soient d'un beau rouge et les navets blancs comme neige.
L�� dessus, mon oncle installe dans ses coupes une pyramide de carottes rouges, une pyramide de navets blancs, une pyramide d'oignons en robes de soie saumon, le tout discr��tement voil�� de mousse, aussi verte que fra?che, aussi fra?che que verte. Quant �� la pyramide de pommes ros��es, il se contenta de les saupoudrer de mousse. Ah! celles-l�� se montraient dans tout leur ��clat.
?Vous mettrez une grosse moche de beurre en face d'un grand pot de confiture, et le dessert sera complet, le tout arros�� du bon vin de derri��re les fagots et vous verrez que nos convives se l��cheront les doigts jusqu'aux coudes et auront fait un festin des dieux.
Ce qui fut dit, fut fait.
Pendant le d?ner trois des coupes improvis��es intrigu��rent fort les convives qui se demandaient in-petto quels pouvaient bien ��tre ces beaux fruits qui leur paraissaient tout �� fait inconnus.
Il n'y eut qu'�� la fin du repas que mon oncle avoua sa supercherie, ce qui finit d'achever d'��gayer ses h?tes et les obligea �� rendre hommage �� son ing��niosit��.
On but �� la sant�� de mon oncle, �� la sant�� des chasseurs et ceux-ci, savourant devant un bon feu un cigare exquis et un verre de fine Champagne, d��clar��rent qu'ils ��taient les plus heureux des hommes et que tout ��tait pour le mieux, dans le meilleur des mondes.
Le 21 ao?t.
La messe au camp de Meucon m'a vivement impressionn��e, je n'avais jamais vu pareil spectacle. Cette c��r��monie a ��t�� imposante et l'office entendu en plein air, sur une lande sauvage, avait un cachet grandiose qui saisissait l'ame plus encore peut-��tre que tous les offices des plus belles ��glises. Les commandements militaires, la fanfare sonore des trompettes, et la voix profonde du canon r��pondant seuls �� la parole du pr��tre qui s'��levait douce et forte au milieu de ces troupes silencieuses, inspiraient au plus haut point la Foi et le recueillement. �� l'issue de la messe, les manoeuvres ont ��t�� parfaitement ex��cut��es et apr��s force saluts ��chang��s avec les officiers, le g��n��ral et Monseigneur, nous avons parcouru le camp. Les tentes des officiers nous ont sembl�� suffisamment confortables, et la soupe du soldat, tr��s app��tissante par la bonne odeur qui s'��chappait des marmites.
Le 22 ao?t.
Nous venons de faire une charmante promenade en mer. D'abord, nous passons la barre �� Port-Navalo et tous les coeurs se comportent bien. Nous apercevons �� gauche les immenses sables de la presqu'?le de Quiberon, dor��s par le soleil et qui rayent la mer d'un ruban ��tincelant; �� droite, les deux ?les d'Hoedic et de Houat, apparaissant comme deux points dans l'infini. L'?le d'Hoedic est de peu d'importance, mais l'?le de Houat, qui appartint jadis aux moines de Rhuys et qui fut �� diff��rentes ��poques prise par les Anglais, est plus consid��rable; elle a un fort pour la d��fendre. La petite garnison appel��e �� vivre sur ce rocher sauvage, loin de toutes les ressources de la civilisation, se trouve v��ritablement comme en exil, et cependant l'?le de Houat est fort int��ressante �� ��tudier, au moins quelques jours.
C'est une petite r��publique dans la grande, mais qui pourrait donner le bon exemple �� celle-ci, car elle se gouverne �� la mode des abeilles, toujours soumises �� leur reine. Ici, le Roi ou le Pr��sident--comme on voudra--c'est le cur��, qui cumule les fonctions de maire, juge de paix, entreposeur des tabacs et des boissons, et tout n'en va que mieux. J'engage nos libres-penseurs, qui se croiraient d��shonor��s de saluer un pr��tre, �� venir vivre pendant quinze jours seulement sous l'administration de cet excellent pasteur; s'ils sont de bonne foi, ils nous diront ensuite quel est le joug pr��f��rable: ou de celui du cur�� �� l'autorit�� douce et paternelle, ou de celui des fr��res et amis aux fureurs communardes!
Mon oncle, qui a conduit bien des amis �� l'?le de Houat, nous a encore signal�� une particularit�� de ce curieux pays, le d��barquement des vaches qui viennent du continent. Ces quadrup��des sont enlev��s par un palan muni de fortes sangles emprisonnant leur corps. Pauvres vaches! rien ne peut rendre leur stupeur lorsqu'elles se sentent soulev��es en l'air, leurs quatre pattes se raidissent, leurs yeux b��tes sortent de leur orbite, heureusement que l'op��ration n'est pas longue, elles ne tardent pas �� toucher terre et �� reprendre possession de leur plancher.
Apr��s cette petite digression, continuons notre route car nous allons d��jeuner �� M��aban, une ?le inhabit��e des hommes, mais toute peupl��e de moutons et de lapins qui se r��galent �� belles dents du thym sauvage et du serpolet parfum�� qui tapissent ce roc perdu dans les flots. Nous allions... mais l'homme propose et l'Oc��an dispose... Soudain, un nuage noir s'est lev�� �� l'horizon et semble courir vers nous; des troupes de courlis tourbillonnent sur les vagues, de
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