du
port de la Tournelle.
--Il ne s'agit aucunement de votre bourse, capitaine, et c'est la mienne
au contraire, je vous prie de le croire qui est à votre disposition.
--À qui ai-je l'honneur de parler, demanda le capitaine visiblement
touché de cette réponse, et que puis-je faire qui vous soit agréable?
--Je me nomme le baron René de Valef, répondit le cavalier.
--Monsieur, lui dit-il, j'ai cru reconnaître à votre air et à votre tournure
que vous étiez gentilhomme. Me serais-je trompé?
--Non, palsambleu! Monsieur, répondit celui à qui était adressée cette
étrange question en portant à son tour la main à son feutre. Je suis
vraiment fort aise que mon air et ma tournure parlent si hautement pour
moi, car pour peu que vous croyiez devoir me donner le titre qui m'est
dû, vous m'appellerez capitaine.
--Enchanté que vous soyez homme d'épée, monsieur, reprit le cavalier
en s'inclinant de nouveau. Ce m'est une certitude de plus que vous êtes
incapable de laisser un galant homme dans l'embarras.
--Soyez le bienvenu, pourvu que ce ne soit pas cependant à ma bourse
que ce galant homme ait recours, car je vous avouerai en toute
franchise que je viens de laisser mon dernier écu dans un cabaret du
port de la Tournelle.
--Il ne s'agit aucunement de votre bourse, capitaine, et c'est la mienne
au contraire, je vous prie de le croire qui est à votre disposition.
--À qui ai-je l'honneur de parler, demanda le capitaine visiblement
touché de cette réponse, et que puis-je faire qui vous soit agréable?
--Je me nomme le baron René de Valef, répondit le cavalier.
--Pardon, monsieur le baron, interrompit le capitaine, mais je crois
avoir, dans les guerres de Flandre, connu une famille de ce nom.
--C'est la mienne, monsieur, attendu que je suis Liégeois d'origine.
Les deux interlocuteurs se saluèrent de nouveau.
--Vous saurez donc, continua le baron de Valef, que le chevalier Raoul
d'Harmental, un de mes amis intimes, a ramassé cette nuit, de
compagnie avec moi, une mauvaise querelle qui doit finir ce matin par
une rencontre; nos adversaires étaient trois et nous n'étions que deux. Je
me suis donc rendu ce matin chez le marquis de Gacé et chez le comte
de Surgis, mais par malheur ni l'un ni l'autre n'avait passé la nuit dans
son lit. Si bien que, comme l'affaire ne pouvait pas se remettre, attendu
que je pars dans deux heures pour l'Espagne, et qu'il nous fallait
absolument un second ou plutôt un troisième, je suis venu m'installer
sur le pont Neuf avec l'intention de m'adresser au premier gentilhomme
qui passerait. Vous êtes passé, je me suis adressé à vous.
--Et vous avez, pardieu, bien fait! Touchez là, baron je suis votre
homme.
Et pour quelle heure, s'il vous plaît, est la rencontre?
--Pour neuf heures et demie, ce matin.
--Où la chose doit-elle se passer?
--À la porte Maillot.
--Diable! il n'y a pas de temps à perdre! Mais vous êtes à cheval et moi
à pied: comment allons-nous arranger cela?
--Il y aurait un moyen, capitaine.
--Lequel?
--C'est que vous me fissiez l'honneur de monter en croupe.
--Volontiers, monsieur le baron.
--Je vous préviens seulement, ajouta le jeune seigneur avec un léger
sourire, que mon cheval est un peu vif.
--Oh! je le reconnais, dit le capitaine en se reculant d'un pas et jetant
sur le bel animal un coup d'oeil de connaisseur. Ou je me trompe fort,
ou il est né entre les montagnes de Grenade et la Sierra-Morena. J'en
montais un pareil à Almanza, et je l'ai plus d'une fois fait coucher
comme un mouton quand il voulait m'emporter au galop, et cela rien
qu'en le serrant avec mes genoux.
--Alors vous me rassurez. À cheval donc, capitaine, et à la porte
Maillot!
--M'y voilà, monsieur le baron.
Et, sans se servir de l'étrier que lui laissait libre le jeune seigneur, d'un
seul élan le capitaine se trouva en croupe.
Le baron avait dit vrai: son cheval n'était point habitué à une si lourde
charge; aussi essaya-t-il d'abord de s'en débarrasser; mais le capitaine
non plus n'avait point menti, et l'animal sentit bientôt qu'il avait affaire
à plus forts que lui. De sorte qu'après deux ou trois écarts qui n'eurent
d'autres résultats que de faire valoir aux yeux des passants l'adresse des
deux cavaliers, il prit le parti de l'obéissance, et descendit au grand trot
le quai de l'École, qui, à cette époque, n'était encore qu'un port, traversa,
toujours du même train, le quai du Louvre et le quai des Tuileries,
franchit la porte de la Conférence, et, laissant à gauche le chemin de
Versailles, enfila la grande avenue des Champs-Élysées qui conduit
aujourd'hui à l'arc de triomphe de l'Étoile. Parvenu au pont d'Antin le
baron de Valef ralentit un peu l'allure de son cheval car
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