Le conte futur | Page 7

Paul Adam
tire
malaisément dans le labour... Des têtes effarées et livides se tournent
vers les Guides.... Des hurlements incompréhensibles s'échangent. Un
homme à cheval tire un coup de feu; la flamme semble jaillir de son
poing.... Le peloton s'enlève dans un élan dernier, et va s'abattre sur les
misérables, dont les mains tremblantes ne trouvent plus les gâchettes
des carabines... «Halte!»
Philippe a crié; les chevaux fléchissent sous le coup de bride.... Et,
maintenant, il se trouve stupide dans le relatif silence, ne sachant plus

pourquoi il a commandé cette halte... d'autant que les artilleurs le
couchent en joue... «La paix!» crie-t-il encore... et il continue dans leur
langage... «Nous aurions pu vous massacrer.... Mais le temps est venu
de l'amour.... Il ne faut plus se tuer.... Il ne faut plus se tuer.... Nous ne
voulons plus tuer, nous sommes frères... les pauvres frères humains....
La paix! ne la voulez-vous pas?... Prenons la paix! Aimons-nous!»
Sans doute, les ennemis crurent-ils qu'il annonçait la bonne nouvelle
d'une paix réelle, subitement conclue, car ils abaissèrent leurs armes, et
puis ce fut un immense éclat de joie. Ils couraient les uns aux autres et
ils s'embrassaient. Les Guides se mirent à rire aussi, sans savoir.
L'adjudant piqua des deux et repartit vers le régiment.
Philippe ne parlait plus.... Il pressait, entre ses doigts, la touffe de lilas
donnée, à son départ, par Francine et Philomène..., et il se réjouissait,
en songeant qu'il venait d'agir selon leurs voeux de bonté....
Il allait reprendre ses exhortations à l'amour, lorsqu'il s'aperçut que la
troupe ennemie grossissait. Bientôt, ses Guides furent enveloppés par
les uniformes verts et blancs des artilleurs. Il voulut s'expliquer, mais
un vieil officier survint... qui lui arracha son sabre.... Il était
prisonnier....
* * * * *
Par un dimanche, le dimanche qui suivit, au matin, dans le Fort, il passa
devant la maison du colonel-gouverneur. L'épanouissement des lilas
parait les murs d'une neige suspendue. Les soeurs étaient là qui
l'attendaient à la grille. Francine fondit en pleurs, mais Philomène lui
parut radieuse. Sa beauté grandie s'exaltait. Elle lui jeta une touffe de
lilas qu'elle avait contre ses lèvres. Un soldat de l'escorte la ramassa et
la lui remit. Il la porta vers sa bouche.... On descendit par le chemin de
ronde. Philomène l'appela du haut de la terrasse... Pendant qu'il en
longeait le mur, elle lui disait: «Je t'admire et je t'adore, parce que tu as
ouvert l'ère nouvelle de l'amour, et que ton sang va la sanctifier...»
Philippe se sentait tout ébloui, en dedans, d'une gloire indicible. Il se
plaça de lui-même devant le poteau et il effeuillait les lilas pendant la
lecture de l'arrêt de mort. Repris aux mains de l'ennemi, le conseil de
guerre le condamnait pour trahison.
--Vous n'avez rien à ajouter?
--Non.... J'ai préféré mourir à tuer... Me voici prêt à subir... le sort....
On s'écarta. Une minute, il embrassa du regard l'esplanade, le carré des

troupes luisant sous le jeune soleil, et les douze exécuteurs qui
s'avançaient. Au-dessus d'eux, sur la terrasse, Philomène se tenait droite
contre le ciel, ses mains en baiser.
Et elle lui fut l'ange noir qui ouvre aux âmes la porte de la vie nouvelle.
Sans la quitter du regard, le coeur chantant, il commanda le feu.
_On sait comment l'exemple du cornette Philippe émut les troupes des
nations du Nord. Dans les plaines de Woerth, un mois plus tard, les
deux armées, au lieu de se combattre, s'embrassèrent. L'ère de barbarie
demeure close à jamais. Le Christ est redescendu_.

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