Le Voyage De Monsieur Perrichon | Page 4

Eugene Labiche and Edouard Martin
huitième arrondissement.
MADAME PERRICHON.--Ah ?a! ils se sont donc tous donné rendez-vous ici?... n'importe, c'est un danseur! (Saluant.) Monsieur...
ARMAND.--Madame... mademoiselle... je bénis le hasard... Ces dames vont partir?...
MADAME PERRICHON.--Oui, monsieur.
ARMAND.--Ces dames vont à Marseille, sans doute?...
MADAME PERRICHON.--Non, monsieur.
ARMAND.--A Nice, peut-être?...
MADAME PERRICHON, à part.--Tiens, comme l'autre! (Haut.) Non, monsieur!
ARMAND.--Pardon, madame, je croyais... Si mes services...
MADAME PERRICHON, à part.--Après ?a[2], ils sont du même arrondissement.
ARMAND, à part.--Je ne suis pas plus avancé... Je vais faire enregistrer ma malle... je reviendrai! (Saluant.) Madame... mademoiselle...

ACTE I, SCèNE V
MADAME PERRICHON, HENRIETTE, MAJORIN, puis PERRICHON
MADAME PERRICHON.--Il est très bien, ce jeune homme!... Mais que fait ton père? les jambes me rentrent dans le corps[1]!
MAJORIN, entrant de la gauche.--Je me sais trompé, ce train ne part que dans une heure!
HENRIETTE.--Tiens! monsieur Majorin!
MAJORIN, à part.--Enfin! les voila!
MADAME PERRICHON.--Vous! comment n'êtes-vous pas à votre bureau?
MAJORIN.--J'ai demandé un congé, belle dame; je ne voulais pas vous laisser partir sans vous faire mes adieux!
MADAME PERRICHON.--Comment! c'est pour cela que vous êtes venu! Ah! que c'est aimable!
MAJORIN.--Mais je ne vois pas Perrichon?
HENRIETTE.--Papa s'occupe des bagages.
PERRICHON, entrant en courant, à la cantonade.--Les billets d'abord! très bien!
MAJORIN.--Ah! le voici! Bonjour, cher ami!
PERRICHON, très pressé.--Ah! c'est toi! tu es bien gentil d'être venu!... Pardon, il faut que je prenne mes billets! (Il le quitte.)
MAJORIN, à part.--Il est poli!
PERRICHON, à l'employé au guichet.--Monsieur, on ne veut pas enregistrer mes bagages avant que je n'aie pris mes billets!
L'EMPLOYé.--Ce n'est pas ouvert! attendez!
PERRICHON.--Attendez! et là-bas ils m'ont dit: Dépêchez-vous! (S'essuyant le front.) Je suis en nage!
MADAME PERRICHON.--Et moi, je ne tiens plus sur mes jambes!
PERRICHON.--Eh bien, asseyez-vous! (Indiquant le fond à gauche.) Voilà des bancs... vous êtes bonnes de rester plantées là comme deux factionnaires!
MADAME PERRICHON.--C'est toi-même qui nous as dit: Restez-là! Tu n'en finis pas[2]! Tu es insupportable!
PERRICHON.--Voyons[3], Caroline!
MADAME PERRICHON.--Ton voyage! j'en ai déjà assez!
PERRICHON.--On voit bien que tu n'as pas pris ton café! Tiens, va t'asseoir!
MADAME PERRICHON.--Oui! mais dépêche-toi! (Elle va s'asseoir avec Henriette.)

ACTE I, SCèNE VI
PERRICHON, MAJORIN
MAJORIN, à part.--Joli petit ménage!
PERRICHON, à Majorin.--C'est toujours comme ?a quand elle n'a pas pris son café... Ce bon Majorin! c'est bien gentil à toi d'être venu!
MAJORIN.--Oui, je voulais te parler d'une petite affaire.
PERRICHON, distrait.--Et mes bagages qui sont restés là-bas sur une table[1]!... Je suis inquiet! (Haut.) Ce bon Majorin! c'est bien gentil à toi d'être venu!... (A part.) Si j'y[2] allais!
MAJORIN.--J'ai un petit service à te demander.
PERRICHON.--A moi?
MAJORIN.--J'ai déménagé... et si tu voulais m'avancer un trimestre de mes appointements... six cents francs...
PERRICHON.--Comment! ici?
MAJORIN.--Je crois t'avoir toujours rendu, exactement l'argent que tu m'as prêté.
PERRICHON,--Il ne s'agit pas de ?a[3]!
MAJORIN.--Pardon! je tiens à le constater[4]... Je touche mon dividende des paquebots le huit du mois prochain; j'ai douze actions... et si tu n'as pas confiance en moi, je te remettrai les titres en garantie.
PERRICHON.--Allons donc[5]! es-tu bête!
MAJORIN, sèchement.--Merci!
PERRICHON.--Pourquoi diable aussi[6] viens-tu me demander ?a au moment où je pars?... j'ai pris juste l'argent nécessaire à mon voyage.
MAJORIN.--Après tout, si ?a te gêne... n'en parlons plus. Je m'adresserai à des usuriers qui me prendront cinq pour cent par an[7]... je n'en mourrai pas!
PERRICHON, tirant son portefeuille.--Voyons, ne te fache pas!... tiens, les voilà tes six cents francs, mais n'en parle pas à ma femme.
MAJORIN, prenant les billets.--Je comprends! elle est si avare!
PERRICHON.--Comment, avare!
MAJORIN.--Je veux dire qu'elle a de l'ordre[8]!
PERRICHON.--Il faut ?a, mon ami!... il faut ?a!
MAJORIN, sèchement.--Allons! c'est six cents francs que je te dois... adieu! (A part.) Que d'histoires! pour six cents francs!... et ?a[9] va en Suisse!... Carrossier! (Il dispara?t à droite.)
PERRICHON.--Eh bien, il part? il ne m'a seulement pas dit merci! mais au fond, je crois qu'il m'aime! (Apercevant le guichet ouvert.) Ah! sapristi! on distribue les billets!... (Il se précipite vers la balustrade[10] et bouscule cinq ou six personnes qui font la queue.)
UN VOYAGEUR.--Faites donc attention, monsieur!
L'EMPLOYé, à Perrichon.--Prenez votre tour, vous, là-bas!
PERRICHON, à part.--Et mes bagages!... et ma femme!... (Il se met à la queue.)

ACTE I, SCèNE VII
LES MêMES, LE COMMANDANT suivi de JOSEPH, qui porte sa valise
LE COMMANDANT.--Tu m'entends[1] bien?
JOSEPH.--Oui, mon commandant.
LE COMMANDANT.--Tu diras à Anita que tout est fini... bien fini.
JOSEPH.--Oui, mon commandant.
LE COMMANDANT.--Et si elle demande où je suis... quand je reviendrai... tu répondras que tu n'en sais rien... Je ne veux plus entendre parler d'elle.
JOSEPH.--Oui, mon commandant.
PERRICHON.--J'ai mes billets!... vite! à mes bagages! Quel mètier que d'aller à Lyon! (Il sort en courant.)
LE COMMANDANT.--Tu m'as bien compris?
JOSEPH.--Sauf votre respect[2], mon commandant, c'est bien inutile de partir.
LE COMMANDANT.--Pourquoi?
JOSEPH.--Parce qu'à son retour, mon commandant redeviendra amoureux de mademoiselle Anita.
LE COMMANDANT.--Oh!
JOSEPH.--Alors, autant vaudrait[3] ne pas la quitter; les raccommodements co?tent toujours quelque chose à mon commandant.
LE COMMANDANT.--Ah! cette fois, c'est sérieux!
JOSEPH.--Adieu, mon commandant.
LE COMMANDANT s'approche du guichet et revient.--Ah! tu m'écriras à Genève, poste restante... tu me donneras des nouvelles de... ta santé...
JOSEPH, flatté.--Mon commandant est bien bon!
LE COMMANDANT.--Et puis, tu me diras si l'on[4] a eu du chagrin en apprenant mon départ... si l'on
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