Le dangereux jeune homme | Page 5

René Boylesve
Sa beaut��, messieurs, ��tait ��tourdissante...
?Ce ne fut m��me pas elle, ma?tresse de maison, mais lui, le monstre, qui pensa �� me prier de passer dans ma chambre. Et il poussa la condescendance jusqu'�� m'accompagner. Oh! il y avait son avantage. C'��tait pour me demander:
?--Comment la trouves-tu??
?J'��tais seul avec lui, dans ma chambre; ma taille valait le double de la sienne. La civilisation, messieurs, a du bon, puisque je ne l'ai pas tu��.?
Deux autos venaient de s'aborder au carrefour voisin avec un court fracas qui avait mis debout la client��le du restaurant: les musiciens, distraits, jouaient faux. Il y eut une pause.
--Ce n'est rien, annon?a quelqu'un.
Grace �� l'adresse des chauffeurs, l'aile seulement de l'une des voitures ��tait arrach��e.
Durant ce temps, M. Bernereau, singuli��rement attentif au r��cit de M. Bri?onnet, avait r��fl��chi:
--Vous nous racontez, cher ami, que votre ancien camarade des Gaudr��es ��tait disgracieux et peu propre �� recevoir l'amour d'une si jolie personne, mais vous n��gligez de nous faire le portrait du sire. J'aimerais savoir la couleur de son oeil, le dessin de son nez et quel poil il portait. Votre taille ��tait, dites-vous, le double de la sienne: est-ce exact?
--Il faut tenir compte des exag��rations ordinaires au narrateur qui s'��chauffe un peu. Les quatre cheveux de ce Gaudr��es ne m'eussent pas atteint le menton. Voil�� comment il convient de r��tablir les proportions.
--Parfait, parfait, dit M. Bernereau.
--En quoi le physique de ce cancre peut-il vous captiver? Il ��tait laid et b��te, ai-je dit, et cela suffit �� mon r��cit.
--Permettez. Je tiens �� m'assurer que la chaleur que pr��cis��ment vous apportez �� votre narration, n'en alt��re pas la v��racit��. En outre, les quelques traits de ce Gaudr��es--dont je voudrais bien savoir le nom v��ritable!--me font souvenir d'un certain... J'ai le nom sur le bout de la langue... Mais mon homme �� moi ��tait Sganarelle en personne...
--N'essayons pas, observa M. de Soucelles, d'interpr��ter des souvenirs authentiques comme nous ferions de romans �� clef. Quel d��sir malsain, que de vouloir toujours d��couvrir une de nos connaissances dans une galerie qu'on nous fait visiter!
--Bon, bon. Continuez, Bri?onnet. N'emp��che que j'ai connu un certain cornard qui ressemble �� votre des Gaudr��es jusque par la personne de son ��pouse...
--Notez, r��pliqua M. Bri?onnet, que si je n'ai pas achev�� le croquis du mari, je n'ai pas souffl�� mot qui puisse peindre la femme, hormis l'��pith��te ?jolie? qui est la banalit�� m��me. Et je vois qu'il faudra m'en tenir l��, car nous devons pr��voir l'hypoth��se d'une curieuse co?ncidence dans nos souvenirs. Je confesse que j'��prouverais un mordant d��pit si je venais �� apprendre que madame des Gaudr��es trompa quelque jour son imb��cile de mari,... attendu que ce ne fut pas avec moi.
--Continuez, pauvre Bri?onnet.
--Messieurs, je ne me trouvais pas le seul h?te au manoir des Gaudr��es. En descendant, apr��s m'��tre habill�� pour le d?ner, je rencontrai sur le perron, pendant qu'une cloche sonnait �� toute vol��e, une respectable dame, m��re de mon ancien camarade, puis une fille de quelque trente ann��es �� qui l'on en e?t bien donn�� quarante: mademoiselle des Gaudr��es, et, en outre, le parent qui nous avait amen��s, depuis la gare, en auto, et que nous ferons r��pondre, si vous le voulez bien, au nom de vicomte d'Espluchard, parce que ce vocable me vient �� l'esprit. Il ��tait cousin de madame des Gaudr��es, la jeune. C'��tait un gaillard...
--Diable! s'��cria M. Bernereau.
--Bernereau, vous ��tes insupportable. Vous aurez la parole quand votre tour sera venu.
--Bon, bon! fit Bernereau, mais pour moi, l'histoire se corse.
--Parbleu! dit Bri?onnet, vous tenez un cousin un peu ?costaud?, vous imaginez d'embl��e une jeune femme perfide, et vous nous voyez d��j�� bern��s, le mari... et moi-m��me! Cependant vous n'attendez pas de moi le plat fait divers! Je vous ai annonc�� une idylle. C'en est une. Elle est, par d��finition, sans complication ni surprise. Elle a seulement un t��moin malheureux; c'en est toute la particularit��.
--J'aurai la parole, dit Bernereau. Tr��s curieux, votre d��but, tr��s curieux!
--Ce vicomte d'Espluchard, reprit M. Bri?onnet, ne manqua pas de m'appara?tre sous le jour o�� le voit pour l'instant Bernereau. Je n'avais pas, moi, le programme que vous tenez entre les mains et qui annonce une simple idylle, et je regardai du plus mauvais oeil ce tiers aux larges ��paules. La jeune madame des Gaudr��es �� laquelle il faut bien donner un petit nom: admettons H��l��ne, allait et venait sur la pierre grise et moussue de cette terrasse qu'ornaient des g��raniums et qu'embaumaient des r��s��das. Elle r��pandait elle-m��me un parfum qui me parut nouveau. Et, contemplant la grande pelouse o�� un ruisseau serpentait, les ormes magnifiques qui l'encerclaient, une statue rustique et d��labr��e parmi des roses, j'eus, pendant que la cloche annon?ait si joyeusement le d?ner, un moment de bien-��tre dont la qualit��, apr��s tout, un peu commune, ��tait relev��e de je ne sais quelle apre saveur.
?En prenant place �� table,
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