Le fils du Soleil | Page 2

Gustave Aimard
afin de se reconna?tre, et, apr��s un moment d'h��sitation, il appuya sur la droite et prit une sente qui s'��loignait de plus en plus des rives du Rio-Colorado qu'il avait suivies jusque-l��. Il entra dans une plaine dont le sol, br?l�� par le soleil et parsem�� de petits cailloux roul��s ou de graviers, n'offrait �� la vue que de maigres buissons. Plus l'inconnu s'enfon?ait dans ce d��sert, plus la solitude d'allongeait dans sa morne majest��, et le bruit seul des pas de son cheval troublait le silence de la plaine. Le cavalier, peu sensible �� ces beaut��s sauvages, se contentait de reconna?tre avec soin et de compter les pozos, car dans ces pays absolument priv��s d'eau, les voyageurs ont creus��s des r��servoirs o�� l'eau s'amasse en temps de pluie.
Apr��s avoir pass�� deux de ces pozos, l'inconnu aper?ut au loin des chevaux entrav��s �� l'amble devant un mis��rable toldo. Aussit?t un cri retentit, et en moins d'une minute les chevaux furent d��tach��s; trois hommes saut��rent en selle et se pr��cipit��rent �� fond de train pour reconna?tre le voyageur qui, indiff��rent �� cette manoeuvre, continua sa route sans faire le moindre geste pour se mettre sur la d��fensive.
--Eh! compadre, o�� allez-vous ainsi? demanda l'un d'eux en barrant le passage �� l'inconnu.
--Canario! Julian, r��pondit celui-ci, as-tu donc vid�� une outre d'aguardiente ce soir? Tu ne me reconnais pas?
--Mais c'est la voix de Sanchez, si je ne me trompe.
--A moins qu'on ne m'ait vol�� ma voix, mon brave ami, c'est moi, le vrai Sanchez.
--Cara?! sois le bien venu s'��cri��rent les trois hommes.
--Le diable m'emporte si je ne te croyais pas tu�� par un de ces chiens d'Aucas; il y a dix minutes, j'en parlais �� Quinto.
--Oui, appuya Quinto, car voil�� huit jours que tu es disparu.
--Huit jours; mais je n'ai pas perdu mon temps.
--Tu nous contera tes prouesses.
--Pardieu! seulement nous avons faim, mon cheval et moi, apr��s deux jours de je?ne.
--Ce sera vite fait, dit Julian: nous voil�� arriv��s.
Les quatre amis, tout en causant, avaient continu�� leur route; en ce moment ils mirent pied �� terre devant le toldo, o�� ils entr��rent, apr��s avoir entrav�� les chevaux et mis de la nourriture devant celui du nouveau venu.
Ce toldo comme on le nomme dans le pays, ��tait une cabane de dix m��tres de long et de large, couverte en roseaux, construite avec des pieux fich��s en terre et reli��s par des courroies. Dans un coin quatre piquets, surmont��s de bancs de bois et de cuir, servaient de lit aux habitants de ce lieu, o�� il ��tait difficile de s'abriter contre le vent et la pluie.
Au milieu du toldo, devant un bon feu dont l'��paisse fum��e effa?ait presque tous les objets, chacun s'assit sur un caillou. Quinto retira un morceau de guanaco qui r?tissait et planta la broche en terre. Les quatre compagnons ?t��rent leur long couteau de leur polena et mang��rent de grand app��tit.
Ces hommes ��taient des bomberos.
Depuis la fondation du Carmen, derni��re forteresse de la colonie espagnole, on avait reconnu, �� cause du voisinage des Indiens, la n��cessit�� d'avoir des ��claireurs pour surveiller leurs mouvements et donner l'alerte au moindre danger. Ces ��claireurs forment un esp��ce de corps d'hommes, les plus braves et les plus habitu��s aux privations de la pampa. Quoique leurs services soient volontaires et leur profession p��rilleuse, les bomberos ne manquent pas, car on les paie g��n��reusement. Sentinelles perdues, embusqu��es aux endroits o�� les ennemis, c'est-��-dire les Indiens, doivent n��cessairement passer, ils s'��loignent quelquefois de vingt et vingt-cinq lieues de l'��tablissement. Nuit et jour ils vont �� travers les plaines, guettant, ��coutant, se cachant. Dispers��s le jour, ils se r��unissent au coucher du soleil, osant rarement allumer du feu qui trahiraient leur pr��sence, jamais ils ne dorment tous ensemble. Leur bivouac est un camp volant, leur chasse les nourrit. Ils sont �� cette vie ��trange et nomade; aussi y acqui��rent-ils une finesse d'ou?e presque ��gale �� celle des Indiens; les yeux exerc��s reconnaissent-ils la moindre trace sur l'herbe ou le sable l��g��rement foul��s. La solitude a d��velopp�� en eux une sagacit�� merveilleuse et un rare talent d'observation.
Les quatre bomberos r��unis dans le toldo ��taient les plus renomm��s de la Patagonie.
Ces pauvres diables soupaient gaiement en se chauffant devant un bon feu, joie rare pour des hommes entour��s de dangers et qui ont une surprise �� redouter �� toute heure. Mais les bomberos semblaient ne s'inqui��ter de rien, quoique sachant de les Indiens ne leur font jamais de quartier.
Le caract��re de ces hommes est singulier: courageux jusqu'�� la cruaut��, ils ne tiennent ni �� la vie des autres ni �� la leur; si l'un de leurs compagnons meurt victime d'un Indien ou d'une b��te f��roce, ils se contentent de dire: il a eu une mala suerte (mauvaise chance.) V��ritables sauvages, vivant sans affection et sans foi aucune, ils sont un type particulier
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