qu'au bout de quelques instants que son fils parvint à la rassurer. Pendant ce temps-là, les noirs, qui n'étaient autres que des esclaves fugitifs, restèrent immobiles et silencieux. L'effroi de la vieille dame s'étant dissipé ils demandèrent si M. Edwin Coppie, sur l'assistance et l'hospitalité duquel on leur avait dit qu'ils pourraient compter, n'était pas là?
?--C'est moi, dit Edwin, et je ne tromperai pas vos espérances.
?Puis il les conduisit dans une chambre confortable, où il leur apporta du pain, de la viande et du café. Les nègres se restaurèrent, et, quelques minutes après, tous, excepté leur guide, un mulatre, dormaient d'un profond sommeil, étendus sur le plancher.
?Cet homme raconta les aventures de sa petite caravane, composée d'esclaves du Bas-Missouri. Ses compagnons et lui arrivaient, dit-il, après avoir voyagé toutes les nuits pendant deux semaines. La veille, ils avaient traversé une petite rivière qui charriait des gla?ons, et dont les eaux étaient tellement accrues qu'elles étaient devenues presque un fleuve.
?--Quand nous nous sommes enfuis, continua-t-il, nous venions d'être vendus, j'allais être emmené loin de l'état du Missouri, alors que j'étais sur le point de me marier et que ma prétendue était condamnée à rester dans cet état.
?--Mais, observa Coppie, vous vous êtes séparé de votre fiancée pour vous sauver?
?--J'espère bien, répondit-il, qu'elle sera avec moi aussit?t que je le voudrai.
?Et son visage s'anima d'une expression singulière.
?Les fugitifs ayant pris quelque repos, le guide, qui se nommait Shield Green, les éveilla pour qu'ils continuassent leur route. On était à leur poursuite. Edwin Coppie leur donna une voiture, et ils s'acheminèrent vers le Canada. Peu de temps après leur départ arrivèrent huit hommes à cheval. Ils étaient armés de carabines, pistolets, couteaux, et suivis d'un limier qui avait traqué les pauvres évadés jusqu'à cette distance. Il n'était pas encore jour quand ces chasseurs de chair humaine firent halte chez Coppie et reprirent la trace des fuyards. Un domestique de la maison, qui connaissait mieux le pays que les premiers, fut dépêché en toute hate, par Edwin, afin de prévenir les malheureux nègres.
?Pour ceux qui se figureraient la position des poursuivants et des poursuivis, ce fut une journée d'inquiétude et de souhaits fervents. On craignait que les fugitifs ne fussent rattrapés. Ces pauvres gens ignoraient que les traqueurs fussent si près d'eux. Vers midi, ils s'arrêtèrent pour d?ner. Mais, comme ils se mettaient à table, le messager, qui devait leur donner l'alarme, atteignit l'auberge où ils s'étaient arrêtés.
?Aussit?t, ils se remirent en marche. Vers deux heures, Coppie les rejoignit lui-même, par des chemins détournés, et leur proposa de les mener au Canada. Les nègres acceptèrent avec joie cette obligeante proposition. Et Edwin se mit en tête de la bande qui se composait de toute une famille, nommée Coppeland, et du mulatre Green.
?Cependant leurs persécuteurs étaient toujours sur la piste. Descendant devant une maison suspecte, ils la forcèrent et la fouillèrent de la cave aux combles. Heureusement pour les noirs que là, ces ennemis de leur race firent une sieste, et rafra?chirent leurs chevaux.
?Les fugitifs gagnèrent de l'avance: ils se réfugièrent, vers le soir, dans une forêt de pins.
?Le limier flairant l'empreinte de leurs pas n'en reprit pas moins la piste. Déjà il s'approchait de la retraite où ces infortunées créatures se tenaient tapies; ses aboiements féroces faisaient retentir tous les échos de la forêt et déjà on entendait le galop des chevaux des chasseurs, quand Edwin, poussé par son ardent amour de l'humanité, se jeta sur le chien et lui enfon?a un couteau dans le coeur.
?La nuit était venue; étrangers à la contrée, les esclavagistes, n'entendant plus la voix de leur limier qui avait roulé mort sur le sol, craignirent de tomber dans une embuscade et tournèrent bride.
?Le lendemain et les jours suivants, ils recommencèrent la chasse avec un autre chien. Mais ce fut en vain. Conduits par le brave Edwin Coppie, les nègres parvinrent à gagner le Canada, où ils sont maintenant en s?reté.
?Au nombre des fugitifs, il en était un qui se faisait remarquer par sa réserve et la délicatesse de ses formes; l'étoffe de ses vêtements d'homme n'était pas d'une qualité ordinaire. Cet esclave était une femme. Certaines gens prétendent, et c'est notre avis positif, que c'était la fiancée du mulatre Shield Green, s'enfuyant au Canada pour s'y marier religieusement avec l'époux de son choix; mais les journaux du Sud et tous les partisans de l'esclavage voudraient faire croire que cette négresse, connue sous le nom de Bess Coppeland, entretenait des relations intimes avec Coppie. Cette odieuse calomnie retombera bient?t sur ceux qui l'ont forgée Nous engageons toutefois, nous qui avons le bonheur de parler dans un état libre, nous engageons l'excellent et courageux jeune homme à prendre des mesures pour échapper au ressentiment des odieux propriétaires d'esclaves. [1]?
[Note 1: Historique.]
Tandis que Coppie parcourait des yeux l'article du Saturday Visitor, Rebecca
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