Le culte du moi 2 | Page 3

Maurice Barrès
tr��s diverses; mais nous avions en commun le plus bel ��lan de jeunesse. Nous nous groupames tous, mistraliens, proudhoniens, jeunes juifs, n��o-catholiques et socialistes dans la fameuse Cocarde. Du 1er septembre 1894 �� mars 1895, ce journal fut un magnifique excitateur de l'intelligence. Je n'ai jamais fini de rire quand je pense que cette ��quipe bariol��e travailla aux fondations du nationalisme, et non point seulement du nationalisme politique mais d'un large classicisme fran?ais. Parfaitement, Fourni��re, Henri B��renger, Camille Mauclair ��taient avec nous. Il y avait un malentendu. On le vit quand parurentles D��racin��s, qui, peu avant une crise publique trop retentissante, oblig��rent de choisir entre le point de vue intellectuel et le traditionalisme.
En 1897, le d��sarroi des amis que l'Homme libre m'avait faits fut extr��me. Beaucoup de jeunes groupements m'envoy��rent leur P.P.C. J'ai gard�� une lettre priv��e, �� la fois touchante et singuli��re, de la Revue blanche. C'��tait l'��poque h��ro?que. Le fameux M. Herr, biblioth��caire de l'��cole normale, un Alsacien et un ap?tre (c'est vous dire deux fois qu'il ne manque pas de vivacit��), se chargea de formuler une excommunication. Ce philosophe qui vaudrait davantage s'il ��tait un peu plus d'Obernai me reprocha d'��tre de Charmes. Il se glorifie d'��tre le fils des livres et me m��prise d'��tre le fils de mon petit pays. Je le f��licite tout au moins de poser ainsi le probl��me. Oui, l'homme libre venait de distinguer et d'accepter son d��terminisme.
Il y a, dans la pr��face du Disciple, une page de grand effet. Bourget s'adresse ?aux jeunes gens de 1889? pour les inviter ?�� se m��fier du nihiliste struggleforlifer cynique et volontiers jovial? et du ?nihiliste d��licat?. ?Celui-ci, dit-il, a toutes les aristocraties des nerfs, toutes celle de l'esprit... c'est un ��picurien intellectuel et raffin��.... Ce nihiliste d��licat, comme il est effrayant �� rencontrer et comme il abonde! A vingt-cinq ans, il a fait le tour de toutes les id��es. Son esprit critique, pr��cocement ��veill��, a compris les r��sultats derniers des plus subtiles philosophies de cet age. Ne lui parle pas d'impi��t��, de mat��rialisme. Il sait que le mot mati��re n'a pas de sens pr��cis, et il est, d'autre part, trop intelligent pour ne pas admettre que toutes les religions ont pu ��tre l��gitimes �� leur heure. Seulement il n'a jamais cru, il ne croira jamais �� aucune, pas plus qu'il ne croira jamais �� quoi que ce soit, sinon au jeu de son esprit qu'il a transform�� en un outil de perversit�� ��l��gante. Le bien et le mal, la beaut�� et la laideur, les vices et les vertus lui paraissent des objets de simple curiosit��. L'ame humaine tout enti��re est, pour lui, un m��canisme savant et dont le d��montage l'int��resse comme un objet d'exp��rience. Pour lui, rien n'est vrai, rien n'est faux, rien n'est moral, rien n'est immoral. C'est un ��go?ste subtil et raffin�� dont toute l'ambition, comme l'a dit un remarquable analyste, Maurice Barr��s, dans son beau roman de l'Homme libre,--ce chef-d'oeuvre d'ironie auquel il manque seulement une conclusion,--consiste �� ?adorer son moi?, �� le parer de sensations nouvelles.?
Oui, l'Homme libre racontait une recherche sans donner de r��sultat, mais, cette conclusion suspendue, les D��racin��s la fournissent. Dans les D��racin��s, l'homme libre distingue et accepte son d��terminisme. Un candidat au nihilisme poursuit son apprentissage, et, d'analyse en analyse, il ��prouve le n��ant du Moi, jusqu'�� prendre le sens social. La tradition retrouv��e par l'analyse du moi, c'est la moralit�� que renfermait l'Homme libre, que Bourget r��clamait et qu'allait prouver le roman de l' ��nergie nationale.
Je ne permets qu'�� des catholiques les diatribes contre l'��gotisme. Si vous n'��tes pas un croyant, d'o�� prenez-vous v?tres point de vue pour fl��trir l'individualisme? Au reste, d'une mani��re g��n��rale, il serait d��testable que nous pussions contraindre des ��tres en formation. Souvent leurs maladies pr��parent leur sant��. Ce fier et vif sentiment du Moi que d��crit Un Homme libre, c'est un instant n��cessaire, dans la s��rie des mouvements, par o�� un jeune homme s'oriente pour recueillir et puis transmettre les tr��sors de sa lign��e.
Un moi qui ne subit pas, voil�� le h��ros de notre petit livre. Ne point subir! C'est le salut, quand nous sommes press��s par une soci��t�� anarchique, o�� la multitude des doctrines ne laisse plus aucune discipline et quand, par-dessus nos fronti��res, les flots puissants de l'��tranger viennent, sur les champs paternels, nous ��tourdir et nous entra?ner. L'Homme libre n'a point fourni aux jeunes gens une connaissance nette de leur v��ritable tradition, mais il les pressait de se d��gager et de retrouver leur filiation propre.
Si je ne subis pas, est-ce �� dire que je n'acqui��re point? J'eus mes victoires et mes conqu��tes en Espagne et en Italie; nos d��faites sur le Rhin contribu��rent �� ma formation; c'est d'un Disraeli que j'ai re?u peut-��tre ma vue principale, �� savoir que, le jour o�� les d��mocrates trahissent les int��r��ts et
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