Le dernier des mohicans | Page 9

James Fenimore Cooper
une petite jument maigre �� tous crins, qui paissait un reste d'herbe fan��e dans le camp. Appuyant un coude sur une couverture qui tenait lieu de selle, il s'arr��ta pour voir le d��part, tandis qu'un poulain achevait tranquillement son repas du matin de l'autre c?t�� de la m��re.
Un jeune homme, avec l'uniforme des troupes royales, conduisit vers leurs coursiers deux dames qui, �� en juger par leur costume, se disposaient �� braver les fatigues d'un voyage �� travers les bois. L'une d'elles, celle qui paraissait la plus jeune, quoique toutes deux fussent encore dans leur jeunesse, laissa entrevoir son beau teint, ses cheveux blonds, ses yeux d'un bleu fonc��, tandis qu'elle permettait �� l'air du matin d'��carter le voile vert attach�� �� son chapeau de castor. Les teintes dont on voyait encore au-dessus des pins l'horizon charg�� du c?t�� de l'orient, n'��taient ni plus brillantes ni plus d��licates que les couleurs de ses joues, et le beau jour qui commen?ait n'��tait pas plus attrayant que le sourire anim�� qu'elle accorda au jeune officier tandis qu'il l'aidait �� se mettre en selle. La seconde, qui semblait obtenir une part ��gale des attentions du galant militaire, cachait ses charmes aux regards des soldats avec un soin qui paraissait annoncer l'exp��rience de quatre �� cinq ann��es de plus. On pouvait pourtant voir que toute sa personne, dont la grace ��tait relev��e par son habit de voyage, avait plus d'embonpoint et de maturit�� que celle de sa compagne.
D��s qu'elles furent en selle, le jeune officier sauta lestement sur son beau cheval de bataille, et tous trois salu��rent Webb, qui, par politesse, resta �� la porte de sa cabane jusqu'�� ce qu'ils fussent partis. D��tournant alors la t��te de leurs chevaux, ils prirent l'amble, suivis de leurs domestiques, et se dirig��rent vers la sortie septentrionale du camp.
Pendant qu'elles parcouraient cette courte distance, on ne les entendit pas prononcer une parole; seulement la plus jeune des deux dames poussa une l��g��re exclamation lorsque le coureur indien passa inopin��ment pr��s d'elle pour se mettre en avant de la cavalcade sur la route militaire. Ce mouvement subit de l'Indien n'arracha pas un cri d'effroi �� la seconde, mais dans sa surprise elle laissa aussi son voile se soulever, et ses traits indiquaient en m��me temps la piti��, l'admiration et l'horreur, tandis que ses yeux noirs suivaient tous les mouvements du sauvage. Les cheveux de cette dame ��taient noirs et brillants comme le plumage du corbeau; son teint n'��tait pas brun, mais color��; cependant il n'y avait rien de vulgaire ni d'outr�� dans cette physionomie parfaitement r��guli��re et pleine de dignit��. Elle sourit comme de piti�� du moment d'oubli auquel elle s'��tait laiss�� entra?ner, et en souriant, elle montra des dents d'une blancheur ��clatante. Rabattant alors son voile, elle baissa la t��te, et continua �� marcher en silence, comme si ses pens��es eussent ��t�� occup��es de toute autre chose que de la sc��ne qui l'entourait.
Chapitre II
Seule, seule! Quoi! seule?
Shakespeare.
Tandis qu'une des aimables dames dont nous venons d'esquisser le portrait, s'��garait ainsi dans ses pens��es, l'autre se remit promptement de la l��g��re alarme qui avait excit�� son exclamation; et souriant elle-m��me de sa faiblesse, elle dit sur le ton du badinage, au jeune officier qui ��tait �� son c?t��:
-- Voit-on souvent dans les bois des apparitions de semblables spectres, Heyward? ou ce spectacle est-il un divertissement sp��cial qu'on a voulu nous procurer? En ce dernier cas, la reconnaissance doit nous fermer la bouche; mais, dans le premier, Cora et moi nous aurons grand besoin de recourir au courage h��r��ditaire que nous nous vantons de poss��der, m��me avant que nous rencontrions le redoutable Montcalm.
-- Cet Indien est un coureur de notre arm��e, r��pondit le jeune officier auquel elle s'��tait adress��e, et il peut passer pour un h��ros �� la mani��re de son pays. Il s'est offert pour nous conduire au lac par un sentier peu connu, mais plus court que le chemin que nous serions oblig��s de prendre en suivant la marche lente d'une colonne de troupes, et par cons��quent beaucoup plus agr��able.
-- Cet homme ne me pla?t pas, r��pondit la jeune dame en tressaillant avec un air de terreur affect��e qui en cachait une v��ritable. Sans doute vous le connaissez bien, Duncan, sans quoi vous ne vous seriez pas si enti��rement confi�� �� lui?
-- Dites plut?t, Alice, s'��cria Heyward avec feu, que je ne vous aurais pas confi��e �� lui. Oui, je le connais, ou je ne lui aurais pas accord�� ma confiance, et surtout en ce moment. Il est, dit-on, Canadien de naissance, et cependant il a servi avec nos amis les Mohawks qui, comme vous le savez, sont une des six nations alli��es[11]. Il a ��t�� amen�� parmi nous, �� ce que j'ai entendu dire, par suite de quelque incident ��trange dans lequel votre p��re se trouvait m��l��,
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