et écrit.)
DANIEL, à part.--Il paraît qu'il a trouvé sa pensée... la jolie pensée.
PERRICHON, achevant d'écrire.--Là... voilà ce que c'est! (Lisant avec
emphase.) «Que l'homme est petit quand on le contemple du haut de la
mère de Glace!»
DANIEL.--Sapristi! c'est fort!
ARMAND, à part.--Courtisan!
PERRICHON, modestement.--Ce n'est pas l'idée de tout le monde.
DANIEL, à part.--Ni l'orthographe; il a écrit mère, r, e, re[3]!
PERRICHON, à l'aubergiste, lui montrant le livre ouvert sur la
table.--Prenez garde! c'est frais!
L'AUBERGISTE.--Le guide attend ces messieurs avec les bâtons
ferrés.
PERRICHON.--Allons! en route!
DANIEL.--En route! (Daniel et Perrichon sortent suivis de
l'aubergiste.)
ACTE II, SCÈNE VIII
ARMAND, puis L'AUBERGISTE et LE COMMANDANT
MATHIEU
ARMAND.--Quel singulier revirement chez Daniel! Ces dames sont
là... elles ne peuvent tarder à sortir[1], je veux les voir... leur parler...
(S'asseyant vers la cheminée et prenant un journal.) Je vais les
attendre.
L'AUBERGISTE, à la cantonade.--Par ici, monsieur!...
LE COMMANDANT, entrant.--Je ne reste qu'une minute... je repars à
l'instant pour là mer de Glace... (S'asseyant devant la table sur laquelle
est resté le registre ouvert.) Faites-moi servir[2] un grog au kirsch, je
vous prie.
L'AUBERGISTE, sortant à droite.--Tout de suite, monsieur.
LE COMMANDANT, apercevant le registre.--Ah! ah! le livre des
voyageurs! voyons... (Lisant.) «Que l'homme est petit quand on le
contemple du haut de la mère de Glace!...» Signé Perrichon... mère!
Voilà un monsieur qui mérite une leçon d'orthographe.
L'AUBERGISTE, apportant le grog.--Voici, monsieur. (Il le pose sur
la table à gauche.)
LE COMMANDANT, tout[3] en écrivant sur le registre.--Ah,
monsieur l'aubergiste...
L'AUBERGISTE.--Monsieur?
LE COMMANDANT.--Vous n'auriez pas[4] parmi les personnes qui
sont venues chez vous ce matin un voyageur du nom d'Armand
Desroches?
ARMAND.--Hein?... c'est moi, monsieur.
LE COMMANDANT, se levant.--Vous, monsieur!... pardon! (A
l'aubergiste.) Laissez-nous. (L'aubergiste sort.) C'est bien à monsieur
Armand Desroches de la maison Turneps, Desroches et Cie que j'ai
l'honneur de parler?
ARMAND.--Oui, monsieur.
LE COMMANDANT.--Je suis le commandant Mathieu. (Il s'assied à
gauche et prend son grog.)
ARMAND.--Ah! enchanté!... mais je ne crois pas avoir l'avantage de
vous connaître, commandant.
LE COMMANDANT.--Vraiment? Alors je vous apprendrai que vous
me poursuivez à outrance pour une lettre de change que j'ai eu
l'imprudence de mettre dans la circulation...
ARMAND.--Une lettre de change!
LE COMMANDANT.--Vous avez même obtenu contre moi une prise
de corps.
ARMAND.--C'est possible, commandant, mais ce n'est pas moi, c'est la
maison qui agit.
LE COMMANDANT.--Aussi[5] n'ai-je aucun ressentiment contre
vous... ni contre votre maison... seulement, je tenais à vous dire que je
n'avais pas quitté Paris pour échapper aux poursuites.
ARMAND.--Je n'en doute pas.
LE COMMANDANT.--Au contraire!... Dès que je serai de retour à
Paris, dans une quinzaine, avant peut-être... je vous le ferai savoir, et je
vous serai infiniment obligé de me faire mettre à Clichy[6]... le plus tôt
possible?...
ARMAND.--Vous plaisantez, commandant...
LE COMMANDANT.--Pas le moins du monde!... Je vous demande
cela comme un service...
ARMAND.--J'avoue que je ne comprends pas...
LE COMMANDANT (ils se lèvent).--Mon Dieu! je suis moi-même un
peu embarrassé pour vous expliquer... Pardon, êtes-vous garçon[7]?
ARMAND.--Oui, commandant.
LE COMMANDANT.--Oh! alors! je puis vous faire ma confession...
J'ai le malheur d'avoir une faiblesse... J'aime.
ARMAND.--Vous?
LE COMMANDANT.--C'est bien ridicule à mon âge, n'est-ce pas?
ARMAND.--Je ne dis pas ça.
LE COMMANDANT.--Oh! ne vous gênez pas[8]! Je me suis affolé
d'une jeune personne qui se nomme Anita... et qui se moque de moi.
Cela me ruine. Je veux la quitter, je pars, je fais deux cents lieues;
j'arrive à la mer de Glace... et je ne suis pas sûr de ne pas retourner ce
soir à Paris!... C'est plus fort que moi!... L'amour à cinquante ans...
voyez-vous[9]... c'est comme un rhumatisme, rien ne le guérit.
ARMAND, riant.--Commandant, je n'avais pas besoin de cette
confidence pour arrêter les poursuites... je vais écrire immédiatement à
Paris...
LE COMMANDANT, vivement.--Mais, du tout![10] n'écrivez pas! Je
tiens à être enfermé; c'est peut-être un moyen de guérison. Je n'en ai pas
encore essayé.
ARMAND.--Mais cependant...
LE COMMANDANT.--Permettez! j'ai la loi pour moi[11].
ARMAND.--Allons, commandant! puisque vous le voulez...
LE COMMANDANT.--Je vous en prie... instamment... Dès que je serai
de retour... je vous ferai passer ma carte et vous pourrez faire
instrumenter... Je ne sors jamais avant dix heures. (Saluant.) Monsieur,
je suis bien heureux d'avoir eu l'honneur de faire votre connaissance.
ARMAND.--Mais c'est moi, commandant... (Ils se saluent. Le
commandant sort par le fond.)
ACTE II, SCÈNE IX
ARMAND, puis MADAME PERRICHON, puis HENRIETTE
ARMAND.--A la bonne heure! il n'est pas banal celui-là! (Apercevant
Madame Perrichon qui entre de la gauche.) Ah! madame Perrichon!
MADAME PERRICHON.--Comment! vous êtes seul, monsieur? Je
croyais que vous deviez accompagner ces messieurs.
ARMAND.--Je suis déjà venu ici l'année dernière, et j'ai demandé à
monsieur Perrichon la permission de me mettre à vos ordres.
MADAME PERRICHON.--Ah! monsieur. (A part.) C'est tout à fait un
homme du monde!... (Haut.) Vous aimez beaucoup
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