Le chasseur noir | Page 2

Émile Chevalier
brillantes, tant?t se cachaient enti��rement, suivant les accidents du terrain, et se rapprochaient peu �� peu.
Enfin, le trappeur distingua de nouveau ceux qui les tenaient. Ils ��taient accompagn��s de quatre autres individus, portant un fardeau ayant forme d'un corps humain envelopp�� dans un manteau. Instinctivement, il se retira plus avant sous l'arche de granit qui reliait les deux rives du cours d'eau. Les visiteurs nocturnes arriv��rent au fond de la ravine, et le personnage �� la ceinture rouge se dirigea vers le bord de la rivi��re. L��, il fit un geste; alors les quatre hommes s'avanc��rent pr��s de lui, plac��rent leur fardeau sur le sol et se retir��rent.
Le trappeur se sentait pris d'un int��r��t ind��finissable pour l'objet immobile qu'ils venaient de d��poser.
Qu'��tait-ce? Un ��tre humain? ��tait-il mort ou vivant?....
La r��ponse �� cette derni��re question ne se fit pas attendre, car, au moment o�� il se l'adressait, une jeune femme rejetant les pans du manteau qui l'enveloppait, en sortit comme d'un linceul. A la lueur des torches illuminant le bassin, le chasseur put la voir parfaitement.
Elle avait le visage pale comme la neige, mais attrayant au del�� de toute expression. Jamais notre aventurier n'avait contempl�� une beaut�� d'un ordre aussi ��lev��.
Un instant, il s'imagina qu'une cr��ature ang��lique ��tait soudainement descendue du ciel pour le fasciner par des charmes surnaturels. Une longue chevelure noire et luisante flottait ��parse sur le col marmor��en et les ��paules de cette femme. Merveilleuse ��tait la sym��trie de ses formes.
Elle jeta un regard effar�� autour d'elle, puis tomba aux pieds de l'homme �� la ceinture rouge, en ��tendant, d'une fa?on suppliante, des bras aussi blancs que l'albatre, et en s'��criant:--Sauvez-moi! pour l'amour de Dieu, sauvez-moi!
Ces paroles frapp��rent le trappeur comme un coup de poignard. Il eut tout de suite l'id��e de s'��lancer et de mourir pour d��fendre la jeune femme.
Mais ils ��taient six et il ��tait seul; mieux valait attendre.
Peut-��tre la providence lui fournirait-elle l'avantage de faire quelque chose pour l'infortun��e. Il avait entendu dire que l'heure du ciel sonne souvent �� l'heure du d��sespoir de l'homme.
Le trappeur ne faisait pas parade de religion, comme certaines gens pr��tentieux de la chr��tient�� ��l��gante; mais il avait les vrais instincts de l'enfant de la nature, qui adore spontan��ment, en esprit et en v��rit��, tout ce qui est inconnu au monde. Les hommes honn��tes n'oublient jamais Dieu dans la solitude, car il a plac�� autour d'eux tant de souvenirs de sa pr��sence qu'il est impossible de les m��conna?tre.
Les sympathies du trappeur ��taient donc vivement ��veill��es. La solliciteuse enleva une cha?ne de son cou, tira les bagues de ses doigts elles jeta aux pieds de celui qu'elle implorait. Il les ramassa en silence et les mit dans sa poche de c?t��.
Elle continua ses instances, voulut lui prendre la main, mais il la repoussa.
Apparemment fatigu�� de cette sc��ne, celui-ci adressa un coup d'oeil significatif aux quatre individus qui se tenaient discr��tement en arri��re. Ils accoururent, et leurs mains rugueuses s'abattirent sur les ��paules d��licates de la pauvre femme. Aux yeux du trappeur, cet attouchement ��tait un sacril��ge; peu s'en fallut qu'il n'envoyat une balle aux auteurs de l'outrage.
N��anmoins, une prudence bien entendue le retint. La victime cessa de r��sister, et, abandonnant tout espoir terrestre, elle parut adresser ses pri��res au ciel.
On lui lia les bras derri��re le dos, en serrant tellement les cordes que des gouttes de sang macul��rent ses poignets. Puis, on l'enroula dans le manteau, avec une grosse pierre, et le tout fut ficel�� comme un paquet.
L'objet de ces meurtri��res pers��cutions avait d��j�� perdu connaissance. Ce n'��tait plus qu'un corps inerte et passif.
Les quatre hommes le soulev��rent, tandis que les chefs projetaient sur la rivi��re la lueur de leurs torches. Pendant ce temps, le trappeur se d��pouillait �� la hate de son capot de chasse, et mettait bas ses armes, ne gardant que son couteau.
Le coeur lui battait fort. Il sentait le sang bouillir dans ses veines; une sueur abondante lui baignait le visage.
C'est qu'il ��tait r��solu �� tout risquer pour le salut de cette femme! Ce qu'elle ��tait, il ne le savait pas plus que les ��v��nements qui avaient d��termin�� cette trag��die; mais, dans son ame, il croyait qu'elle ��tait innocente de tout crime et ne m��ritait pas le sort auquel on l'avait trop manifestement condamn��e.
Son sexe, son infortune, sa prestigieuse beaut��, tout faisait appel au coeur du trappeur et le p��n��trait d'un sentiment qu'il n'avait jamais ��prouv�� auparavant.
Les ex��cuteurs de ce drame se plac��rent tout �� fait sur le bord de la rivi��re, balanc��rent deux ou trois fois le corps et le lanc��rent �� l'eau; il tomba avec un bruit sourd, s'enfon?a et disparut; quelques bouillonnements marqu��rent seuls l'endroit o�� il avait ��t�� immerg��.
L'homme �� la ceinture rouge examina, durant une minute, la surface troubl��e; puis, agitant sa torche, il s'��loigna, suivi de ses complices, et remonta pr��cipitamment
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