Le chasseur noir | Page 3

Émile Chevalier
les rochers.
Tout cela avait eu lieu en silence. Pas un mot n'avait ��t�� articul�� par le sombre commandant ou par ses hommes.
Ainsi qu'un songe affreux, le spectacle passa sous les yeux du trappeur. Mais, repoussant l'impression glaciale qui l'envahissait, il se coula promptement dans la rivi��re avec son couteau entre les dents. Ensuite il plongea et nagea vers l'endroit o�� le corps avait ��t�� jet��.
Il l'eut bien vite atteint. Coupant alors le lien qui retenait la pierre �� ce corps, il le saisit de la main gauche et s'approcha du bord avec la droite, mais en se tenant encore au-dessous de la surface de l'eau.
Quoiqu'il f?t bon nageur, il ne tarda pas �� ressentir une effroyable compression �� la poitrine. Les ondes sifflaient et bourdonnaient dans ses oreilles. Il avait imp��rieusement besoin d'air.
Alors il sortit la t��te de la rivi��re et respira longuement. La gr��ve ��tait proche; il y tra?na son pr��cieux fardeau.
D��j�� il se f��licitait du succ��s, lorsque la clart�� d'une torche et un bruit de pas sur les rochers, l'engag��rent �� la circonspection. Aussit?t, il s'��tendit dans le gazon �� c?t�� de l'objet de sa sollicitude.
C'��tait l'assassin qui revenait pour voir si son crime ��tait bien perp��tr��: il promena un long regard sur les eaux de la rivi��re et partit enfin, �� la grande satisfaction du trappeur.
D��s qu'il fut ��loign��, celui-ci enleva le manteau qui recouvrait la jeune femme et la transporta �� une place plus s��che et plus abrit��e. L��, il lui frictionna les tempes, lui frappa dans la paume des mains et employa divers autres moyens pour la ramener au sentiment.
Un l��ger tremblement des nerfs, puis un soupir lui annonc��rent que ses efforts n'��taient pas infructueux. A la fin, elle ouvrit les yeux; ses l��vres d��color��es s'anim��rent; un rayon d'intelligence ��claira son visage.
��videmment, elle ignorait ce qui s'��tait pass�� depuis le moment o�� elle avait perdu ses sens. Pensant ��tre encore au pouvoir de ses ennemis, elle tendit les mains comme pour demander grace. Ce mouvement affecta profond��ment le trappeur.
--Vous ��tes en s?ret��, cher petit ange du bon Dieu! s'��cria-t-il vivement. Les coquins sont partis, et vous voil�� avec un homme pr��t �� se faire hacher pour vous. Plus besoin de crier merci, pauvrette, plus besoin d'avoir peur, ? Dieu, non; vous ��tes avec un ami, oui bien, je le jure, votre serviteur!
La jeune femme jeta au chasseur un coup d'oeil vague et incr��dule. Son esprit ��tait encore en d��sordre. Elle ne pouvait bien saisir sa situation, car l'id��e d'un danger mortel l'absorbait compl��tement.
--Regardez-moi sans crainte, ma fille, poursuivit le trappeur. C'est un ami qui est pr��s de vous, et un ami qui ne vous d��laissera pas �� l'heure d'une maudite petite difficult��! Voyez! les brigands ne sont pas ici. Vous avez ��chapp�� �� leur cruaut��, et vous voici libre. Dieu soit lou��, lui qui n'a pas voulu permettre un aussi noir forfait. J'ai toujours cru �� la providence, moi! et j'y crois plus que jamais ce soir, oui bien, je le jure, votre serviteur!
La douce intonation de ces chaleureuses paroles eut un effet magique sur la jeune femme.
Elle commen?a �� comprendre.
Le trappeur alors la souleva d��licatement; elle appuya la t��te sur l'��paule du brave homme et pleura comme un enfant.

II
LE TRAPPEUR CAPTIF
Le printemps avait fait son apparition dans les montagnes. Les arbres s'habillaient d'un riche feuillage; les prairies se tapissaient de verdure, et les neiges hivernales achevaient de fondre au sommet des pics.
Debout sur un rocher, le trappeur examinait la vall��e d��roul��e �� ses pieds[3]. Il avait six pieds de haut; il ��tait mince et droit comme une fl��che. Des muscles secs, endurcis par l'exercice, saillissaient sous son ��piderme.
[Note 3: Ceux de mes lecteurs qui d��sireront des d��tails biographiques plus intimes sur Nick Whiffles n'auront qu'�� consulter ma collection des Drames de l'Am��rique du Nord, publi��e chez MM. L��vy.]
Il portait le costume des aventuriers du Nord. Son visage ��tait ouvert, agr��able quoiqu'un peu marqu�� par les soucis. La nature l'avait dot�� d'une de ces bouches comiques qu'il est impossible de r��duire �� la m��lancolie, et qui persistent, dans les cas les plus ��pineux, �� para?tre souriantes. Ses yeux, profond��ment enchass��s sous les sourcils, s'harmonisaient merveilleusement avec sa bouche et avaient la m��me expression.
Une longue carabine ��tait n��gligemment pass��e sous son bras. Sa grande silhouette, immobile, plac��e en relief contre les rochers, aurait fourni un magnifique tableau �� ces peintres qui, d��daignant les lieux communs, cherchent le pittoresque et le hardi comme sujet d'inspiration.
Cependant cet homme--quel qu'il fut--avait indubitablement affront�� d'un air calme les vicissitudes de la vie, et appris �� supporter avec une patience philosophique les infortunes qui ne pouvaient ��tre ��cart��es.
Dans sa physionomie, un je ne sais quoi indiquait qu'il ��tait incapable de rester en repos. Donnez-lui montagnes, prairies, for��ts et rivi��res, gardez-le loin des villes, loin du s��jour des civilis��s et il sera
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 67
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.