des plus belles et des plus vastes maisons de la colonie.
Quelques heures apr��s les ��v��nements que nous avons rapport��s, deux personnes ��taient assises aupr��s d'un brasero dans un salon de cette habitation.
Dans ce salon, ��l��gamment meubl�� �� la fran?aise, un ��tranger, en soulevant la porti��re, aurait pu se croire transport�� au faubourg Saint-Germain: m��me luxe dans les tapisseries, m��me go?t dans le choix et l'arrangement des meubles. Rien n'y manquait, pas m��me un piano d'Erard charg�� de partitions d'op��ras chant��s �� Paris; et, comme pour mieux prouver que la gloire va loin et que le g��nie a des ailes, les romanciers et les po��tes �� la mode encombraient un gu��ridon de Boule. L�� tout rappelait la France et Paris; seul, le brasero d'argent, o�� achevaient de se consumer des noyaux d'olives, indiquait L'Espagne. Des lustres garnis de bougies roses ��clairaient cette magnifique retraite.
Don Luis Munoz et sa fille Linda ��taient assis aupr��s du brasero.
Dona Linda, ag��e de quinze ans �� peine, ��tait admirablement belle. L'arc de jais de ses sourcils, trac��s comme avec un pinceau, relevait la grace de son front un peu bas et d'une blancheur mate; ses grand yeux bleus et pensifs, frang��s de longs cils bruns, contrastaient harmonieusement avec ses cheveux d'un noir d'��b��ne qui se bouclaient autour d'un col d��licat, et o�� des jasmins odorants se mouraient de volupt��. Petite comme toutes les Espagnoles de race, sa taille cambr��e ��tait d'une finesse extr��me; jamais pieds plus mignons n'avaient foul��, en dansant, les pelouses buenos-ayriennes, jamais main plus d��licate n'��tait tomb��e dans la main d'un amoureux. Sa d��marche, nonchalante comme celle de toutes les cr��oles, avait je ne sais quels mouvements ondul��s pleins de d��sinvolture et de salero, comme on dit en Espagne.
Son costume, d'une charmante simplicit��, se composait d'un peignoir de cachemire blanc brod�� de larges fleurs en soie de couleurs vives, serr�� aux hanches par une torsade. Un voile de maline ��tait n��gligemment ajust�� sur ses ��paules. Ses pieds, emprisonn��s dans des bas de soie �� c?t��s, ��taient chauss��s de pantoufles naines roses et bord��es de duvet de cygne.
Dona Linda fumait un mince cigarillo de ma?s, tout en causant avec son p��re.
--Oui, p��re, disait-elle, aujourd'hui est arriv�� au Carmen un navire de Buenos-Ayres, charg�� des plus jolis oiseaux du monde.
--Eh bien! chica (petite)?
--Il me semble que mon cher petit p��re, fit-elle avec une admirable moue, n'est gu��re galant, ce soir.
--Qu'en savez-vous, mademoiselle? r��pondit don Luis en souriant.
--Comment! vrai! s'��cria-t-elle en bondissant de joie sur un fauteuil et en frappant ses mains l'une contre l'autre, vous auriez pens��?...
--A vous acheter des oiseaux? Vous verrez demain votre voli��re peupl��e de perruches, d'aras, de bengalis, de colibris, enfin plus de quatre cents, vilaine ingrate!
--Oh! que vous ��tes bon, mon p��re, et que je vous aime! reprit la jeune fille en jetant ses bras autour du cou de don Luis et en l'embrassant �� plusieurs reprises.
--Assez! assez! follette! Vas-tu m'��touffer avec tes caresses?
--Que faire pour reconna?tre vos pr��venances?
--Pauvre ch��re, je n'ai que toi �� aimer d��sormais.
--Dites donc �� adorer, mon excellent p��re, car c'est de l'adoration que vous avez pour moi. Aussi je vous aime de toutes les forces aimantes que Dieu a mises dans mon ame.
--Et pourtant, dit Luis d'un ton doux de reproche, tu ne crains pas, m��chante, de me causer des inqui��tudes.
--Moi? demanda Linda avec un tressaillement int��rieur.
--Oui, vous, vous, fit-il en la mena?ant tendrement du doigt. Tu me caches quelque chose.
--Mon p��re!
--Allez, ma fille, les yeux d'un p��re savent lire jusqu'au fond d'un coeur de quinze ans, et, depuis quelques jours, si je ne me trompe, je ne suis plus seul dans ta pens��e.
--C'est vrai, r��pondit la jeune fille avec une certaine r��solution.
--Et �� qui r��ves-tu ainsi, petite fille? dit don Luis en cachant son inqui��tude sous un sourire.
--A don Juan Perez.
--Ah? cria le p��re d'une voix ��trangl��e, et tu l'aimes?
--Moi? Non, r��pondit-elle. Ecoutez, mon p��re, je ne veux rien vous cacher. Non, continua-t-elle en posant la main sur son coeur, je n'aime pas don Juan Perez; cependant, il occupe ma pens��e; pourquoi? je ne saurais le dire; mais son regard me trouble et me fascine; sa voix me cause un sentiment de douleur ind��finissable. Cet homme est beau, ses mani��res sont ��l��gantes et nobles, il a tout d'un gentilhomme de haute caste, et pourtant quelque chose en lui, je ne sais quoi de fatal, me glace et m'inspire une r��pulsion invincible.
--T��te romanesque!
--Riez, moquez-vous de moi; mais, dit-elle avec un tremblement de voix, vous avouerai-je tout, mon p��re?
--Parle avec confiance.
--Eh bien! j'ai un pressentiment que cet homme me sera funeste.
--Enfant, reprit don Luis en lui baisant au front, que peut-il te faire?
--Je l'ignore, mais j'ai peur.
--Veux-tu que je ne le re?oive plus.
--Gardez-vous-en bien; ce serait hater le malheur qui me menace.
--Allons, tu perds la t��te et te plais �� te cr��er des chim��res.
Au m��me moment

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