Le capitaine Pamphile | Page 5

Alexandre Dumas, père
voil�� la b��te. Vous voyez que je suis de parole.
Gazelle n'��tait pas dans un moment heureux: le mouvement du cabriolet l'avait tellement d��sorient��e, que, pour rassembler probablement toutes ses id��es et r��fl��chir �� sa situation le long de la route, elle avait rentr�� toute sa personne sous sa carapace; ce que je posais par terre avait donc l'air tout bonnement d'une ��caille vide.
N��anmoins, lorsque Gazelle sentit, par la reprise de son centre de gravit��, qu'elle adh��rait �� un terrain solide, elle se hasarda de montrer son nez �� l'ouverture sup��rieure de son ��caille; pour plus de s?ret��, cependant, cette partie de sa personne ��tait prudemment accompagn��e de ses deux pattes de devant; en m��me temps, et comme si tous les membres eussent unanimement ob��i �� l'��lasticit�� d'un ressort int��rieur, les deux pattes de derri��re et la queue parurent �� l'extr��mit�� inf��rieure de la carapace. Cinq minutes apr��s, Gazelle avait mis toutes voiles dehors.
Elle resta cependant encore un instant en panne, branlant la t��te �� droite et �� gauche comme pour s'orienter; puis tout �� coup ses yeux devinrent fixes, et elle s'avan?a, aussi rapidement que si elle e?t disput�� le prix de la course au li��vre de la Fontaine, vers une carotte gisant aux pieds de la chaise qui servait de pi��destal �� Jacques Ier.
Celui-ci regarda d'abord avec assez d'indiff��rence la nouvelle arriv��e s'avancer de son c?t��; mais, d��s qu'il s'aper?ut du but qu'elle paraissait se proposer, il donna des signes d'une inqui��tude r��elle, qu'il manifesta par un grognement sourd, qui d��g��n��ra, au fur et �� mesure qu'elle gagnait du terrain, en cris aigus interrompus par des craquements de dents. Enfin, lorsqu'elle ne fut plus qu'�� un pied de distance du pr��cieux l��gume, l'agitation de Jacques prit tout le caract��re d'un d��sespoir r��el; il saisit, d'une main, le dossier de son si��ge, et, de l'autre, la traverse recouverte de paille, et, probablement dans l'espoir d'effrayer la b��te parasite qui venait lui rogner son d?ner, il secoua la chaise de toute la force de ses poignets, jetant ses deux pieds en arri��re comme un cheval qui rue, et accompagnant ses ��volutions de tous les gestes et de toutes les grimaces qu'il croyait capables de d��monter l'impassibilit�� automatique de son ennemi. Mais tout ��tait inutile; Gazelle n'en faisait pas pour cela un pas moins vite que l'autre. Jacques Ier ne savait plus �� quel saint se vouer.
Heureusement pour Jacques qu'il lui arriva, en ce moment, un secours inattendu. Tom, qui s'��tait retir�� dans sa loge �� mon arriv��e, avait fini par se familiariser avec ma pr��sence, et pr��tait, comme nous tous, une certaine attention �� la sc��ne qui se passait; ��tonn�� d'abord de voir se remuer cet animal inconnu, devenu, grace �� moi, commensal de son logis, il l'avait suivi dans sa course vers la carotte avec une curiosit�� croissante. Or, comme Tom ne m��prisait pas non plus les carottes, lorsqu'il vit Gazelle pr��s d'atteindre le pr��cieux l��gume, il fit trois pas en trottant et, levant sa grosse patte, il la posa lourdement sur le dos de la pauvre b��te, qui, frappant la terre du plat de son ��caille, rentra incontinent dans sa carapace et resta immobile �� deux pouces de distance du comestible qui mettait en ce moment en jeu une triple ambition. Tom parut fort ��tonn�� de voir dispara?tre, comme par enchantement, t��te, pattes et queue. Il approcha son nez de la carapace, souffla bruyamment dans les ouvertures; enfin, et comme pour se rendre plus parfaitement compte de la singuli��re organisation de l'objet qu'il avait sous les yeux, il le prit, le tournant et le retournant entre ses deux pattes; puis, comme convaincu qu'il s'��tait tromp�� en concevant l'absurde id��e qu'une pareille chose f?t dou��e de la vie et p?t marcher, il la laissa n��gligemment retomber, prit la carotte entre ses dents, et se mit en devoir de regagner sa niche.
Ce n'��tait point l�� l'affaire de Jacques: il n'avait pas compt�� que le service que lui rendait son ami Tom serait gat�� par un pareil trait d'��go?sme; mais, comme il n'avait pas pour son camarade le m��me respect que pour l'��trang��re, il sauta vivement de la chaise o�� il ��tait prudemment rest�� pendant la sc��ne que nous venons de d��crire, et, saisissant d'une main, par sa chevelure verte, la carotte que Tom tenait par la racine, il se raidit de toutes ses forces, grima?ant, jurant, claquant des dents, tandis que, de la patte qui lui restait libre, il allongeait force soufflets sur le nez de son pacifique antagoniste, qui, sans riposter, mais aussi sans lacher l'objet en litige, se contentait de coucher ses oreilles sur son cou, de fermer ses petits yeux noirs chaque fois que la main agile de Jacques se mettait en contact avec sa grosse figure; enfin la victoire resta, comme la chose arrive ordinairement, non pas
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