Le journal dune pensionnaire en vacances | Page 6

Noémie Dondel Du Faouëdic
la vertu s'isolait dans l'ombre, et le vice s'��talait au grand jour. C'est aussi de l'autre c?t�� du haut mur qui ferme cet enclos et le s��pare du grand escalier de la Garenne, qu'eurent lieu les fusillades r��publicaines, et malgr�� les ann��es ��coul��es, malgr�� la splendeur du lieu, la pens��e s'assombrit profond��ment aux souvenirs de tant de jeunes victimes, venues une �� une pr��senter leur coeur noble et g��n��reux aux balles fratricides, et ��crire avec leur sang la derni��re page de ce drame affreux, qu'on nomme la d��route de Quiberon.
Un de mes grands oncles fut aussi fusill�� ici, peut-��tre �� cette m��me place o�� je me prom��ne insoucieuse et tranquille...
L'��tablissement des J��suites, masqu�� par de vieilles bicoques du temps pass��, n'a aucune apparence ext��rieure, mais, d��s qu'on a p��n��tr�� intra muros, comme dit mon fr��re Henri, l'impression change compl��tement.
La chapelle, vaste comme une ��glise, est d'un aspect assez original; avec ses grandes fen��tres, ses colonnes sveltes et ��lanc��es, ses galeries �� jour, elle a quelque chose de particuli��rement oriental, qui ne d��pla?t pas, mais qui ��tonne au premier abord; aussi, j'esp��re que ces grandes fen��tres s'enrichiront plus tard de vitraux de couleur, ce qui harmonisera la lumi��re et tout l'ensemble, un peu trop blanc et neuf. La tribune r��serv��e aux dames, plac��e en face du choeur, garnie de banquettes en maroquin rouge, est fort ��l��gante et ne laisse rien �� d��sirer. Tout l'��tablissement est taill�� en grand comme la chapelle. Vastes les parloirs superbes comme des salles de r��ceptions; vastes les dortoirs, o�� chaque ��l��ve a comme sa chambrette �� lui; vaste la lingerie encore, o�� tous les bons fr��res besognent de leur mieux, pliant, repassant et raccommodant les effets de toutes sortes, car pas une seule femme n'est attach��e �� cet immense ��tablissement. On parcourt ensuite des salles appropri��es �� tous les besoins: salle de th��atre, salle de gymnase, salle de physique, les ��tudes et les classes. Il ne faut pas non plus oublier le r��fectoire o�� les montagnes de petits pains dor��s, qui se chiffrent par centaines au d��jeuner comme au go?ter, all��cheraient les plus difficiles. Qu'est-ce alors des robustes app��tits de coll��giens? Ils les d��vorent.
Les jardins ne sont pas moins agr��ables �� visiter, renfermant tout ce qui en fait le charme: serre pimpante, o�� les oiseaux m��me viennent gazouiller; pelouses fines et soyeuses, fleurs embaum��es, grands arbres, pi��ce d'eau poissonneuse et, enfin, l��gumes et fruits en abondance, ce qui n'est point �� d��daigner dans ce grand Gargantua de coll��ge.
Nous avons termin�� cette journ��e, si bien remplie, par le Mus��e, peut-��tre unique en son genre, et qui pique vivement la curiosit�� des profanes et l'int��r��t des savants.
C'est dans la tour du Conn��table (rest��e seule debout pour nous rappeler l'ancienne demeure des ducs de Bretagne �� Vannes, le chateau de l'Hermine dont elle faisait partie), et le lieu est bien choisi, qu'on a group�� tant de vestiges des si��cles antiques, tant de d��bris druidiques, celtiques, gaulois retrouv��s �� diff��rentes ��poques dans le sein de cette terre bretonne, si f��conde en souvenirs qu'ils semblent ne devoir jamais s'��puiser.
Nous quittons Vannes fort tard.
�� onze heures du soir, nous entrevoyons le chateau de Kergonano dont nous allons ��tre les h?tes. Ses ailes avanc��es, sa grosse tour, carr��e au centre, couronn��e d'une horloge et d'un belv��d��re d'o�� l'on compte le jour neuf clochers, et la nuit autant de phares, prennent des proportions aussi ��tendues qu'ind��cises.
C'est �� partir de demain que nous allons commencer la s��rie des promenades et parties �� pied, �� cheval, en voiture, en bateau. Tous les genres de locomotion, enfin. Il ne manque plus qu'un l��ger ballon captif pour tenter une petite excursion dans les airs, et mon oncle est si bon, si aimable, que je suis presque dispos��e �� le lui demander. Nos chers parents sont infatigables quand il s'agit de nous amuser, et rien ne leur co?te pour varier nos plaisirs. Nulle part on ne pourrait rencontrer meilleur accueil.

Le 18 ao?t.
Kergonano est une tr��s belle propri��t��; mon oncle, qui est plus matinal que ma tante, est venu nous chercher de bonne heure pour nous faire parcourir ses domaines. Nous avons admir�� le jardin potager rempli de bons l��gumes et de beaux fruits. C'est le c?t�� pratique du jardinage, les parterres ne sont que le superflu, a dit mon oncle et il a ajout��: Les brillantes couleurs et les doux parfums font toujours plaisir aux dames, et c'est en ma qualit�� de bon mari que j'ai ��maill�� le parc de massifs d'arbustes et de corbeilles de fleurs, pour plaire �� votre tante.
Le parc est fort grand, compos�� de bois superbes, de vastes pelouses, d'une petite pi��ce d'eau de forme ronde et qu'on nomme pour cela le Rondeau; nous avons admir�� un c��dre, plant�� le jour m��me de la naissance d'une soeur de mon oncle qui dit en riant: ?Ma
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