Le capitaine Paul | Page 8

Alexandre Dumas, père
Harel; c'est lui qui s'est ent��t��, prenez-vous-en �� lui. Seulement vous savez, Harel...
-- Quoi, cher ami?
-- Notre lecture reste entre nous; la pi��ce ne vous convient pas, elle peut convenir �� un voisin.
-- Comment donc! c'est faire...
Et, tout en portant son pouce et son index �� son nez pour absorber une derni��re prise de tabac, Harel appuya la main sur son coeur.
Je roulai mon manuscrit, j'embrassai George.
-- Sans rancune, ch��re, lui dis-je.
-- Oh! me r��pondit George, vous savez bien que ce n'est point de cela que je vous en veux.
-- Je m'en vais avec vous, dit Bocage.
-- Non, non, restez, cher ami; je crois que vous ��tes en froid avec votre directeur et votre directrice, c'est une occasion de vous raccommoder.
Et je sortis.
Le lendemain, la premi��re personne que je rencontrai me dit:
-- Vous voil�� donc revenu, vous?
-- Sans doute.
-- Oui, oui, oui, j'ai lu cela ce matin dans le journal.
-- Comment! le journal a eu la bont�� d'annoncer mon retour en France?
-- Indirectement.
-- Ah!
-- Oui... �� propos d'une pi��ce que vous avez lue �� la Porte-Saint- Martin.
-- Et qui a ��t�� refus��e?
-- Le journal a dit cela; mais je suppose que ce n'est pas vrai?
-- H��las! mon cher, c'est la v��rit�� pure.
-- Mais qui donc a fait mettre cela dans les journaux?
-- Personne.
-- Comment, personne?
-- Mon cher, ces choses-l�� se trouvent toutes compos��es; le metteur en pages les rencontre sur le marbre et les ins��re par erreur.
L'erreur faite, il en est d��sesp��r�� mais que voulez-vous?
-- Ah! n'importe, c'est bien malveillant. -- Ah! cher ami que vous avez d'ennemis!
Et la premi��re personne s'��loigna en levant les bras au ciel.
Pendant huit jours, ce fut la m��me gamme.
Il va sans dire qu'apr��s ce concert de plaintes fun��bres, qu'apr��s tous ces discours prononc��s sur la tombe de l'auteur d'Henri III et d'Antony, aucun directeur n'eut l'id��e de demander �� jouer le Capitaine Paul.
Pauvre Capitaine Paul! il ��tait regard�� comme un posthume!
Quatri��me phase. -- Transformation.
Cependant, vers 1835, je crois, la Presse s'��tait fond��e, et j'y avais invent�� le roman-feuilleton.
Il est vrai que l'essai n'avait pas ��t�� heureux. Girardin ne m'avait livr�� qu'un feuilleton hebdomadaire et j'avais d��but�� par la Comtesse de Salisbury, qui n'est pas une de mes meilleures choses.
En feuilleton quotidien, le roman e?t pu se soutenir.
En feuilleton hebdomadaire, il ne fit aucun effet.
Mais les autres journaux n'en adopt��rent pas moins ce nouveau mode de publication.
Le Si��cle m'envoya Desnoyers.
Louis Desnoyers est un de mes plus vieux camarades. Nous avions fait de l'opposition litt��raire et politique ensemble d��s 1827. Nous avions fond��, avec Vaillant -- je ne sais ce qu'il est devenu -- et Dovalle, qui a ��t�� tu�� en duel, un journal intitul�� le Sylphe; on oublia ce titre pour l'appeler le Journal rose, attendu qu'il ��tait imprim�� sur papier rose; sa couleur lui avait valu de nombreux abonnements de femmes.
�� quoi tient le succ��s!
La r��volution de Juillet tua le Journal rose! Mira tua Dovalle. J'��tais vice-pr��sident de la commission des r��compenses nationales: je fis Vaillant sous-officier et l'envoyai en Afrique, o�� les Arabes, selon toute probabilit��, ont tu�� Vaillant.
Il y avait bien longtemps que nous ne nous ��tions vus, Desnoyers et moi.
D'abord, j'arrivais d'un long voyage; puis les gens qui ont beaucoup �� faire ne se voient pas.
Le Si��cle ne pouvait donc choisir un ambassadeur qui me f?t plus sympathique. Aussi, depuis vingt ans, est-il accr��dit�� pr��s de moi.
Il fut convenu que je donnerais au Si��cle un roman en deux volumes.
Connu comme auteur dramatique, je l'��tais tr��s peu comme romancier.
Au th��atre, j'avais donn�� Henri III, Christine, Antony, la Tour de Nesle, Teresa, Richard Darlington, Don Juan el Marana, Ang��le et Catherine Howard, je crois.
En librairie, j'avais publi�� seulement mes Impressions de voyage en Suisse, mes Sc��nes historiques du temps de Charles VI, la Rose rouge et quelques feuilletons de la Comtesse de Salisbury.
Le Si��cle ��tait un journal �� trente mille abonn��s.
Il s'agissait d'y avoir un succ��s.
Je signai mon trait�� avec le Si��cle, me r��servant le choix du sujet, m'engageant seulement �� ce que le roman n'e?t pas plus de deux volumes.
Seulement le Si��cle ��tait press��.
Je promis de lui donner les deux volumes dans un mois.
Desnoyers alla porter mon engagement au Si��cle.
Je voulais en avoir le coeur net. Je pr��tendais �� part moi qu'il y avait un succ��s dramatique dans le Capitaine Paul; il devait, par cons��quent, y avoir un succ��s litt��raire.
Tout roman ne peut pas faire un drame, mais tout drame peut faire un roman.
Les beaux romans qu'on e?t faits avec Hamlet, avec Othello, avec Rom��o et Juliette, si Shakespeare n'en avait pas fait trois magnifiques drames!
Je me mis donc �� ��tudier la marine avec mon ami Garnerey le peintre; Garnerey, qui a eu depuis un si beau succ��s en publiant ses Pontons.
Garnerey se chargea, en outre, de revoir mes ��preuves.
Au bout du mois, le drame en cinq actes ��tait devenu un roman
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