Le grillon du foyer | Page 4

Charles Dickens
joli rire que vous ayez entendu. Quel cher vieux lourdaud vous faites, John.
Sans contester cette assertion, John sortit pour veiller à ce que le valet de ferme, qui allait et venait dans la cour avec sa lanterne, comme un feu follet, pr?t bien soin du cheval, lequel était plus gras que vous ne voudriez le croire, si je vous donnais la mesure, et si vieux que le jour de la naissance se perdait dans les ténèbres de l'antiquité. Boxer, pensant que ses attentions étaient dues à toute la famille, et devaient être distribuées avec impartialité courait ?à et là avec une agitation étonnante; tant?t il décrivait des cercles en aboyant autour du cheval, pendant qu'on le menait à l'écurie; tant?t il feignait de s'élancer comme un furieux sur sa ma?tresse, et puis il s'arrêtait tout à coup, tant?t approchant son nez humide il faisait un baiser à Tilly Slowbody assise sur une chaise basse près du feu; tant?t il montrait une amitié incommode pour le baby, tant?t après plusieurs tours sur lui-même il se couchait près du foyer, comme s'il allait s'établir là pour la nuit; tant?t il s'élan?ait dans la cour en agitant son tron?on de queue, comme s'il allait remplir une commission dont il se souvenait à l'instant.
-- Voilà la théière toute prête sur la table, dit Dot, aussi occupée qu'une petite fille qui joue au ménage. Voici le jambon, voilà le beurre, voilà le pain et le reste. Tenez, John, voilà un panier pour mettre les petits paquets, si vous en avez... Mais où êtes-vous. John! Tilly, ne laissez pas tomber l'enfant dans le cendrier, quoi que vous fassiez.
Il faut noter que miss Slowbody, quoique cette recommandation la f?t regimber, avait un talent rare et surprenant pour mettre en danger la vie de cet enfant. Elle était maigre et petite de taille, de sorte que ses vêtements avaient toujours l'air de l'abandonner. Comme tout excitait son admiration, et principalement les bonnes qualités de sa ma?tresse, et les perfections de l'enfant, les bévues de miss Slowbody faisaient honneur à son coeur, si elles n'en faisaient pas à son esprit. Si elle mettait la tête de baby trop souvent en contact avec les portes d'armoires, les rampes d'escalier, ou les colonnes de lit, c'est qu'elle ne pouvait pas revenir de sa surprise d'être si bien traitée dans la maison où elle était. Il faut savoir que le père et la mère Slowbody étaient des êtres parfaitement inconnus, et que Tilly avait été nourrie et élevée à l'hospice. L'on sait que les enfants trouvés ne sont pas des enfants gatés.
Si vous aviez vu la petite mistress Peerybingle revenir avec son mari, faisant de grands efforts pour soutenir les corbeilles, efforts parfaitement inutiles, car son mari la portait à lui tout seul, vous vous seriez bien amusé, et il s'amusait bien aussi. Je ne sais si le Grillon n'y trouvait pas également du plaisir, car il se mit à chanter de plus belle.
-- Ah! ah! dit John, en s'avan?ant lentement; il est plus gai que jamais ce soir.
-- C'est un heureux présage, John: cela a toujours été. Il n'y a rien de plus fait pour porter bonheur que d'avoir un grillon dons le foyer.
John la regarda comme si ses paroles faisaient na?tre dans sa tête la pensée que c'était elle qui était son grillon qui porte bonheur, et tout en convenant avec elle de l'heureux présage du Grillon, il n'expliqua pas davantage sa pensée.
-- La première fois que j'ai entendu son chant, dit-elle, c'est le soir que vous m'amenates ici, que vous v?ntes m'installer ici avec vous dans ma nouvelle maison, dont vous me faisiez la petite ma?tresse. Il y a près d'un an de cela. Vous en souvenez-vous, John.
Oh oui. John s'en souvenait bien, je pense.
-- Le chant du Grillon me souhaita la bienvenue. Il semblait si plein de promesses et d'encouragements. Il semblait me dire que vous seriez bon et gentil avec moi; que vous ne vous attendiez pas -- je le craignais, John -- à trouver une tête de femme agée sur les épaules de votre jeune épouse si légère.
John lui appuya la main sur l'épaule et sur la tête, comme s'il voulait lui dire: Non, non! je ne me suis pas attendu à cela; j'ai été parfaitement content de ce que j'ai trouvé. Et il avait vraiment raison. Tout allait pour le mieux.
-- Et tout ce que semblait chanter le grillon s'est vérifié; car vous avez été toujours pour moi le meilleur, le plus affectueux des maris. Notre maison a été heureuse, John; et c'est ce qui m'a fait aimer le Grillon.
-- Et moi aussi! moi aussi, Dot!
-- Je l'aime pour son chant qui fait na?tre en moi ces douces pensées. Quelquefois, à l'heure du crépuscule, lorsque je me sentais solitaire et triste, John, -- avant que
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