de toute la population qui y applaudit.?
La diatribe ne me revint pas intégralement à l'esprit en cheminant dans les varennes hantées par ces pseudo-vandales. Cependant, je parvenais à en reconstituer les principales beautés. Je me répétais ces phrases topiques et les ruminais avec un singulier délice. Ces voltairiennes doléances me rendaient encore plus chère l'atmosphère de cette matinée dominicale au coeur du fruste pays.
D'ailleurs, pour exalter mes amours jusqu'au paroxysme, il me suffit d'imaginer le pire opprobre dont la foule répouvée accablerait mes élus!...
Si je ne te communiquai pas, à mesure qu'elle se développait, cette méditation en quelque sorte apéritive, c'est que je craignais à une méprise de ta part devant l'indéterminé, et peut-être à une injustice, devant l'apparente férocité de ma pensée. Peut-être appréhendai-je que, traduite en paroles, elle ne s'éventat comme un bouquet compliqué et subtil. Pudeur de la très intime pensée! Peur de la voix qui trahit ce que la parole déguise. Silence gardé non par crainte de trop bien se comprendre, mais par crainte de ne pas concerter assez....
Que de circonstances entretinrent et rehaussèrent ces évagations!
A mi-chemin de l'étape une pluie chaude tomba. Trop anodine pour friper ta légère toilette de barège, elle suffit pour mettre en liesse la végétation altérée. L'odeur aromatique et pénétrante que cette aspersion fit sortir des arbres!
Ma ferveur patriale s'en réjouit comme d'une caresse arrachée à ce ciel renfermé et à cette plaine exclusive.
Le pays m'assimilait à ses cranes réfractaires. Il me savait épris de longue date, de la pluie, des glorieuses pluies d'été de la Saint-Médard qui, despotiquement, pourrissent les foins et avarient les moissons, mais qui flattent et satinent les feuillages et allaitent les grands arbres au choc des nuées mamelues.
Ce dimanche faste, lourd d'accalmie, je me sentis presque défaillir de gratitude au parfum réveillé, au parfum vierge des sèves. Les essences pubères, titillées par l'averse, s'effor?aient de précipiter, à forces d'effluves capiteux, les spasmes d'un orage lent à venir. Chaque rideau d'arbre émettait son ar?me particulier. Dans ce concert, le parfum des chênes était le plus fort; fleur viril de l'hercule des arbres. Les bouleaux expiraient des senteurs moins acres, moins effrénées. Les pins religieux et continents, trop tentés, trahissaient leurs angoisses par des bouffées d'encens mystique; tandis que bruyères et genévriers, non moins effervescents, se livraient aux abeilles éperdues.
Comme, par ce temps équivoque, pays et paysans étaient corrélatifs! Et ce ciel verdatre où des quadrilles de nuages s'entra?naient pour la chevauchée décisive ou s'évitaient, avec des feintes de lutteurs qui tardent à en venir aux mains et qui, avant le corps à corps, amusent et exacerbent l'anxiété du tapis! Et, par moments, cet horizon plombé, opaque, tout d'une teinte, traversé d'obliques éclairs et de fallacieux coups de soleil!...
Autant d'annonciateurs des faces mystérieuses, délicieusement énigmatiques, de mes braves bagaudes campinois, de ces faux apathiques aux félins et inquiétants sourires, aux poses languides aux lents regards capons!
Et, plus bas, la verdure mouillée, en sueur, luisait comme après la rixe, l'amour ou la corvée, les roses joues pleines. Et, sourdant du sol, comme d'une croupe fumante, cette vapeur si lourde, si oppressive qu'elle ne montait pas jusqu'aux branches ragaillardies, mais n'ouatait que les broussailles!...
Qui dira jusqu'à quel point, mon aimée, nos sensations se rapprochèrent durant ce houleux silence. Aujourd'hui, je tenterai de te confesser les miennes malgré que je rale et que je suffoque encore en les imaginant:
Te sentant menacée, environnée de désirs hostiles, j'aurais d? t'aimer mieux, n'est-ce pas? Eh bien, non! d'occultes rivaux, d'imminents ravisseurs m'incitaient à je ne sais quelle félonie, à quel partage de mon unique trésor. Je per?us des déclarations bourrues bruissant à tes oreilles, c'était comme si les plus entreprenants te soufflaient leur haleine au visage; les froissements des branches devenaient des attouchements de sylvains. Qu'importe! Je n'en éprouvais aucune jalousie. Nous avancions. Sans m'échauffer tu te blottissais contre moi. A l'entrée de cette sente à travers la chênaye, où les feuillages rapprochaient tellement leurs ramures qu'un char de moissons y avait accroché au passage des épis et des brindilles de foin, tu t'arrêtas net comme si des bras allaient t'étreindre et t'emporter. Je vis ce mouvement mais n'y pris point garde. Je t'entra?nai en avant. Plus loin, tu frissonnas à l'alerte d'un écureuil grimpant au fa?te d'un sapin. Je ris de tes transes. Depuis ce moment tu semblas te résigner. Ce ne fut plus, jusqu'à notre arrivée à Zoersel, dans ton coeur comme dans le mien, qu'un doux et mystérieux serrement, qu'une angoisse étrangement voluptueuse.
Et ce clocher qui avait eu, tout le temps, l'air de nous conjurer!
Après avoir passé quelques tènements de maisons, au tournant d'un dernier coin qui nous masquait la perspective, nous débouchames dans une sorte de carrefour, devant le cimetière, à l'heure où finissait la grand'messe.
Et, brusquement, de tomber sur un attroupement de jeunes blousiers, campés sous un tilleul centenaire
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.